- Écrit par : Rémy VOEGEL
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Dans un article précédent, nous nous sommes arrêtés le jour où nos aïeux ont appris l'assassinat de l'archiduc d'Autriche François Ferdinand le 29 juin 1914. Personne n'imaginait alors ce qui les attendait, le déclenchement de la Première Guerre accompagné de toutes ses horreurs. Dans cette série d'articles, nous allons nous plonger dans l'univers des nouvelles précédant les jours d'avant le conflit : curiosités, innovations, sensations, tensions ou faits-divers, les nouvelles qui nous parviennent sont d'un autre temps. Le premier volet est un focus des pionniers de l'aviation, « Aviatiker » comme on les appelait en allemand, où quelques alsaciens (et même une alsacienne) se distingueront. Rétrospective.
Année 1914
L'aviation
13 janvier
L'inventeur et pilote Orville WRIGHT a présenté son dernier avion à l'aéroclub américain. Devant une foule médusée, il s'est permis des « saltomortale », des piqués et des virages serrés sans incidents. C'est l'invention de son nouveau stabilisateur qui ont fiabilisé l'appareil. Il permet, si des fois le moteur venait à s'éteindre en vol, de planer jusqu'à l'atterrissage (sur l'image le premier aéroplane des frères WRIGHT).
Modèle B des frères WRIGHT (1910-1914)
3 février
Atterrissage forcé. Deux officiers allemands ont été contraints d'atterrir en urgence à Croismaire près de Lunéville en France. Leur biplan est détruit. Oberleutnant BRESTIEN du Badischen Fussartillerieregiment n°14 stationné à Strasbourg accompagné du lieutenant GERNER du Fussartillerieregiment n°16 stationné à Metz ont été recueillis aimablement par les autorités françaises.
11 février
L'alsacien INGOLD bat le record de durée en vol !
Le record de vol sans interruption de 14 heures 7 minutes de Bruno LANGER le 3 février n'a pas fait long feu ! Le pilote alsacien Charles INGOLD né à Colmar, l'a battu de près de deux heures. Il a décollé de Mulhouse et est resté en l'air pendant 16 heures et 19 minutes. Son parcours l'a amené jusqu'à Munich. La distance parcourue est d'environ 1700 km. Son avion, un Aviatik-Pfeil-Doppeldäcker avec un moteur Mercedes de 100 cv, a consommé 600 litres d'essence et 60 d'huile. INGOLD a dû interrompre son vol à cause du brouillard.
Charles INGOLD raconte : « Pour me diriger, j'avais en ma possession une carte d'état-major et une lampe électrique. Après Mulhouse, je suis monté à une hauteur de 2 à 3000 mètres. En remontant le Rhin, j'ai été contraint, à cause du vent, de tourner vers Thuringe. À Gotha, j'ai à nouveau été entouré de brouillard et j'ai continué mon vol à l'aide de la boussole. Rebroussant vers le sud, j'ai allumé ma lumière pour pouvoir lire le compas et la carte, mais l'ampoule grilla et je me suis retrouvé dans le noir. Heureusement que la pleine lune illumina mon appareil et j'ai pu m'orienter par son ombre sur l'empennage. J'étais continuellement à l'affut du moindre bruit suspect provenant de mon moteur et qui signifiait pour moi la vie ou la mort ! Tout à coup, ce que je croyais être des prairies scintillantes s'avéra être les hauts sommets des Alpes et je me dirigeais droit sur elles ! J'ai longé cette merveille et fini par atterrir dans le Forstenrieder Parc de Munich. Grand Merci à mon moteur Mercedes ! ».
31 mars
Dimanche matin, entre 8h30 et 10 heures, le chef pilote INGOLD de l'aérodrome d'Habsheim accompagné du Dr STEINEL a entamé un vol en direction des Hautes-Vosges. Après Guebwiller puis Lautenbach, ils ont franchi des hauteurs de plus de 2000 mètres pour survoler la maison où se déroulait la fête annuelle en l'honneur de Bismarck (Belchenhaus) sur le Ballon d'Alsace. Le retour par Saint Amarin et Thann, Sennheim et Mulhouse s'est déroulé sans encombres.
12 février
Benfeld. Un drôle de spectacle nous a gratifié le pilote STOEFFLER quand il a rasé, samedi vers 17 heures avec son biplan, les maisons de Benfeld à 15 mètres de hauteur. En provenance de Mulhouse, il a souhaité saluer sa famille de Benfeld. Son père, le maître serrurier, Charles, est né dans cette ville et sa famille y demeure encore. Son grand-père est originaire de Krautergersheim. STOEFFLER s'est tellement penché en dehors de son siège que l'on a pu l'apercevoir distinctement. Les deux frères Victor et Ernest STOEFFLER nés à la Robertsau étaient basés avant la guerre à l'aérodrome d'Habsheim.
Victor STOEFFLER
Ernest STOEFFLER
Un article du 22 juin 1914 retrace l'abandon d'Ernest STOEFFLER pour la semaine aérienne de Vienne. Au départ d'Habsheim en direction de Vienne, il dut faire demi-tour pour cause de problèmes moteur alors qu'il volait à une altitude de 2000 mètres au-dessus de la Forêt Noire.
24 février
L'inventeur du nom de Guerre a mis au point de petites bombes incendiaires remplies d'essence de 1 kg et 40 cm de long que les aviateurs pourront lâcher au-dessus des dirigeables. Pour montrer leur efficacité, une foule nombreuse s'est assemblée pour admirer des ballots de paille incendiés après le lâchage de son invention du premier étage de la tour Eiffel. Leur coût de production varie de 30 à 100 francs.
