Sous l'Ancien régime, l'Église catholique a le monopole de la charité. Après la Révolution, la saisie des biens de l'église impose un nouveau mode d'assistance.
C'est le 7 frimaire de l'An V (27 novembre 1796) que sont créés les bureaux de Bienfaisance pour les pauvres. Les communes ont pour mission de porter assistance aux pauvres, aux infirmes, aux vieillards et aux malades. Cette institution n'est pas obligatoire.
Il arrivait qu'un donateur généreux fasse un don testamentaire de ses biens. C'est ce qui est arrivé de la main de Jean Ignace SCHECK en date du 7 septembre 1825. Il légua à sa mort, le 30 août 1831, 500 Francs au Conseil de Fabrique, son mobilier à Salomé ROSFELDER avec d'autres legs mineurs et ce qui resta, soit la somme de 1000 Francs environ, au profit des pauvres de la commune par la main de son exécuteur testamentaire et ami Blaise HIRTZ. Ignace SCHECK est né à Benfeld d'un père aisé, prévôt à Benfeld, sa mère, Christine PIMPEL est fille de médecin d'Obernai. La famille SCHECK a fourni 2 curés à la paroisse de Valff : Jean, curé de 1750 à 1776 et son neveu, André, curé de 1776 à 1815, le frère d'Ignace. Un troisième frère de la famille SCHECK, Jean, est également décédé à Valff.
Ordonnance du Sous-Préfet signalant que la somme de 500 frs léguée par Ignace SCHECK à la fabrique de l'église de Valff ne peut être utilisée que sous la forme de rentes sur l'État, c'est-à-dire que l'État garantissait le capital et que le bénéficiaire recevait les intérêts
La profession d'Ignace n'est pas sûre. Il semblerait qu'il ai été écrivain, il se dit homme de lettres. À ce jour, aucun écrit n'a été découvert. Il décéda célibataire à l'âge canonique de 93 ans.
Décès du Prévôt SCHECK de Benfeld
Mais voilà ! L'administration, par la main du Ministère du Commerce et des Travaux Publics, n'autorisa le bureau de ne percevoir que la moitié de la somme, soit 500 Francs. Louise SCHECK, 63 ans, la nièce d'Ignace, habitant à Rhinau a porté plainte directement auprès du ministre de l'Intérieur pour motif qu'elle se dit elle-même indigente et, en bonne chrétienne, refuse l'aumône et demande ainsi l'annulation pure et simple à son profit personnel le leg au Bureau de Bienfaisance ! Elle aussi a suivi un de ses oncles à Rhinau, encore un curé de la famille SCHECK. Le Maire de Rhinau enfonce le clou en certifiant que la requérante habite dans une toute petite maison, qu'elle est criblée de dettes et qu'elle a perdu ses biens lors de la dernière inondation.
La commune proteste, une somme pareille est inespérée ! Dire que le budget annuel du bureau est de… 30 Francs ! Cette somme est récoltée auprès des aubergistes pour la permission qu'ils organisent des soirées dansantes et quelques sous de quêtes ! Le Sous-Préfet de Sélestat, Amand Louis Nicolas Jean-Joseph Barthélémy BLANCHARD, court-circuite l'avis du gouvernement et propose : vu que Melle Louise SCHECK a déjà hérité de la part de son oncle la somme de 150 Francs, elle ne devrait percevoir que 200 Francs de la somme attribuée aux pauvres du village.
Plainte de Louise SCHECK auprès du gouvernement en 1832
Lettre du Sous-Préfet informant au sujet des 200 frs à Melle Louise SCHECK et le leg à la fabrique de l'église dont a été informé l'évêque de Strasbourg
Molsheim, jour du marché en 1934
La Commission d'Assistance publique
L'objectif de l'État est de réduire la mendicité. La commission d'assistance publique soutient les communes. Une circulaire de 1855 par la main du Préfet WEST définissait en deux groupes les nécessiteux :
- Les vieillards, les infirmes, les idiots, les invalides, indigents de toutes espèces qui ne peuvent se livrer à aucun travail, et dont il faut continuellement subvenir aux besoins, que les récoltes soient bonnes ou mauvaises.
