L'automobile, en Europe et en Amérique du nord, se développe à grande vitesse. L'automobile club d'Alsace Lorraine fraîchement créée, tente de populariser cette nouvelle technologie qui a très mauvaise réputation auprès de la population rurale. De nombreux incidents et accidents, malgré les vitesses modérées, se succèdent, surtout duent aux chiens en liberté qui avaient la mauvaise habitude d'attaquer les pneus des ces engins mouvants. Dans cet article, nous allons vous dévoiler les articles sur l'automobile, proposés aux lecteurs alsaciens dans les journaux locaux.
Extrait de la brochure pour le 90e anniversaire de la création de l'Automobile club d'Alsace
Restaurant Baeckehiesel. Publicité de 1899, téléphone n°283, arrêt de la station de tramway
7 septembre 1899
Au restaurant Gruber au « Baeckehiesel » près de l'Orangerie se sont rassemblés 20 passionnés de l'automobile. Au programme, la discussion de la création d'une association avec le nom « L'automobile club Alsace Lorraine ». Les nombreux « teufs-teufs » garés devant le restaurant ont attiré de nombreux curieux.
Strasburger Post du 7 septembre 1899
Démolition du restaurant en 1954 (Fond BLUMER, archives de Strasbourg)
Péripéties de la balade des membres de l'Automobile Club d'Alsace en Allemagne en 1900
Une histoire de voiture est relatée par un correspondant du journal « Strasburger Post ». Il écrit : « L'Automobile Club d'Alsace a organisée dernièrement une sortie dans la région de Fribourg. A Peterstal ma voiture est tombée en panne. Je lui ai alors parlé affectueusement avec un léger espoir : "Gentille voiture ! Mon cher automobile (sic) ramène moi de nouveau à Strasbourg !". Je fis chercher par mon ami, conducteur dans l'autre voiture, un serrurier du coin, mais personne ne fut coopératif. Pire encore, tous les passants se mettaient à sourire narquoisement et à se moquer. Mon ami a finalement acheté deux cordes, à prix d'or, et nous avons entrepris de remorquer ma voiture jusqu'à Appenweyer. Tous les passagers se sont rangés dans la première voiture et moi au volant dans la voiture malade. Ce qui a été le plus dur a été le mépris des paysans croisés. Lorsque la corde céda et que je resta en arrière, un paysan (un peu plus intelligent que les autres sic) interpella mon ami de la première voiture : "Monsieur ! Vous laissez votre Madame chez nous ?". Au moment où nous avions testé si la voiture tracteuse serait assez puissante, nous avons reçu une dépêche de notre vice-Président de l'Automobile club (Schutzenberger) : "Ma "Karlchen" est malade, suis coincé à Neumühl, amusez vous bien !". La voiture du pauvre président était elle aussi "malade". Entre Peterstal et Oppenau dans un virage serré, nous aperçûmes un autre chauffeur de notre groupe qui se démenait pour sortir d'un fossé boueux. Le virage d'un côté et un chien, qui avait tenté de mordre ses pneus, de l'autre, avaient été la cause du tout droit en direction la mare. A Appenweyer, nous avons envoyé une carte de "au secours" à notre "docteur de la clinique automobile" qui répara le lendemain le ressort de la soupape d'échappement qui était la cause ma panne. Un dernier mot au sujet de la parution dernièrement de l'article du chien écrasé : Monsieur le rédacteur, si vous saviez combien de fois nous sommes en danger et manquons d'écraser des chiens ! Lorsque ces cabots voient venir une automobile, ils ne vont pas de côtés, non ! Ils ne trouvent rien d'autre à faire que de nous sauter dans les pneus. Lorsque nous écrasons un chien cela nous pèse terriblement, car nous sommes aussi les amis des animaux Nous sommes bien plus en danger quand nous percutons un chien, comme cela est arrivé à notre ami B., dimanche dernier, qui a totalement détruit sa voiture en donnant un violent coup de volant pour l'éviter. Percuter un chien, un cheval, ou pire, une personne, est pour nous le pire des dangers. Où reste alors le plaisir d'être chauffeur ? ». C'est dit !
Mars 1900
Le baron Eugène de DIETRICH de Niederbronn a participé à deux courses automobiles en 1899 en Allemagne. Il termina à une course, premier, et à l'autre à la deuxième place. En mars de l'année 1900, il participa à la course Marseille-Nice.
