- Écrit par : Antoine MULLER
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Ce 6 septembre 1943, notre village fut victime d'un bombardement par l'aviation anglo-américaine. Le même jour, la ville de Strasbourg a été également la cible des mêmes bombardiers.
L'attaque aérienne sur notre cité a eu lieu le matin à onze heures. Valff, n'étant pas un site industriel, on peut se poser la question de la légitimité de ce bombardement. Les documents militaires du « National Archives Record Service Washington USA » donnent les raisons de ces attaques injustifiées et injustifiables. Voici un bref historique de ce tragique événement pour Valff et la ville de Strasbourg. Souvenirs d'André VOEGEL, 18 ans l'époque.
Jusqu'en 1943, on observe que l'aviation américaine intervient surtout le jour. La Royal Air Force préfère les expéditions nocturnes. Par la suite, les techniques évoluent. Comme le précise une circulaire de l'armée allemande du 3 août 1943, l'on observe maintenant des attaques groupées de formation comprenant jusqu'à 800 bombardiers attaquant plutôt de jour des sites industriels, de nuit les zones de résidence de la population civile, en employant massivement des bombes incendiaires causant la mort de milliers de personnes. De nuit, des avions éclaireurs précèdent les vagues de bombardiers et marquent le quadrilatère de la cible par des bombes éclairantes ainsi que des fusées éclairantes à parachute. On pouvait les observer depuis Valff et qu'on surnommait en dialecte des « Tannebaim ». A l'aube du 6 septembre 1943, trois divisions de bombardiers décollent d'Angleterre. l'une d'elle doit opérer une diversion en Hollande et dans la Ruhr. Les deux autres divisions doivent frapper à Stuttgart une usine de pièces détachées d'avion (Bosch) et les ateliers de fabrication de roulements à billes V.K.F. (Vereinigte Kugellager Fabrik). Toutefois, à cause d'une couverture nuageuse au-dessus de la zone visée, seule une partie des avions put larguer ses bombes sur la cible, le reste d'entre eux bombarda des cibles occasionnelles au hasard de leur découverte à travers les éclaircies.
L'opération, selon les documents de l'armée américaine, se déroule comme suit :
- 1ère division de bombardiers : Stuttgart (Allemagne) : Usine Bosch, des cibles d'occasion à Offenburg, Bühl, Baden-Baden et Wasselonne
- 2ème division de bombardiers : Diversion en Hollande et dans la Ruhr
- 3ème division de bombardiers :
- Ateliers V.K.F. à Stuttgart (Allemagne)
- Strasbourg / Allemagne
- Cible d'occasion Bühl / Allemagne
- Cible d'occasion : aérodrome de Dieppe et St Aubin (France)
- Cible d'occasion : aérodrome de Conches (France)
- Cible d'occasion : aérodrome d'Orléans (France)
Sauf, en ce qui concerne Offenburg, où trois trains et l'ensemble des installations ferroviaires sont fortement touchés, le résultat de ces opérations est qualifié de pauvre. A Stuttgart la vieille ville est la principale victime.
Strasbourg, cible d'occasion !
Victime d'une éclaircie, le 6 septembre 1943 reste une des principales attaques aériennes. La route du Polygone et le Neudorf sont fortement touchés. 314 bâtiments sont rayés de la carte. L'on déplore 185 morts, 633 blessés dûs à quelque 550 bombes explosives et incendiaires. Le 12 septembre, le Docteur ERNST, Oberbiirgermeister et Paul SCHALL, Kreisleiter, placardent une affichette de propagande avec 174 noms, victimes de ce bombardement. Dans les « Neuesten Nachrichten von Strasbourg » on ne trouve aucune mention de cet événement tragique.
Horreur à Valff
Valff est également victime d'un bombardement le même jour, 6 septembre 1943 vers 11 heures du matin. Beaucoup de gens se trouvaient en dehors du village, il faisait beau, c'était la saison du regain. J'ai été personnellement témoin oculaire et me trouvais à 300-400 m du largage des bombes. Le ciel grouillait d'avions avec ce bourdonnement continu bien connu à cette époque de la guerre. Les bombardiers se dirigeaient d'Est en Ouest venant sans doute de Stuttgart, Offenburg où ils ne purent larguer totalement leurs bombes faute d'un ciel pas assez clair. Un moment donné on a pu assister à une courte bataille aérienne, par l'intervention de la Luftwaffe. Les rafales de mitrailleuses et canons de bord étaient parfaitement perceptibles, mais aucun avion n'a été abattu. Soudain un bombardier allier se détache de la formation, descend en rase-mottes, se dirige vers le village et lâche 5 bombes explosives. La première bombe tomba dans la Kirneck, juste devant le Restaurant du Tilleul. Dégâts importants au Restaurant, 2 blessés, le fils du restaurateur Robert HELLARD et Mademoiselle Madeleine DIEBOLD, employé de maison chez Monsieur KORMANN. Les deux blessés furent hospitalisés. Leurs jours n'étaient pas en danger.
