- Écrit par : Rémy VOEGEL
- Affichages : 2575
Charles né en 1893 fils Jean Michel FREYDER
Dans un article précédent, l'histoire de Jean-Michel FREYDER (partie 1), nous avons abordé les circonstances du départ de Valff de Jean Michel FREYDER.
Il est né le 30 janvier 1855 au n°198 de la rue Principale, fils aîné de Joseph Casimir, journalier et de Catherine Wimon, sage femme. Ses frères et soeurs s'appelaient Marie Thérèse, Joseph, Marie Eugénie, Florent, Marie Alphonse (qui décéda à 3 mois), Eugène (mort à 1 mois), Marie Elise (morte à 15 jours), Catherine (morte à 1 mois et demi), Marie Anne (morte à 3 semaines) et pour combler le malheur, un enfant mort à la naissance. Les décès successifs de ses frères et soeurs, presque année après année, ont dû profondément marquer le jeune Jean Michel alors enfant et adolescent. La souffrance et le deuil au quotidien. Jean Michel n'avait qu'une envie : fuir. De toute façon ses parents ne peuvent plus entretenir les jeunes adultes. Des connaissances de Paris feront l'affaire. Peut-être pourra-t-il envoyer un peu d'argent ? Avec sa soeur Marie Thérèse il débutera un voyage qui va l'emmener au bout du monde !
Michel, apprenti boucher, quitte Valff pour Paris en 1870 à l'âge de 15 ans. Mais il veut aller plus loin ! Le 10 septembre 1876, âgé de 21 ans il prend le train pour Cherbourg, embarque pour l'Angleterre, puis de Southampton traverse l'Atlantique sur le navire allemand « Main » en direction des Etats-Unis en compagnie de plus de 400 exilés comme lui. Le 5 octobre, au bout de 26 jours éprouvants, le navire appareille enfin à New-York.
Le navire « Main » (longueur 152 mètres, 17 mètres de large, poids 2893 tonnes)
Le navire « Main » construit en 1868 et équipé de nouvelles machines à vapeur en 1878 qui permirent au bateau d'atteindre les 26 km/h
Les quatre premières années sont difficiles. La nouvelle langue s'apprend péniblement. Il est seul. Heureusement il y a de nombreux allemands et quelques alsaciens qui ont entreprit comme lui, cette grande aventure. Pour faciliter l'intégration les personnes parlant allemand se regroupent. D'autres sont déjà bien installées et ont trouvé leur place. En 1880, Jean-Michel est employé comme commis dans un abattoir de porcs. Il vit dans une pension au 393 Hudson Street à Manhattan.
Le 25 janvier 1882, il fera sa demande officielle de citoyen des Etats-Unis. Mais le mal du pays l'envahi, sa famille lui manque et il retourne en Alsace la même année. Le 28 avril il est de nouveau de retour à New-York à bord du SS France en départ du Havre. Le 30 janvier 1883, Jean-Michel est reconnu citoyen américain par le Common Pleas Court de New-York. Son prénom était Jean-Michel en France avant 1870, est devenu Mickaël sous l'occupation allemande et est maintenant Michael en Amérique. Mais les nouvelles sont mauvaises : sa soeur Marie Thérèse est morte à Paris en 1885.
Acte de naturalisation
1886
En 1886, s'installe dans la même pension que lui, une ravissante jeune fille de 22 ans accompagnée de sa soeur cadette Marguerite. Son nom est Elisabeth GRIESS, originaire de ... Balbronn, dans le Bas-Rhin. Elles viennent tout juste d'émigrer et sont bien contentes de pouvoir parler le dialecte alsacien. Cela leurs rappelle tant de souvenirs et les rassures. Pour Michael c'est le coup de foudre. Elisabeth est belle à croquer et leur amour intense.
Le 26 mai 1886, Michael épouse Lizzie GRIESS à New-York. Lizzie est l'appellation américaine d'Elisabeth. Michel est catholique, elle, protestante, qu'importe ! Le problème ne se pose pas dans ce lointain pays. Lizzie est enceinte. En septembre de la même année elle donne naissance à la petite Margaret. Est-elle décédée ? Nous n'en savons rien. Car l'année suivante naît une autre petite Margaret Elisabeth. Puis c'est au tour de Catherina en 1890. Malheureusement le bébé décédera aussi le 14 juillet de la même année. Drôle de coïncidence pour cet alsacien qui fut poursuivi par l'administration allemande pour avoir fuit en France en 1870 [à lire : L'histoire de Jean-Michel FREYDER (partie 1)]. Le deuil de ses bien-aimés le poursuit !