- Les nécessiteux que le manque de travail et la maladie obligent à accepter momentanément l'aide publique. C'est par des ateliers de travail que l'on vient en aide à ces gens pendant la saison morte. Des crédits et des prêts proposés par les communes ajoutés aux subventions leur est d'une grande aide.
À Valff en 1852, la famille François Antoine BITTEL, aubergiste, fait un emprunt de 500 francs avec hypothèque au bureau de Bienfaisance qu'il a contracté pour couvrir une dette au profit de George KIEFFER d'Obernai et Bavid DIEHL, brasseur à Barr. La garantie de remboursement étant suffisante, la mainlevée sur l'hypothèque fut décidée en 1853.
Liste des membres du bureau de bienfaisance de 1934
Statistique de 1840
- État des mendiants étrangers à la commune : 10 hommes, 20 femmes, 4 garçons et deux filles
- État des indigents non mendiants : 20 hommes, 15 femmes et une fille
- État des mendiants résidant dans la commune : 3 hommes, 8 femmes, 6 garçons et 6 filles
Extrait des statistiques et détails concernant chaque nécessiteux de Valff en 1840
Liste des indigents en 1855
Le bureau de Bienfaisance de Valff en 1855 était composé du curé LEYBACH et des membres MULLER, VOEGEL, WERCK, DIEHL et ANDRES. Il est spécifié que l'entretient des pauvres est possible grâce à l'aide des habitants riches. Certaines causes d'indigences répertoriées et qui perçoivent de l'aide par le bureau de bienfaisance sont les suivantes :
- paralytique, 2 enfants mendiants
- vieille et infirme
- orphelin
- idiot
- hors d'état d'entretenir sa nombreuse famille, 5 enfants mendiants
- folle et mendiante
- mendiant, sa femme et sa fille continuellement malade
- veuve, 4 enfants mendiants
Personnes qui sont aidées par des familles aisées :
- très pauvre et chargé d'enfants
- vieux et très pauvre
- vieille et très pauvre
- estropié et très pauvre
On dénombre un nombre important de veuves, d'hommes célibataires, ou dont les métiers ne rapportaient que peu d'argent, comme les journaliers, les tisserands, tailleurs, maçons, vanniers, cordonniers, couturières, etc. Parmi les 78 inscrits, il y a 11 personnes juives. Sur les 1450 habitants de la commune, les pauvres représentaient environ 12 % de la population. C'était l'époque où certains valides ayant économisé assez d'argent, s'expatriaient en Amérique.
Enfants pauvres
Fait divers
Compte rendu : « L'an mille huit cent cinquante-huit, le vingt-neuf août à huit heures du matin, nous, Maire de la commune de Valff, instruit qu'un enfant était exposé dans un hangar appartenant au sieur SPECHT Louis dans le bas-village, nous y sommes transportés sur le champ et avons trouvé un enfant de sexe masculin qui nous a paru être âgé de six à huit jours et enveloppé dans une vieille chemise et un vieux jupon. Ledit Louis Specht nous a instruit que ce matin vers six heures, en sortant de chez lui, il a aperçu sous son hangar quelque chose qui lui paraissait être un paquet de linge, s'en étant approché, il a reconnu qu'il y avait un enfant emmailloté. Nous avons immédiatement recueilli l'enfant et l'avons remis à la dame DROESCH, sage-femme, pour en prendre soin et jusqu'à ce qu'il nous soit parvenu des ordres de monsieur le préfet. Nous l'avons inscrit dans les actes d'État-Civils de la commune sous les noms d'Auguste SCHWAGEL ».
Le petit Auguste décèdera trois mois plus tard au 4 rue des bains aux plantes à Strasbourg.
Sources :
- Archives de la mairie de Valff
- Fond BLUMER, archives de Strasbourg