La seconde bombe explosa face au restaurant du Tilleul sur la propriété appartenant à la famille Eugène SCHMITT au n°297 de la rue principale, sortie est du village en direction de Westhouse. La déflagration fut si importante qu'elle rasa complètement la maison d'habitation et une grande partie de la grange. Georges SPECHT, homme d'un certain age et grand oncle de Rosa WEHREL née SCHMITT, qui se trouva à ce moment précis devant la porte cochère fut victime de l'explosion et sa dépouille mortelle se trouva perchée sur la poutre faîtière de la grange à plusieurs mètres de hauteur. La fille Joséphine SCHMITT, soeur de Rosa, a pu s'en tirer avec de légères blessures et pouvait quitter l'hôpital rapidement. L'état de la propriété de la famille Eugène SCHMITT atteste du bombardement :
La troisième bombe a détruit une magnifique maison à colombages appartenant aux frères Emile et Xavier ROSFELDER, rue principale n°290. Xavier était décédé en 1940. Émile, à ce moment précis, avait rendu visite à son voisin et frère Armand. Les deux hommes faisaient un brin de causette dans la cour où ils furent plaqués à terre par l'effet du souffle de la bombe. Dans la maison bombardée se trouvait malheureusement des réfugiés d'Allemagne. Le bébé laissé seul au moment du drame en fut la victime. Son corps inanimé a été retrouvé projeté dans la Kirneck avec son berceau. Il semblerait que la poutre trouvée en travers du berceau aurait assommé l'enfant. Photos de la propriété de la famille Émile ROSFELDER :
La quatrième bombe explosa dans le jardin de la famille HALMENSCHLAGER au lieu dit « D'Insel » (entre la rue principale et la rue Dauphin). La petite maison inhabitée qui se trouvait juste à côté de l'impact fut rasée par le souffle de la bombe explosive. L'immeuble détruit appartenait à la famille BURGSTAHLER Florent et Barbara SOMMER (arrière grands-parents de Mme SCHWARTZ Albert née OHL). Elle ne fut jamais reconstruite. La bombe a également sérieusement endommagé la maison adjacente appartenant à la famille SAAS. Cette maison a été démolie entre-temps. Un agriculteur, Émile BURGSTAHLER, qui se trouvait en route vers les prairies avec son attelage à boeuf fut projeté par l'onde de choc dans la Kirneck avec l'ensemble de son attelage. Heureusement, M. BURGSTAHLER s'en est tiré avec quelques blessures et traumatisme, ainsi que son épouse qui l'accompagnait. Le boeuf eut une patte cassée et se trouvait debout dans l'eau sur trois pieds à côté de son attelage. Photos du jardin de la famille HALMENSCHLAGER et la charrette de M. BURGSTAHLER :
La cinquième bombe a touché la rue basse et son impact a laissé des dégâts importants. Pas moins de deux maisons d'habitation et trois granges en furent victimes. Heureusement aucune vie humaine n'était à déplorer.
Rue basse, propriété de Séraphin ROSFELDER. De gauche à droite : Marguerite ROSFELDER (née FREYDER), Léon KOECHLER, Joséphine ROSFELDER (SAAS), Florette ROSFELDER (née HIRTZ). A droite Marie ROSFELDER, épouse de Séraphin ROSFELDER, blessée à la tête par la projection d'une tuile.
Travaux de déblaiement en cours au n°274 de la rue basse
De gauche à droite : Joseph KOENIG, Françoise et Aloyse MOSSER, (?)
Les immeubles sinistrés appartenaient aux familles suivantes :
- Famille Louis SCHAETZEL, rue basse n°271 (maison d'habitation et grange)
- Famille Séraphin ROSFELDER, rue basse n°273 (grange)
- Mme dite Hari FINNEL, rue basse n°271 (maison d'habitation - non reconstruite)
- Famille Joseph ROSFELDER, rue Meyer n°244 (grange)
- Famille Eugène SCHMITT, rue principale n°297 (maison d'habitation et grange)
- Famille Émile et Xavier ROSFELDER, rue principale n°290 (maison d'habitation)
- Famille Florent BURGSTAHLER - Sommer BARBE (maison inhabitée au lieu dit « D'Insel » - non reconstruite)
Le bilan global du bombardement de Valff s'élève à :
- 2 morts
- 4 blessés
- 5 maisons d'habitation détruites
- 4 granges rasées et autres immeubles endommagés
Photo prise par Othon RINGEISSEN (1893-1993), natif de Westhouse, le lendemain du bombardement
Les photos de ce bombardement ont été réalisées par Monsieur Jean GREMMEL, originaire de Valff. Elles sont regroupées sur un tableau que l'auteur a offert à la commune (photo du haut). Ce tableau est exposé à la Mairie de Valff. Ci-dessous, extrait du cahier de composition d'Antoine MULLER le 18 septmebre 1943 ...
Les DNA feront deux articles en 2013, 70 ans plus tard (cliquez sur l'image pour l'agrandir) :
Mais au final, d'où venaient ces bombardiers ? Quel est l'avion qui a laissé tomber plusieurs bombes sur le village sans (aucune) raison militaire ? Enquête à retrouver ici : Bombardement de Valff : l'enquête !
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