Août 1891
Lizzie donne naissance au petit Joseph Mickael. Puis en 1893 c'est au tour de Charles de voir le jour. Lizzie n'est pas toute seule. Dans la maison à côté habite sa soeur cadette Margaret qui, entre-temps, s'est mariée à un certain John ABBENSETH originaire d'Allemagne. Les deux familles ne se séparerons plus. En 1995 la nouvelle du décès de son père Joseph Casimir le bouleverse. Il est loin et ne pourra pas être présent à la cérémonie d'enterrement.
Pour pouvoir nourrir tout ce petit monde Michael a changé de travail. Il est maintenant gérant de café. Michael n'a qu'une envie : retrouver les siens et se recueillir sur la tombe de son père. En 1900, il fait une demande de passeport avec la promesse de revenir dans les 6 mois. Les retrouvailles sont déchirants. Il est presque un étranger avec son accent anglophone. Cela fait plus de 25 ans qu'il a quitté l'Alsace ! Dans ses valises de retour, à bord du navire « La Bretagne » en départ du Havre, il ramène la cousine de Lizzie du même nom qu'elle, Elisabeth. Au retour, toute cette famille recomposée s'est installée au 62 East 8th à Manhattan. Michael a bien fait de revoir sa famille et d'embrasser une dernière fois sa mère Catherine. Elle décédera deux années plus tard.
Le navire « La Bretagne »
Petite information en passant. Après avoir servi de paquebot transatlantique, le bateau « La Bretagne » utilisé par notre habitant de Valff fut transformé pendant la guerre 14/18 en navire hôpital. En octobre 1886, il transporta la délégation française avec l'alsacien Auguste BARTHOLDI pour l'inauguration de la statue de la liberté à New-York.
Mais la famille a la bougeotte et déménage à nouveau accompagnée de la famille ABBENSETH. On les retrouve tous dans le même immeuble en 1905 au 65 Abbot Avenue Bayonne, Hudson. Les affaires vont bien. Les deux familles ont assez économisé pour s'offrir un petite pension. Tout le monde habite et travaille désormais dans l'hôtel. C'est l'ascension sociale. Elisabeth, la fille de Michael, se marie en 1909 puis c'est au tour de Joseph en 1914. En 1915 les deux familles FREYDER et ABBENSETH ont encore déménagé. Cette fois ils sont gardiens de salle des fêtes et habitent désormais au 107 Hobart Ave.
Maison du 107 Hobart Avenue Bayonne Hudson New-York
Mais une nouvelle va bouleverser la famille : en 1914 l'Allemagne déclare la guerre à l'Europe ! C'est le début de la première guerre mondiale. L'Allemagne et la France vont de nouveau s'affronter. Le 4 août 1917 le fils Charles s'enrôle dans l'armée américaine. Il est transféré dans le tout nouveau 481 aeronautic squadron aviation section signal corps (l'ancêtre de l'armée de l'air américaine) installée à Romorantin dans le Loire et Cher. Il sera nommé sergent. Combien de frères, cousins, amis et voisins, les uns entôlés dans l'armée alliée, les autres dans l'armée allemande se sont ainsi combattus ?
Michael ne connaîtra plus l'issue du conflit. Il décédera deux mois plus tard le 5 octobre 1917 à l'âge de 62 ans. Il est enterré au cimetière Moravian, à New Port, dans le comté de Richmond à New-York. Lizzie décéda le 16 mars 1921 à New York, Charles en 1945, Joseph en 1963 et Margaret en 1969.
C'est ainsi que fini le voyage lointain d'un enfant du pays. Décédé loin de son Alsace natale et de son village de Valff. Un jour il y aura peut-être un descendant qui nous contactera qui sait ? Les informations de ce récit ont été glané et recueilli avec l'aide d'un autre descendant d'émigré de Valff habitant aux USA : Tom O'BRIEN, qui nous a fait le plaisir de sa visite avec son épouse Marguerite en 2016.
PS Nous avons laissé le texte avec l'indication et l'espoir de pouvoir retrouver un descendant. Dernièrement, grâce au site De Valva à Valff , un citoyen américain, Mike Freyder nous a contacté. A l'aide de ses travaux généalogiques, il a pu nous éclairer sur certains détails. Nous apprenons ainsi que la lignée Freyder de Jean Michel s'est éteinte: il n'y aurait plus aucun descendant, aucun de ses deux fils n'a eu d'enfants.
Grand merci à Tom et à Mike , avec toute notre amitié
- L'histoire de Jean-Michel FREYDER (partie 1)
- Félix SCHEHRER : l'appel du nouveau monde
- Distinctions pour nos concitoyens
- Weiss nit ... Weiss nit !
- Invention révolutionnaire en 1910 : le cinématographe
- Les années studieuses (partie 3)
- Les années studieuses (partie 2)
- Les années studieuses (partie 1)
- Dis moi quel est ton « Hofname » et je te dirai qui tu es !
- Boire un petit coup c'est agréable ... lalalala