Dans ses mémoires, André VOEGEL vous relate les divertissements et les jeux qui ont bercé son enfance.
Dans ma jeunesse, les jeux étaient plus terre à terre que dans la fin du XXe siècle, je dirai plus écologiques, beaucoup plus près de la nature qui nous entourait.
Chasse aux hannetons et moineaux
Dès le printemps venu, au mois d'avril, nous allions à la chasse aux hannetons d'avril que nous appelions « Aprile Schisser », chieurs d'avril, qui étaient de taille plus petite que le hanneton commun, qui lui se manifeste au mois de mai. Ces insectes de la famille des scarabéidés causent de gros ravages dans les vergers en mangeant les feuilles des arbres. C'est à la tombée de la nuit qu'ils sortent de terre pour s'abattre sur les arbres fruitiers. Le moment propice, entre chien et loup, nous assurait une chasse de bon aloi. Enfermés dans des boîtes perforées avec quelques feuilles pour nourriture, ces pauvres bêtes trépassaient très rapidement. Il nous arrivait aussi de les martyriser en leur accrochant à travers l'abdomen un fil très fin auquel nous attachions un bout de papier, et de les lâcher en traînant à travers les airs le fanion à la façon d'un avion tirant derrière lui un spot publicitaire.
La chasse aux animaux nuisibles vers 1910 (Crédit image : Ville de Plessis Robinson)
Très tôt, nous nous entraînions à rouler en vélo sur un vieux clou qui manquait parfois de pneus. Un chemin légèrement en pente vis à vis de notre maison faisait l'affaire comme terrain d'entraînement. Lorsque nous savions garder l'équilibre, avec l'accord des parents, nous empruntions leur bicyclette de préférence le vélo de dame sans tube horizontal et qui se prêtait mieux à notre anatomie. Les vélos pour enfants étaient encore inconnus. Souvent je m'amusais avec notre chien qui était dressé à me rechercher dans des cachettes les plus reculées. Je portais une grande sympathie à l'égard de ces êtres très affectifs, et qui m'ont toujours accompagnés dans ma vie. Un jeu très apprécié par les garçons était la chasse aux moineaux à l'aide d'une fronde de fabrication maison. Cette arme de jet pour lancer des pierres était non seulement dangereuse entre les copains, mais pouvait provoquer des désagréments avec les voisins qui pouvaient parfois constater des vitres cassées mais dont le responsable restait toujours inconnu.
Toupies, billes, ...
A partir du printemps, en temps sec, on sortait les toupies, jouet en bois, en forme de poire, que les enfants font tourner au moyen d'une ficelle attachée à un bâton. Un bon joueur savait faire tourner la toupie si vite, sans qu'elle se déplace latéralement, qu'elle semble immobile. Le point crucial pour jouer est le terrain de jeu qui en principe ne devait pas présenter d'aspérités. Les routes goudronnées, bien plates et se prêtant bien au jeu de la toupie, étaient encore rares à cette époque, bien que le trafic camions et automobiles était en voie de développement. La route menant à Zellwiller, par exemple, était encore dans un état brut sans aucun revêtement goudronné.
Jeux de billes
Un jeu très prisé, le jeudi surtout, qui était notre journée libre hebdomadaire, fut le jeu de billes. Il y avait deux manières de jouer, le jeu simple où chaque joueur reprenait ses billes après le jeu, et puis le jeu, plus sérieux, où la règle voulait que le gagnant garde pour de bon les billes gagnées. Aussi, la qualité des billes étaient différentes. La bille en terre cuite n'était pas tellement appréciée, la bille de pierre, de verre et d'acier qui elles présentaient une valeur nettement supérieure. Quand la bande de garçons et filles était plus nombreuse, il fallait choisir un jeu qui admettait un nombre de joueurs plus important. Nous avions deux jeux de ballon que nous dénommions : ballon prisonnier ainsi que le jeu de ballon que nous appelions « Stillstand pas remuer », la règle de ce dernier jeu consistait à pouvoir se déplacer, courir ou même se cacher derrière un tronc d'arbre dans un secteur déterminé aussi longtemps que le porteur de balle ne criait pas « Stillstand pas remuer ». A ce commandement, chacun devait se figer à la place où il se trouvait et le porteur de balle visait un joueur qui devenait le nouveau porteur. En cas d'échec, le porteur gardait la balle et le jeu se poursuivait.
Bonhomme et bataille de boules de neige !
Au printemps, à la période des pontes des oiseaux, corbeaux, pies, palombes, tourterelles, geais, etc..., nous nous rendions en forêt à la recherche des nids pour les dénicher. La période de floraison des primevères et muguets en forêt donnait lieu à de belles sorties avec les filles du quartier et nous ramenions de gros bouquets. Les hivers étaient traditionnellement froids et enneigés. Une couche de 30 à 60 cm de neige couvrait la campagne de décembre à février. D'énormes bonhommes de neige se dressaient et montaient la garde à tous les coins de rue, dans les cours et jardins. Des batailles de boules de neige entre le haut et le bas village s'organisaient. Mais le plus amusant étaient les glissades sur les prés gelés, le dimanche après-midi. Filles et garçons se tenant par la main s'élançaient sur les immenses pistes gelées.
Bataille de boule de neige !
Le matin, en allant à l'école, nous profitions déjà de petites glissades sur les rigoles le long de la route. Il n'y avait pas encore de canalisation, les effluents domestiques se déversaient dans les rigoles avant de s'écouler au moment de la fonte dans la Kirneck. Cette petite rivière, traversant le village, était pendant des mois entiers complètement gelée, ce qui faisant la joie des enfants. Sur des traîneaux spéciaux, munis de patins, et à l'aide de deux piquets, nous pouvions nous déplacer sur la glace à grande vitesse et même passer sous les ponts voûtés.
Les oies dans le bas village
En hiver, le déneigement n'était pas assuré par le service des Ponts et Chaussée (désignation remplacée ensuite par la DDE). C'est la commune qui, en principe, s'occupait du déneigement avec un chasse-neige tiré à chevaux, mais ce n'était pas très efficace. Une épaisse couche de neige bien tassée restait au fond et recouvrait toutes les voies publiques. Très souvent, et surtout le dimanche, on voyait passer de gros traîneaux en bois tirés par un ou deux chevaux dans le village. De loin, on entendait l'arrivée de tels attelages, les chevaux portaient pour la circonstance des colliers à clochettes, ce qui donnait une certaine ambiance au village dans un hiver qui ne finissait pas de finir.
Meccano
A Noël, les cadeaux, jouets et friandises pour les enfants, ne reflétaient pas, et de loin, ce qui se pratique de nos jours. Le Kristkindel avec son âne nous apportaient, certes des douceurs et des jeux, car depuis des semaines nous attendions cet heureux moment. Dans son sac, le Kristkindel nous apportait des pommes, des noix enveloppés dans du papier alu, quelques oranges, quelques tablettes de chocolat noir, des figues, un jeu collectif et peut-être un cahier ou livre à colorier. A l'âge de neuf ou dix ans, j'ai été gratifié d'un mécano dont j'étais très fier, car mes copains n'en avaient pas encore. Tous les ans il fut complété ; ce qui me donnait l'occasion de bricoler des engins toujours plus grands et même de les animer par un moteur électrique. J'étais un enfant heureux, pendant des hivers entiers je m'amusais à construire des grues, des camions, des ponts, des scies mécaniques, etc.