- Écrit par : Rémy VOEGEL
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Un habitant de Valff possède une plaque photographique sur laquelle on peut deviner un homme debout et une femme assise à ses côtés. En quoi cette photo est-elle particulière ? Elle est fixée sur un support en métal. Curieux ? Un peu d'histoire de la photographie va nous éclairer.
D'aspect quasi noire, la plaque ne révèle les détails de sa surface que grâce à une exposition à une source lumineuse intense. C'est à ce moment que l'on distingue plus nettement un homme endimanché et distingué coiffé d'une casquette militaire accompagné d'une femme assise. Le visage de la femme est presque effacé (Il parait que certaines femmes vieillissent mal. Oups !). La plaque n'est pas datée et nous n'avons aucune information sur l'identité des personnes photographiées. Serait-il possible de cerner éventuellement la date de sa prise ? Mais avant cela pour parler de cette plaque spéciale, un peu d'histoire de la photographie.
Un des supports photographiques : le Ferrotype
Le ferrotype est un procédé photographique monochrome inventé par le Français Adolphe MARTIN (1824-1896) en 1852. Il s’agit d’une fine plaque de métal qui est recouverte d’un vernis noir et d’une émulsion de collodion qui produit une image positive après avoir été exposée directement à la lumière. La photographie est capturée avec une chambre photographique. Pour achever le processus, la photo est sensibilisée dans une solution de nitrate d’argent. La plaque est ensuite développée dans un bain chimique puis rincée à l’eau dès que l’image fait son apparition. L’image ainsi fixée peut être rehaussée de couleurs avant d’être vernie.
En raison de son accessibilité et de la facilité de son utilisation, de nombreux autres brevets sont déposés en Angleterre et aux États-Unis. C’est d’ailleurs en Amérique que la ferrotypie progresse le plus rapidement, et ce, à partir de la guerre de Sécession jusqu’au début du XXe siècle. Comme il s’agit d’un procédé photographique rapide et bon marché, il est popularisé surtout par les photographes ambulants (Extrait du site « La vitrine des archives de BAnQ instantanés »).
L'arrière de la plaque en métal : par endroits le vernis s'est enlevé laissant place à la corrosion. On constate que les bords irréguliers ont été découpés artisanalement
L'enquête
Serait-il possible de dater la photographie ? Un indice majeur est la casquette de l'homme. Il s'agit d'une « Krätzchen » Nous voilà bien avancé ! Ce qu'il faut savoir, c'est que cette fameuse Krätzchen était le couvre-chef militaire allemand. Nous pouvons donc cerner la période après 1871. Cette « Feldmütze mit Schirm » possède une cocarde ronde au centre qui correspondait aux couleurs du Reich prussien : noir, blanc rouge. A partir de la fin du XIXe siècle est apparue une deuxième cocarde correspondant au « Land » ou région. Cette information resserre donc la fourchette et qui nous amène à situer la date du cliché entre 1871 et 1900.
Soldat allemand avec Krätzchen à deux cocardes
La plaque photographique appartient à la famille VOEGEL Jean-Pierre (s'Bott's Victor). La logique voudrait que l'on retrouve les personnages représentés parmi les membres de la famille. Comme nous ne disposons d'aucune photo de famille de la fin du XIXe pour comparer, il existe une forte présomption qu'il pourrait s'agir de François Joseph né le 8 avril 1869. Il a fait son service militaire le 7 novembre 1889 au 5 Rheinischen Infanterie Regiment n°65, 2e Kompagnie à Cologne. On apprend, entre autre, dans son livret militaire, qu'il a eu une formation au maniement du fusil 1888. On apprend aussi, qu'il a été soigné pour un ulcère jusqu'à sa libération en septembre 1892. En 1895, il a été rappelé pour une période de 14 jours au Infanterie Regiment 143 à Strasbourg pour une mise à niveau avec contrôle médical et qu'il a été considéré apte pour la Landwehr, puis à nouveau rappelé pour 14 jours en 1900. Entre-temps, il s'était marié et a eu deux enfants.
5 Rheinischen Infanterie Regiment n°65 (1914-1918)
L'écho Charentais au sujet du traitement des soldats au 143 Régiment d'Infanterie de Strasbourg où Joseph a passé ses mises à jours pour la Landwehr en 1914
S'il s'agit de Joseph, ce qui correspondrait à l'âge approximatif de l'homme sur la photographie, cette dernière aurait été prise après le décès de son père et celui de sa mère en 1879. Il ne peut donc pas s'agir d'elle. La femme serait alors son épouse Thérèse SPECHT qu'il a épousé en 1895. Joseph avait à son mariage 27 ans et Thérèse 40 ans, ce qui semble être l'âge de la femme. Les parents de Joseph et de Thérèse étaient décédés. La date probable du cliché se situerait donc en 1895 vers le mois de mai et son retour du rappel militaire de 14 jours à Strasbourg.
Voilà comment on peut, avec peu d'éléments, cibler la date d'une photographie. Beaucoup de ces anciens souvenirs sont malheureusement jetés et détruits parce que personne ne se souvient et reconnait les personnes des photos. Pensez à noter à l'arrière les noms et les lieux. Et que dire des photos numériques sur nos téléphones et nos ordinateurs ? C'est encore une autre histoire ...
Sources :
- Gallica
- Fond Jean-Pierre VOEGEL
- La « Massti », fête du village
- Divertissements et jeux d'antan
- Vive le vin, adieu l'amour
- Le jour où Quadrilatère tomba amoureux de la fille de Faisan
- Le choléra fait des victimes à Valff
- Un chasseur sachant chasser, épisode 4
- Un chasseur sachant chasser, épisode 3
- Un chasseur sachant chasser, épisode 2
- Un chasseur sachant chasser, épisode 1
- Les livrets d'ouvriers (partie 2)