- Écrit par : Rémy VOEGEL
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« Crier au loup ! » vous connaissez ? C'est une expression qui trouve son origine d'une fable du poète grec Ésope.
La fable raconte l'histoire d'un jeune berger qui s'amusait à faire croire aux villageois qu'un loup attaquait ses moutons. Ceux-ci viennent à son aide, mais à force de se déplacer pour rien, leur patience s'amenuise. Un jour, un loup apparaît vraiment, le berger appelle à l'aide, mais les villageois ne viendront pas. Ils pensaient avoir encore affaire à une farce de sa part. Les moutons sont dévorés. De vrais loups ont bel et bien rodé dans notre région, et il n'y a pas si longtemps. Voyons ce que nous pouvons découvrir à ce sujet.
Les archives
La présence habituelle de l'animal en Alsace n'est pas à mettre en doute. À Dambach la ville, au début du XVIIe siècle, les autorités religieuses ont « soigné » le jeune Jacob BREYER, un garçon de 5 ans et demi, dénoncé par son père pour « prononcer des paroles étranges et voir partout des loups et des lièvres ». On obligea l'enfant à avouer, qu'avec d'autres enfants et leurs parents, il aurait participé à une réunion maléfique et diabolique. Il fut décidé qu'il sera placé chez des gens dévots, à la charge de son père. Le petit Jacob a été contraint de porter des attributs et une croix bénite, ne jamais être laissé seul, vers 7 ans, devoir se confesser, à 9 ans, prendre la sainte communion tous les 8 jours, et aller quotidiennement à la messe. Voilà ce qui vous attendait, à l'époque, à « crier au loup » !
Localement, c'est dans les comptes de la commune de Valff que nous sommes informés de la présence du canidé dans nos forêts. En 1732, dans la rubrique dépenses, figure l'annotation suivante :
- Pour un chasseur de Meistratzheim pour avoir abattu un loup : 14 Schillings 12 pfennigs. Cette somme sera versée une seconde fois, ce qui suppose que le chasseur en aurait tué un deuxième. Toute la population a fêté l'évènement en grande liesse. La présence de l'animal avait du alimenter bien des histoires
- Pour la procession des habitants de Meistratzheim à Valff : 1 florin. Dans aucun autre document on peut lire que les habitants de Meistratzheim avait pour habitude de venir organiser une procession vers Valff. Était ce pour fêter la mort des loups ?
1788
Quelques années plus tard, la commune participe au financement d'une corporation de chasseurs appelée le « Wolfschutzbund ». Elle dépense 1 florin, 6 Schillings afin de s'assurer la sécurité dans ses forêts. Il semblerait que la dépense pour cette corporation de chasseurs de loups ne soit payée que lorsqu'on apercevait l'animal dans le secteur. Les comptes suivants ne comptabiliseront plus de dépense semblable. La ligue de protection contre les loups avait été fondée en 1505 par 37 localités du Ried et payait des chasseurs expérimentés.
1830
Une meute de loups affamés dévore le 30 janvier 1830 deux bûcherons dans la forêt de Sélestat. Cet hiver restera comme l'un des plus rigoureux du XIXe siècle. Entre Meistratzheim et Krautergersheim, derrière la station d'épuration, au lieu dit Nachtweid, est tué le dernier loup de la région par le chasseur Franz EDIGHOFFEN [en savoir plus sur l'histoire du loup en Alsace].
L'histoire des derniers loups du Hohwald
C'était en 1850. Le Hohwald ne formait encore qu'un assemblage de quelques hameaux. Pas de routes ! Quelques chemins tortueux. L'ombre des hautes futaies faisait planer le mysticisme et la sauvagerie. Au-delà de l'Andlau, un éboulis chaotique, appelé aujourd'hui le Wolfsfelsen, un nom de mémoire, était devenu le repaire de la dernière famille de loups. Oui. La dernière dans cette grande forêt qui descend depuis le Champ du Feu jusqu'aux maisons de Barr.
Par un bel après-midi du mois de juin 1850, la louve s'inquiétait à l'entrée de sa caverne pendant que les trois louveteaux se roulaient joyeusement dans les herbes. Depuis la veille, le vieux mâle était parti à la recherche d'une proie, mais sa femelle ignorait qu'il agonisait, pris dans une trappe, près du château d'Andlau. Soudain, les louveteaux commencèrent à grogner de faim. La louve n'y tient plus. Elle leur fait la leçon, les pousse au fond de leur abri et se dirige à son tour vers une bergerie qu'elle connait.
Mais un drame se prépare. Les bûcherons savent que le loup est pris, que la femelle s'est enfoncée dans les bois. Ils s'approchent avec leurs haches de la caverne, assomment le plus petit des trois qui voulait sortir et, mettant le feu aux branchages, transforment les deux derniers malheureux frères en boules de poils roussis.
Les heures passent. La louve a en vain fouillé les fourrés. Pas de chevreuil. Alors, résolument, elle se dirige vers le troupeau communal des chèvres qui s'étire à travers la lande de myrtilles et de bruyères. Le vent lui est favorable et n'amène pas son odeur fauve vers les bêtes. Elle trompe la surveillance des chiens, s'empare d'un chevreau et s'enfuit avec le petit animal dans sa gueule. Mais la proie est lourde et bêle lamentablement. La louve remet le chevreau sur ses pattes et le force à marcher devant elle jusqu'à son repaire. Mais, là, un coup de feu claque, puis un second. L'animal s'écroule avec sa proie. Son sang coule en traînées pourpres sur la mousse, sur les feuilles mortes et jusque sur les doigts roses des digitales. Le drame du Wolfsfelsen est terminé. La dernière famille de loups du Hohwald a cessé d'exister et de hanter les profondes sapinières. Ce soir, des bûcherons barbus promèneront de ferme en ferme, triomphants, la peau d'une louve et il y aura du chevreau rôti dans la gamelle de ces demi-sauvages des bois. Ceci s'est passé en 1850 et le garde-forestier du Welschbruch s'appelait alors DEININGER.
De tout temps, l'histoire du loup aura inspiré les conteurs de fables.
Sources :
- Archives de la commune
- Extrait du guide de l'Alsace authentique par Jacques LEGROS
- Le comblement de la Kirneck dans la rue principale
- Histoire de la numérotation des maisons
- La diligence de Valff
- Jumelage entre Valff et Schiltach
- Ça se passe à Valff lors de la soirée du réveillon
- Renouvellement de la couche de roulement de la rue principale
- Le bureau de Bienfaisance
- Les recensements de la population
- Et la lumière fut : l'électrification de la commune
- Il était une fois ...