Dans son édition du 25 avril 1900, le Strasburger Post, relate le voyage en fiacre, au printemps 1889, de l'écrivain autrichien Julius LOWH de Vienne à Paris où il avait prévu de visiter l'Exposition Universelle. En 1900, il entreprit le même voyage, sous la pluie et la neige, en seulement 10 jours les 1500 km, mais cette fois-ci en voiture de 9 cv avec un poids de 1190 kg plus 300 kg de chargements. C'est son chauffeur Rudolph LUTZ qui prit le volant. LOWH écrivit : « Les villages français de l'Est sont très sales et nous avons beaucoup soufferts à cause de cela. En Allemagne, au contraire, ils sont très propres et les auberges sont bien tenues et nettes ». Les voyageurs parcoururent en moyenne 150 km en 8 heures. Chaque jour, ils ont dépensé pour 28 francs d'essence (soit la somme de 850 euros d'aujourd'hui), plus, que la nourriture que 2 chevaux aurait mangé pour faire la même route !
Les voyageurs en départ de Salzbourg passèrent par Munich, Augsbourg, Ulm, Köln, Strasbourg, Raôn sur Plaine où les douaniers français refusèrent le passage que contre une caution de 500 francs puis Paris. Le Dr LOWH prévoit de faire le voyage, la prochaine fois, en ballon. Il prédit : « Je suis bien sûr qu'on aura trouvé la solution dans 10 ans ! ».
Un voyage similaire a été réalisé par le Baron G. DUQUESNE. Le docteur Richard von STERN est également passé de la Suisse à l'Autriche et de Vienne à Paris sur sa 9 cv De Dietrich qu'il appelle affectueusement « sa grimpeuse de côtes ». Il témoigne qu'il a traversé des cols de Alpes dont le col Stelvio (2814 mètres) le passage le plus haut des Alpes sans accident, ni incident notoire.
3 mai 1900
Un extrait du journal « Strasburger Neueste Nachrichten » du 3 mai 1900 nous informe d'une nouvelle retentissante : la strasbourgeoise Clémence HIRZLIN aurait participé à une course automobile Strasbourg - Paris ! On peut donc la considérer comme la première femme pilote de course automobile. Dans l'article, elle était déjà connue sous le surnom de « La Reine de l'automobile ». Dans cet article, le journaliste commente la balade des membres de l'Automobile Club d'Alsace nouvellement crée qui sont passés par les villages alsaciens Entzheim, Dorlisheim, Mutzig jusqu'au restaurant « Hôtel de la Poste » à Urmatt. Un repas gastronomique au son du piano invita à la dance les heureux propriétaires de pétrolettes. A 15 heures on décida de reprendre le chemin du retour par Gresswiller, Boersch, Klingenthal, Ottrott et Obernai. Mme HIRTZLIN, la reine de l'automobile (dixit dans le texte) qui avait participé à la course Strasbourg - Paris dans sa magnifique voiture (toujours dans le texte) est arrivée première à Ottrott. De Gresswiller à Klingenthal, les pentes pouvaient atteindre jusqu'à 18% mais les voitures continuèrent à grimper les cotes à 7 ou 8 km/h ! Les conducteurs de voitures de construction plus ancienne et les néophytes attendirent sur le plat du Restaurant Borstell à Ottrott et à l'hôtel Vormwald à Obernai où le vice-Président SCHUTZENBERGER tint un discours de circonstance puisqu'il était resté bloqué pendant trois heures par suite d'une étourderie. Il avait « oublié » d'ouvrir le robinet d'arrivée d'huile de son moteur ce qui eu pour conséquence de surchauffer les paliers. Il tint donc cette originale parole proverbiale : « Schmier' mit Fleiss, Sonst laufen sich die Lager heiss (Graisse grassement, sinon tes paliers surchaufferont) ».
En 1899 le journal « Le vélo » confirmait le projet, en collaboration avec l'Automobile Club de France, de l'organisation d'une course Strasbourg - Paris et retour.
Quoi qu'il en soit, Clémence HIRTZLIN fait bien partie des premières femmes pilote de course de la fin du XIXe siècle ! Une preuve non négligeable est, qu'en mai 1900, elle était déjà connue avec le surnom de « Reine de l'automobile ». Le nom épelé en français dans un article écrit en allemand est une indication que cette dénomination lui aurait été attribuée en France. La presse alsacienne et surtout le journal « Strasburger Post » n'avait cesse de multiplier avant 1900 des articles anti-automobiles et surtout français, alors, en plus une femme alsacienne conductrice, et en France ... je ne vous dit pas ! Mieux valait rester discrète.
