Écrit par : Rémy VOEGEL

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Imaginez-vous quelqu'un détruire la porte d'entrée de l'église St Blaise de Valff à coup de hache ? C'est pourtant ce qui est arrivé en 1925. Ça rue dans les brancards dans le village des irréductibles alsaciens. Récit.

11 juin 1925

Le journal Le Nouvelliste titre : « Acte de vandalismes à Walf »

« Notre église parait être choisie depuis quelque temps déjà par des misérables sectaires fanatiques qui s'amusent de prouver leur haine farouche contre tout ce qui est catholique. L'autre nuit donc, ils sont venus démolir la grande porte en chêne massive à l'aide d'une hache. De même, les individus ont détruit la serrure et la poignée d'une autre porte de l'église. Dans leur rage, ces vandales ont également mis la main à une vitre peinte dans le chœur.  Cette vitre était d'une valeur assez considérable. Malheureusement, on ne possède aucun signalement de ces ignobles malfaiteurs. On suppose que ce sont des étrangers, puisque dans notre commune, jamais une chose pareille n'avait été commise jusqu'à ce jour ».

En mars, l'abbé SCHENCKBECHER, ancien abbé, né à Valff, le 3 novembre 1886, venait de décéder. Vicaire de Belfort puis de Munster, sa dépouille avait été transportée par train, puis jusqu'à Valff, où il a été enterré. Heureusement qu'il n'aura pas assisté à ce qui se passait dans le village !

Des mécontentements 

3 juin

On apprend que le remplacement de la couverture de la grande bulbe de la tour de l'église touche à sa fin. L'auteur anonyme constate que même rénovée, le clocher penche une fois à droite, une fois à gauche, balancé par les humeurs du vent. Va-t-il s'écrouler ? demande-t-il ? Bien sûr que non ! Mais le bulbe du haut demande : Hé ! vous là en bas ! Stop ! Comment m'avez-vous arrangée ! Personne n'a donc pitié de moi et viendrait avec de la laque vert clair repeindre mes vieilles tuiles afin qu'elles ressemblent un peu aux neuves de la grande bulbe d'en bas ? Voulez-vous me livrer à la critique des étrangers qui viendront me scruter ? Je ressemble à celui à qui on a remis une vieille casquette sur un habit tout neuf. Pourquoi n'avez-vous pas utilisé les vieilles tuiles au bas de la tour ? J'espère que vous entendrez ma supplication avant qu'il ne soit trop tard !

19 juin 1925

Le maire KLEIBER de Valff se voit obligé de se justifier suite à un autre courrier, toujours anonyme, publié dans le journal Der Elsaesser.

Dans l'article incendiaire, nous apprenions certains détails supplémentaires au sujet du vandalisme de la porte de l'église. C'est une traverse neuve en chêne qui venait d'être changée, d'une des portes de l'église, qui a été détériorée. Sur une autre porte, quelqu'un a détruit la poignée extérieure. En ce qui concerne Mr le maire, il aurait été prévu de remplacer les tuiles du bulbe du clocher d'en haut en même temps que celles de la grande bulbe de la tour. Cette proposition aurait été abandonnée pour pouvoir augmenter le salaire du maire de 600 à 1200 francs et celui de l'adjoint de 200 à 400 francs. Ça fume !

À l'accusation de l'augmentation récente d'indemnités que l'administré juge injustifiée, le Maire répond dans le journal : « Non seulement je suis fier de ma gestion exemplaire des fonds publics, mais en plus, je ne me facture pas tous les déplacements et frais inhérents à mon mandat. Je rappelle que le salaire du maire d'Obernai est passé de 6500 Francs à 10 000 Francs, celui de Goxwiller de 700 à 1500 et celui du maire de Zellwiller à 1000 Francs. Je pense que ce ne sont pas les intérêts de la commune qui préoccupent Mr l'auteur, mais que ce sont les derniers résultats des élections qui l'énervent ! ». A Valff, on lave son linge sale, ou plutôt ses tuiles sales en public !

24 novembre 1925

Et pourtant tout semble aller pour le mieux du monde dans notre petit village d'irréductibles alsaciens !

Le temps est agréable, le bétail est encore dans les prés pour la saison, leur nourriture est présente en abondance, la production de lait est parfaite et même plus qu'abondante. Le gardien de bétail du village emmène encore, matins après matin, son cheptel d'animaux dans les prés communaux. Et pourtant. On regrette que le village soit le dernier de toute la région à ne pas posséder encore de monument aux morts ! Que le budget pour un tel investissement avait pourtant été prévu, mais l'argent aurait été utilisé pour autre chose. Peut-être dans trois ans ... lors des nouvelles élections ?

En plus, on veut plus de lumière ! L'auteur dit devoir marcher tous les matins pour prendre son train et voit au loin tous les autres villages illuminés, sauf les carrefours de Valff ! Mr "jamais content" fait encore des siennes. Coriace le bougre !

Source : Galica