- Écrit par : Rémy VOEGEL
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Nous sommes le 15 février 1857. Trois lettres anonymes atterrissent sur le bureau du Procureur Impérial de Sélestat. Ce dernier transmet l'affaire au commissariat de police d'Obernai. Les griefs dénoncés ? L'administration craint des débordements dans la commune de Valff.
Une main bienveillante a rédigé ces lettres anonymes pour signaler que la police locale ne fait pas son travail. Pire :
- les auberges ne ferment pas à l'heure : « les auberges ne sont jamais évacuées à l'heure de la retraite. Sic ». L'heure de fermeture a été fixée par une loi de 1850 à 22h00
- des désordres graves s'y sont produits durant l'année : des vols et même des assassinats !
- le Maire est un homme partial et tous les faits se sont passés impunément
- le Maire n'écoute que les flagorneurs (flatteurs ) et les menteurs
- le Maire tolère la présence de trois auberges dans lesquelles sont pratiquées la débauche et la prostitution
Ambiance !
Lettre de 1855 du Juge de paix rappelant au maire de Valff qu'il est interdit aux aubergistes et cabaretiers de servir à boire le dimanche pendant les offices du matin et de l'après-midi
Suite à cette plainte, le commissaire de police RENTZ d'Obernai se rend à Valff pour débusquer l'auteur de ces lettres car, comme il sait et en informe le Procureur, « la situation de cette commune est très bonne ».
Son rapport est élogieux : « La commune de Valff est administrée depuis plus de 30 ans par un homme des plus probes et des plus consciencieux, qui tient strictement à l'exécution des lois et des règlements. Il vit en bonne intelligence avec ses concitoyens dont il est aimé et estimé. La police locale est confiée à l'adjoint qui est un homme énergique, intelligent et actif et je dois dire à la vérité que son service est bien fait (1). La situation de cette commune est très bonne sous tous les aspects. Il existe à Valff six auberges et cabarets qui sont surveillés comme tous les lieux publics par la police et la gendarmerie. Je n'ai encore rien trouvé à redire sur la tenue de ces établissements que j'ai déjà visité plusieurs fois. Une autre auberge existait dont la fermeture a été ordonnée il y a trois ans sur le rapport de Mr le Procureur Impérial et de Mr le Sous-Préfet de Schlestadt. Elle était tenue par le nommé RUCH, le rebut de la société. Ce misérable qui a subi une condamnation pour escroquerie et une autre pour outrage envers le maire est l'ennemi juré de ce respectable fonctionnaire tout comme de tous les gens d'ordres. On peut présumer que la dénonciation qui est évidemment mensongère et calomnieuse est l'œuvre de ce socialiste. Je suis d'autant plus fondé à le croire qu'en vérifiant l'écriture de la fille RUCH, j'ai reconnu qu'elle avait beaucoup d'analogies avec celle de la dénonciation. Malheureusement aucun aveu pouvant justifier cette présomption ne m'a été fait jusqu'à présent. Je continuerai mes investigations à ce sujet et si je suis assez heureux d'obtenir des preuves plus certaines, j'arrêterai le dénonciateur ! » écrit-il.
Qui est ce fameux RUCH ?
Son nom est Florent RUCH, originaire de Grendelbruch. Il était cabaretier dans l'établissement à l'endroit de l'ancien restaurant à la Couronne (actuellement au n°201 de la rue Principale). La famille exploitait en plus de l'auberge, une épicerie. Avec sa femme Catherine SAAS, ils élevaient deux garçons et trois filles. En tout ils auront 9 enfants. L'aînée des filles, Sophie, avait 18 ans à l'époque des faits. En 1857, la famille ne survivait qu'avec les bénéfices de l'épicerie. En plus, depuis sa condamnation, s'étaient ajoutés deux garçons et une autre fille, les aînés ayant quitté le foyer. Les affaires semblent avoir périclité par la suite, parce que même l'épicerie n'existera plus en 1861. RUCH est maintenant agent d'affaires, cultivateur et marchand de bois. L'auberge redémarrera plus tard, puisque l'on reparlera d'un aubergiste RUCH. L'auberge sera à nouveau desservie par Emile RUCH, le fils de Florent, après 1886, date du décès de Florent [en savoir plus : Excursion vélocipédique en Alsace en 1888].
Jugement de fermeture de l'auberge de Florent RUCH du 4 août 1852, détenu à Paris pour une condamnation d'un mois pour escroquerie et pour avoir professé des opinions socialistes et des outrages contres le Maire de Valff
(1) Le maire de l'époque s'appelait Joseph JORDAN et son adjoint VOEGEL Blaise
Sources :
- Archives de la commune
- Fond Antoine MULLER
- Mémoires de guerre d'André VOEGEL (partie 14)
- L'affaire du Maire Chrétien BURGSTAHLER
- Mémoires de guerre d'André VOEGEL (partie 13)
- Thiebault HILSZ, l'instituteur francophile
- Mémoires de guerre d'André VOEGEL (partie 12)
- La famille maudite
- Merci Saint Antoine de Padoue
- Mémoires de guerre d'André VOEGEL (partie 11)
- Mémoires de guerre d'André VOEGEL (partie 10)
- Mémoires de guerre d'André VOEGEL (partie 9)