15 juillet 1900
L'académie française à Paris, après de nombreux palabres, a décidé que le nom commun « automobile » serait ... masculin. Mais le combat des opposants et surtout opposantes n'est pas terminé. Au début on disait bien : « une voiture automobile » ! Tout comme on dit, une locomotive, une locomobile. Le journaliste du Strasburger Post y ajouta ses propres arguments : « C'est bien l'homme qui a inventé l'automobile, qui la démarre, qui met l'essence ! Donc l'homme peut aussi prétendre à des droits ! L'affaire est close ! STOP ! ».
Dessin humoristique édité par l'automobile club d'Alsace à l'issue de la course de 1901 Strasbourg Colmar Strasbourg. Légende : L'enthousiasme ne faiblira pas, même si sur la route, on risque d'écraser un enfant, une oie, un mouton, un chien ou un cochon (on vous laisse juger !).
Quelques membres fondateurs de l'A.C.A. en 1900 au Baeckehiesel. A droite autour de la Bentz 3 cv de M.G. KRANNER gagnante de la course du 22 juillet 1900 (classe III) M.G.Kranner en casquette, Me NAST en chapeau melon, M.C SCHMIDT en casquette, M. KOEHLER en feutre et au centre, à droite Mme HIRTZLIN et Mme HOESINGER
Le 20 avril 1902 l'automobile club d'Alsace Lorraine a organisé dans les jardins du restaurant Baekehiesel près de l'Orangerie à Strasbourg, une exposition automobile. Cet évènement, où de nombreuses marques de voitures françaises et étrangères ont présenté leurs dernières fabrications automobiles, a suscité un vif intérêt.
La course automobile du 22 juillet 1900
Le 22 juillet 1900 fut organisée en Alsace par l'Automobile Club Alsace Lorraine la toute première course automobile, en collaboration avec le club cycliste du « Rahdfahrer-Union ». Le départ fut lancé par le Baron von MOLITOR, Président de l'Automobile Club du Bade-Wurtemberg et Camille BOURLET du club alsacien. Le parcours de 90 km fut donné au départ au Petit Rhin à Strasbourg, direction le Bade Würtenberg via Kehl, Ichenheim, Dinglingen, et retour en Alsace par Rhinau, Boofzheim, Plobsheim et arrivée à la Scharenmühle à Strasbourg. Les départs étaient donnés toutes les minutes. Les températures avoisinant les 30°, mirent à rude épreuve les 24 courageux qui osèrent prendre le départ. Le baron de Turckheim de Lunéville franchit la ligne en vainqueur sur sa voiture de sport De Dietrich-Niederbronn de ... 20 chevaux en 1 heure et 28 minutes soit à la vitesse moyenne de 60 km/h !
Son concurrent direct BENTZ, pilote Michel FETZER mis quatre heures, suite à un problème de pneumatique. Puis ce furent les tricycles à moteurs qui s'illustrèrent : premier, DUBLON de Mannheim avec un véhicule de 2 1/4 de CV en 2 heures 3mn, récompensés également MATHIS (plus tard Automobiles Mathis) et FISCHBACH de Strasbourg ainsi que le Baron HIRSCH d'Ortenberg, Nikolas KIEFFER de Munster et le brasseur Max SCHUTZENBERGER, vainqueur en voitures. Mention spéciale et premier prix pour le pilote mulhousien Emile KRAEUTLER sur Peugeot Audincourt qui avec sa voiturette de 500 kg boucla le tracé en 1 heure et 44 mn à 51 km/h. Autre prix pour Wilhelm BAUMANN sur un véhicule de la fabrique d'Eisenach. Des louanges revinrent aux organisateurs qui avaient posté à chaque croisement des cyclistes et des postes de secours. Aucun accident ne fut signalé d'après le « Strasburger Neueste Nachrichten ».
