Tableau de Pavel FEDOTOV, « Personne mourant du choléra »

Nous vivons une époque avec situation sanitaire sinistre. De tous temps les épidémies ont causé des coupes franches dans le rang de la population. Qui de nos jours a encore peur du choléra dans notre région ? Et pourtant cette maladie a fait des victimes à Valff, il y a seulement 168 ans, en 1854. 

Valff, 19 octobre 1854, le maire JORDAN écrit une lettre laconique au Sous-Préfet PENNARUN de Sélestat : « J'ai l'honneur de vous informer que le choléra s'est déclaré dans notre commune, trois personnes en sont mortes, une il y a huit jours, deux aujourd'hui. Il y a encore trois ou quatre autres qui en sont atteintes. J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect, votre humble et le plus obéissant serviteur. Le Maire ».

Les victimes 

Une recherche dans les registres de décès de ce mois d'octobre 1854, nous renseigne sur le nom des victimes :

  • Marie-Anne MULLER est décédée le 12 octobre. Agée de 54 ans elle était l'épouse de l'ancien boucher Sigismond MEISTERSHEIM. Le veuf Sigismond habitera en 1856, seul, au n°289 chez la famille LUTZ
  • Florent SCHULTZ décède le 19 octobre à sept heures du matin. Il est âgé de 6 jours et était le fils du laboureur Jean-Pierre et de sa femme Marguerite ROSFELDER
  • Léon BLUM. Le fils du décédé marchand Léon BLUM et de Madeleine WEIL n'a que 6 ans. Il expire à treize heures de l'après-midi
  • Marie Rose KRUMHOLTZ. Le Maire JORDAN avait vraisemblablement déjà rédigé sa lettre lorsque Marie Rose est décédée à seize heures de l'après-midi de ce jeudi 19 octobre. Cette jeune journalière, fille d'un vigneron de Bernardswiller est venue s'installer à Valff chez son mari Jacques SCHEHRER, journalier charretier, pour se contaminer et mourir. Elle était mariée depuis trois ans. Elle venait de donner naissance à un petit Alexis en septembre qui décèdera lui aussi le 23 octobre. Leur premier fils, prénommé Jacques né en 1853 était déjà mort à neuf mois. Son mari ne supportera plus de rester dans le village et s'exilera dans la région de Sarrebourg. Il décèdera à l'âge de 44 ans

Suivront le même mois ROSFELDER Madeleine 54 ans, BURGSTAHLER Madeleine 1 an et 9 mois, KORMANN Marie Marguerite 22 ans, puis en novembre HEUMANN Mathias 42 ans, BLOCH Babette 12 ans, OTT Thérèse 7 mois, MINIGUS Joseph 12 ans, LUTZ Florent 30 ans, etc.

Le 24 octobre le Sous-Préfet et Maire de Sélestat, Joseph Benjamin PENNARUN, écrit au Préfet Auguste César WEST, que le choléra, qu'il confond avec la fièvre thyphoïde, « n'a pas semblé avoir assez de gravité pour m'autoriser en sa faveur votre généreuse assistance ... ». SicIl informe néanmoins le Préfet, que c'est à Châtenois que « la cholérine négligée » a sévit avec le plus de violence, mais rassure en précisant « que le nombre de victimes est bien peu élevé par rapport au  nombre de la population ! A Sélestat, comme à Châtenois la maladie frappe essentiellement des personnes débilitées par des excès ou une alimentation insuffisante. Quelques militaires de la garnison ont également été atteints par suite d'imprudences. La population n'est aucunement émue par ce fléau, que les médecins combattent avec succès lorsqu'ils sont appelés au début ».

Une statistique de Châtenois montre que rien que pour le mois d'octobre, 27 personnes de moins de 50 ans sont décédées dont beaucoup d'enfants. En tout on dénombrera 44 décès ce mois là, mais pour le Sous-Préfet PENNARUN c'est négligeable !

Auguste César WEST, Préfet du Bas-Rhin de 1850 à 1855

La pandémie

La pandémie qui a débuté en Inde au début du milieu du XIXe siècle deviendra mondiale. La maladie se transmet par l'absobtion d'eau ou d'aliments contaminés par le bacille virgule souvent contaminés des suites d'une mauvaise hygiène. Les symptômes sont les suivants :

  • une diarrée aqueuse abondante 
  • des vomissements
  • des nausées

Entre un quart et la moitié des sujets contaminés par la forme aïgue et non-traités décèdent dans les 3 ou 4 jours après l'apparition des symptômes. La désydratation entraîne une chute de la pression sanguine puis un collapsus cardio-vasculaire. Par contre, 80 % des  sujets infectés ne manifesteront aucun symptôme ou des symptômes bénins ou modérés. 

Les épidémies sont aujourd'hui massivement combattues par les autorités gouvernementales. Comme nous venons de le voir, ce ne fut pas toujours le cas dans l'histoire. Il faut également retenir que les soins médicaux étaient à la charge des malades, que les défavorisés n'avaient souvent pas le moyen d'honorer. Nous pouvons vivement remercier, même si certaines décisions pourrait nous sembler à redire, toutes les instances médicales et gouvernementales pour leurs efforts et leur combat.

Sources : Archives de la commune

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.