31 mars
Polygone Strasbourg. Un biplan militaire s'est écrasé vers 16h45 sur la piste du Polygone d'une hauteur d'environ 20 mètres. Le pilote, le lieutenant SCHULTZ est grièvement blessé. Son copilote, le Hauptmann REINHARDT du Infanterieregiment n°70 de Saarbrücken est décédé dans la voiture qui l'emmenait à l'hôpital. La cause de l'accident est à imputer à l'évitement du biplan d'un monoplan en vol. La brusque manœuvre sur le côté a déséquilibré l'aéroplane.
La course aux records entre français et allemands se poursuit. Après le record de hauteur établi par le français George LEGAGNEUX, l'allemand Otto LINNEKOGEL atteint les 6300 mètres sur Rumpler moteur Mercedes, le 31 mars à Berlin Johannisthal. Il améliorera son propre record en juillet à 6700m. A la fin de la Première Guerre, le record sera pulvérisé à 8 800 mètres.
21 avril
Espionnage. Afin d'éviter l'espionnage aérienne, les autorités des différents pays ont établi une carte d'interdiction de survol pour les avions étrangers. Toute la région (Ouest de la Prusse dont fait partie l'Alsace) est concernée.
22 avril
Le constructeur allemand « Aviatik » a remporté de nombreuses commandes suisses suite aux prestations de ses avions à Berne. Ils ont concouru contre les autres firmes allemandes, LOHNER de Vienne, les BLERIOTS, SAUNIERS et FARMAN français. Il fallait monter à 1000 mètres en moins de 10 min avec un ballast de 250 kg et du carburant pour quatre heures, opérer un vol de reconnaissance, un décollage court et un atterrissage court. Le vainqueur a été le pilote Mulhousien INGOLD qui a atteint la hauteur imposée en 5 min et les meilleures notes avec son navigateur Oberleutnant MULLER. Deuxièmes, les avions LAUBE, troisième LOHNER. Les établissements français avec leurs monoplans ont été si mal notés qu'on leur a refusé de concourir. Les trois firmes allemandes ont engrangé de grosses commandes. En rentrant à Mulhouse, le pilote alsacien INGOLD est descendu de 3500 mètres en spirale pour atterrir tout en douceur.
Aéroport de Mulhouse Habsheim
4 mai
Mademoiselle RIOTTE de Sélestat, la première femme allemande pilote de dirigeable.
Le Hautmann DILLINGER accompagné de la pilote Mademoiselle RIOTTE a fait de longs trajets à bord du dirigeable du constructeur PARSEVAL de Leipzig. Bientôt, elle terminera son 30ᵉ voyage. Mlle Elfriede RIOTTE née à Sélestat, est la première femme pilote de ballon au monde.
20 mai
Prince HEINRICH de Prusse qui descend de sa voiture sur l'aérodrome de Darmstadt
La course du Prince HEINRICH. La première étape d'endurance d'avions a été organisée en partance de Darmstadt via Strasbourg, Francfort et Cologne à laquelle participe l'alsacien STOEFFLER (voir plus haut). Les pilotes sont composés de 17 officiers et 11 civils. 28 avions ont décollé de Darmstadt ce 17 mai à 4 heures du matin, 19 sont arrivés à Frankfort et seulement 17 sont repartis pour Köln. Certains se sont crachés. Le pilote lieutenant WALTZ s'est écrasé, mais est indemne, son observateur, le lieutenant Muller est mort carbonisé. Le Oberleutnant RHODE a également succombé à ses blessures. Le pilote STOEFFLER et son accompagnateur KRAUSE sur l'avion n°38 ont dû faire un atterrissage forcé dans le Taunus en direction de Cologne par suite d'une rupture d'un tuyau d'essence. Ils sont indemnes. Au retour de Köln seulement 12 sont arrivés à Francfort. Un ballon qui devait superviser la course s'est écrasé à la suite du manque de vent. Les quatre passagers ne sont que faiblement blessés.
Le 20 mai, l'avion n°52 du lieutenant STENZEL et du Major Wilhelm SIEGERT commandant de l'escadrille de Strasbourg a décollé de Griesheim puis s'est craché. L'avion est détruit, les passagers sont indemnes.
Hambourg. Des 28 avions au départ, 14 sont arrivés à destination.
22 mai
L'aviateur Kerland DING a atterri à Beaumarchais près de Calais en provenance de Londres. À bord se trouvait une princesse allemande, Anne von LOWENSTEIN-WERTHEIM-FEUDENBERG qui a poursuivi sa route en train en direction de Paris.
17 juin
Le Zeppelin Z1 s'écrase suite à une bourrasque orageuse sur le chemin entre Cologne et Karlsruhe via Metz, région Diedenhofen (Thionville).
22 juin
Au meeting de Vienne, couronné d'un prix total de 1 310 000 couronnes, l'alsacien INGOLD est arrivé premier au concours de durée de vol.
26 juin
Le Zeppelin 7 vole au-dessus de Sélestat. Un vrombissement sourd a réveillé les habitants à 4h30 du matin. C'était le dirigeable Z7 en provenance de Strasbourg vers Colmar. Au retour, vers 9 heures, le grand oiseau de toile est repassé pour rejoindre Baden-Dos. À Strasbourg, le ballon est repassé à 2 heures 15 dans la nuit.
Sélestat. Le Gefreiter (Caporal) KUPPER du Flieger-Bataillon n°4 de Strasbourg s'est posé à 19 heures sur la Place d'exercice de Sélestat. L'herbe trop haute pour le train d'atterrissage a sectionné quatre câbles de l'empennage. Une garde de trois soldats du bataillon de chasseurs d'ici a veillé toute la nuit sur l'appareil jusqu'à neuf heures et l'avion a pu repartir pour son vol de retour.
Source : Gallica
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