- Écrit par : Rémy VOEGEL
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A quoi ressemble l'ancienne synagogue de Valff désacralisée en 1936 aujourd'hui ? Dans la première évocation de l'histoire de ce lieu de culte [à lire : Petite histoire de la synagogue], nous avions parlé d'Aaron, le dernier habitant juif qui vivait dans la maison donnant sur la rue Principale. Une visite à la synagogue a apporté quelques surprises le concernant mais bien d'autres encore. Suivez le guide !
L'extérieur
Avec l'aimable accord du propriétaire, Jean-Pierre VOEGEL, j'ai eu la chance de pouvoir visiter l'ancienne synagogue de Valff. Ma première pensée fut, dans mon imaginaire, le jour où tout s'est arrêté. Ce jour où fut célébré pour la dernière fois un culte religieux, ce fameux dimanche 22 mars 1936. Ce jour où Aron WEILL qui habitait la maison à côté a tant pleuré de tristesse [à lire : Les derniers juifs de Valff pendant la Seconde Guerre Mondiale]. Le bâtiment massif en grès des Vosges est encore bien conservé, la toiture a été refaite.
La haute porte d'entrée en sapin invite le visiteur. Le désir d'entrer me submerge, que vais-je découvrir ? Mon regard se porte sur une clé rouillée d'un autre âge accrochée hors de portée. Jean Pierre, qui m'accompagne, me rassure « C'est pas celle-là ! ». De suite l'inscription au sommet de l'arche me renvoie au passé : 1854. Le chiffre correspond à la date de construction.
La porte s'ouvre, je me retourne, je pense à toutes ces hommes, femmes et enfants juifs qui l'ont franchi pendant presque un siècle. La plâtre est d'un bleu pastel apaisant et chaleureux.
En levant les yeux, j'aperçois tout autour de la pièce, le balcon des femmes. Le plafond est à environ 6 mètres au-dessus de moi, percé de vestiges d'anciens lustres. Du matériel agricole a remplacé le lustre en cristal, les 4 lustres en bronze, les 5 lustres modernes et les 8 appliques de l'époque. Plus d'almemor ou estrade centrale, plus de chandelier Ménorah à 7 branches, plus de rouleaux de la Torah, ...
Par un escalier extérieur nous atteignons l'étage où se trouve le balcon. Le balcon construit sur l'avant et les deux côtés de la maison permettait aux pratiquantes de suivre la célébration par en haut. Une planche numérotée indique encore les places des sièges manquants.
Par une échelle, Jean-Pierre m'emmène maintenant au grenier. Ma première question : « Le sol est-il solide ? ». La charpente est massive et en bon état. Le sol poussiéreux est recouvert de planches dont les joints sont fermés par des lattes. « Il parait que pendant la guerre, on avait caché des armes là-haut » me confia-t-il. « Tu penses bien qu'on a cherché, mais on n'a rien trouvé ! »
En fouillant par ci par là, mon attention se pose sur quelque chose qui ressemble à un petit morceau de bois rectangulaire. Je m'approche, le ramasse et découvre qu'il s'agit d'un livre écrit en hébreu. La couverture en carton est dédicacée. Je déchiffre difficilement les lettres écrites en allemand : Aron WEILL, Walf le 14 février (18)92. Décade pour ma feu mère 27 en Eloul. Le reste est illisible. De quoi s'agit-il ?
Aaron WEILL est né et habitait dans la maison n°181 construite sur la rue Principale devant la synagogue. Il fut parmi les derniers juifs à habiter le village [à lire : Les derniers juifs de Valff pendant la Seconde Guerre Mondiale]. Il est décédé en 1947. Il était le fils de Baruch et de Françoise BLUM. Cette dernière est décédée le 23 septembre 1883. Sachant que les années du calendrier hébraïque sont calculées sur des années solaires et des mois lunaires, par rapport à notre calendrier grégorien, les années hébraïques perdent donc tous les ans environ 11 jours. Selon ce calcul, nous nous rapprochons donc de la date du 14 février 1892 inscrite comme anniversaire de la décade du décès de sa mère.
Maintenant qu'en est-il de la notation 27 en Eloul. Il s'agit là encore d'une date hébraïque qui correspond au dernier mois de l'année civile hébraïque qui se situe selon les années entre la mi-août et la mi-octobre date du décès de sa mère. Cette trouvaille est le livre de prière du marchand de fripes Aron WEILL. Avec ce livre se trouvait également celui d'un certain Abraham LEVY, marchand de bestiaux selon l'inscription sur la couverture. La date est en partie effacée. Seuls deux Abraham LEVY pourraient entrer en compte si on accepte que la lecture de 1901 est exacte. Deux homonymes étaient décédés à cette date. Aucun de ces Abraham n'est mort à Valff. Il s'agit éventuellement du fils de Nathan et Braunel WEIL, ou du fils de Elias et Sabine MEY.
Mais notre chasse aux trésors n'était pas terminée. Jean-Pierre me rapporta qu'il a en sa possession une sorte de baignoire rituelle qui se trouvait jadis au fond d'un puits à côté de la synagogue et dont l'accès se faisait par un escalier en colimaçon menant à la nappe phréatique. Cette cave a été comblée en son temps par son père Victor. On appelle cette pièce d'eau : la Mikvé.
Le fond de la baignoire en zinc est renforcé par une planche en bois clouée en bon état. Deux poignées permettaient de porter l'ensemble.
Voilà. Notre visite est terminée. La synagogue est depuis des années affectée à une activité civile, mais elle gardera encore pour des années, j'espère, l'empreinte d'une ancienne communauté juive florissante et religieuse, le temps où ce bout de porte chandelles oublié, éclairait le visage des fidèles respectueux.