D'où vient votre nom de famille ? Un sujet précédent avait cerné les origines possibles [Dis moi quel est ton « Hofname » et je te dirai qui tu es !]. Dans les registres paroissiaux de Valff on découvre un nom de famille des plus cocasses. Jugez par vous-même !
8 février 1802
Maria Anna WEiDELÉ accouche. Elle n'a que 16 ans. Barbara LUTZ, la sage femme du village l'assiste. C'est une fille. « Elle s'appellera Maria Anna comme moi ! », indique la mère avec une voix à peine audible. La sage femme est attentive. Vu la rondeur du ventre, elle s'attend à voir apparaitre un jumeau. « Le deuxième enfant arrive ! » s'exclame-t-elle !
Effectivement, quelques instants plus tard, naît une deuxième petite fille à qui la mère donnera le prénom de Maria Salomé. Viens alors la question d'usage pour indiquer à Monsieur le Curé le nom de famille à attribuer aux jumelles :
- « Quel est le nom du père ? C'est pour le curé, pour le registre des baptêmes ! »
- « Weiss nit ... », répond la mère évasive. La sage-femme surprise répète la question et insiste « Le nom du père ! »
- « Weiss nit ...! Weiss nit ! », martèle la mère
- « Comment ? Tu ne connais pas le nom du père ? Il s'appelle Weisnit ou quoi ? »
- « Weiss nit ! Weiss nit !! », répète Anna Maria en dialecte
La sage femme Barbara LUTZ, dubitative, se rend chez le curé et lui rapporte les paroles d'Anne Marie. André SCHECK, le curé, avec humour ou par dépit, baptisera le 8 février 1802, les jumelles Maria Anna et Maria Salomé ... avec le nom de famille WEISNIT !
Le curé précisera dans l'acte de baptême que la sage femme aurait demandé avec insistance le nom du père mais que la mère aurait persisté et répété Weisnit ... « Abrolute à se agritum fuisse undé familia nomen Weisnit » (et j'ai finalement accepté de lui donner le nom de WEISNIT). Il avait de l'humour notre curé SCHECK !
Qui Anne-Marie a-t-elle essayé de protéger ?
La suite est moins gaie. Le lendemain, en direction du cimetière, le jardinier et marguiller Joseph WEIDELE, le père de Marie Anne, et KLIPFEL Marie Anne, sa femme, suivent un petit cortège qui accompagne la frêle dépouille de Salomé vers sa dernière demeure ; la pauvre enfant a expiré pendant la nuit. Deux jours plus tard, Maria Anna, la jumelle, subira le même sort.
Joseph WEIDELE
Le père d'Anne Marie est bien connu dans le village. Pendant la Révolution, il avait fait des vagues et fut emprisonné pour avoir osé s'opposer au prêtre jureur révolutionnaire, Sébastien LASSIAT, qui avait remplacé provisoirement le curé catholique André SCHECK. WEIDELE a une langue bien pendue quand il boit trop. Il s'était moqué ouvertement de LASSIAT, l'appelant, le mouflet au bonnet rouge révolutionnaire. Il s'en est fallu de peu que LASSIAT, humilié, le fasse décapiter. Il s'est néanmoins empressé d'accuser le marguiller d'être un fanatique contre-révolutionnaire et de propager des idées pro-aristocratiques.
WEIDELE évita de peu d'être raccourci ! LASSIAT, ami d'Eulogue SCHNEIDER, qui avait déjà décapité pour moins que ça à BARR et à EPFIG, aurait bien aimé damer cet arrogant ! C'est seulement grâce à l'intervention du Maire JORDAN que WEIDELE sera gracié et libéré. Il plaidera la mise en difficulté financière de la famille pendant que le chef de famille est en train de croupir au cachot.
WEIDELE travaille comme jardinier au château pour le compte des Seigneurs d'Andlau et sert à l'église en tant que marguiller. Il a également l'attribution de comptabiliser les noms des habitants bénéficiant des aumônes de l'Eglise. Tout, pour plaire au révolutionnaire LASSIAT !
Mais revenons à nos enfants WEISNIT. C'est ainsi que s'éteindra le nom de famille WEISNIT, du moins à Valff. Il existe en d'Autriche, entre autres, des personnes de ce nom. Un curé autrichien avec de l'humour ? WEISNIT, un nom de famille made in VALFF ! En ce qui concerne la naissance et le décès des filles, aucune déclaration dans les registres d'état civils. Anti profanes jusqu'au bout, les WEIDELE !
Le 22 Ventose de l'an 12, Anne Marie accouchera d'une autre petite fille qu'elle appellera Marie Françoise ... et comme elle en a l'habitude, le père est décidément inconnu ! Manifestement, une conception ... révolutionnaire ! Serait-ce, ce jour, que l'on aurait découvert que ce sont les cigognes qui apportent les bébés ? La rédaction promet de mener l'enquête !
Extrait du registre de naissance de Maria Françoise, la troisième fille de Marie Anne. W. pour WEIDELE ou WEISNIT ? Monsieur le Maire écrit un « W » c'est pratique ça commence pareil !
Marie Anne WEIDELE restera célibataire, sa fille Marie Françoise, elle, trouvera un mari. On lui attribuera finalement le nom de famille de sa mère : WEIDELE.
Crédits : Archives départementales du Bas-Rhin
PS : Au cas où vous auriez des problèmes avec le dialecte, Weisnit signifie ... « Je ne sais pas » !