Le journal « Der Elsässer » et le « Strasburger Post » donnent quelques informations supplémentaires sur les vainqueurs :
- Voitures de courses (2 participants) : De Türckeim sur une voiture 4 cylindres de Dietrich fabriquée à Niederbronn fut récompensé avec les 300 Mark de prix mis en jeu pour le gagnant
- Voitures de tourismes de plus de 500 kg (4 participants) :
- Vainqueur : le brasseur Max SCHUTZENBERGER perçu 250 Mark au volant de sa De Dietrich de Niederbronn
- Deuxième : voiture Théodore BERGMANN, Gaggenau (Pays de Bade), pilote Théodore BERGMANN en 2 heures 38 mn, obtient la somme de 100 Mark
- Troisième : voiture André HARTMANN de Munster (Alsace) pilote Nicolas KIEFFER. Sans une défaillance du cylindre, il aurait facilement pu gagner, mais a néanmoins pu rallier l'arrivée avec un temps de 2 heures et 42 mn !
Petite anecdote : en 1898, le fabricant HARTMANN et son employé, revenant de la Schlucht, ont du sauter en route de leur voiture qui avait pris feu. La voiture a explosé dans le fossé.
Nicolas KIEFFER, pilote sur la voiture André HARTMANN, d'une usine de textile de Munster. En 1893, la construction d'une voiture 2 temps avait couté la somme astronomique de 86 000 Francs
- Tourisme légères, moins de 500 kg (12 participants) :
- Vainqueur : Emile KRAUTLER de Mulhouse sur Peugeot d'Audincout avec 200 Mark
- Deuxième : 100 Mark pour la voiture Bentz et Cie de Mannheim, pilote Eugène BENTZ en 2 heures et 3 mn
- Troisième : avec 50 Mark, voiture Jeanperrin, pilote Conrad FREY de Strasbourg en 2 heures 21 1/2. Un participant a du abandonner sur casse de l'essieu
- Des prix d'honneur ont été attribués à la voiture Jeanperrin de Paris, pilote Louis BOUSQUET, voiture Fischer pilote BAUMANN de Strasbourg avec 100 Mark, voiture Bentz, pilote G. KRANNER de Strasbourg ; 40 Mark à Emile JEANIN de Strasbourg sur voiture Automobil Geselschaft Berlin ; Michel FETZER sur voiture Benz et Co de Mannheim en 3 heures et 55 mn
- Tricycles (Motorbreiträder, 5 participants) :
- Vainqueur : fabriquant (?) pilote Dublon, Mannheim en 2 heures 9mn
- Deuxième : Baron HIRSCH, Ortenberg en 2 heures 20mn
- Troisième : Mathis (futur constructeur à Graffenstaden)
- FISCHBACH de Strasbourg et De Dion et Bouton, Paris, pilote A. LESAGE d'Alsace en 2 heures 25 1/2 mn
Tricycle De Dion Bouton
Le Prince de Hohenlohe-Langenburg, Comte de Bismarck avait envoyé un télégramme aux organisateurs pour s'excuser de ne pouvoir être présent, mais a néanmoins souhaité ses meilleurs voeux de réussite. Une curieuse information nous parvient du journal réactionnaire « Freie Presse ». Il relate que dans l'après-midi orageux de ce dimanche, la foudre aurait frappé deux automobiles, une dans la Hohenlohestrasse (avenue de la Marseillaise) et une dans la Ruprechtsauer allee (allée de la Robertsau) à Strasbourg détruisant les moteurs. La foudre a peut-être été dirigée par des mains humaines ?
Journal Les sports modernes. Déjà en 1899 on utilisait les femmes dans la publicité pour vendre, mais elles étaient un peu plus habillées !
25 juillet 1900
Un accident entre une automobile, un taxi et le tramway s'est déroulé rue de la Haute Montée à Strasbourg. La voiture conduite à trop grande vitesse par une dame (Clémence HIRTZLIN ? en direction de la place Broglie près de la place de l'Homme de fer. Alors qu'elle entreprit de dépasser par la gauche le tram, elle se retrouva nez à nez avec le cheval d'un taxi, à mi-hauteur du tram. Elle accrocha l'arrière du taxi qui recula de 3 ou 4 mètres. Le personnel du tramway réussi heureusement à arrêter à temps le convoi. La police de la place Kleber a procédé au constat. Le conseil du policier : « Langsam aber sicher » et pas « Immer schneller » car la ville est trop petite pour cela !
31 juillet 1900
Un cycliste qui se fit dépasser à toute vitesse à Kehl par une automobile, aperçu à l'arrière de cette dernière sortir des flammes suspectes. Le cycliste, après un sprint jusqu'à Marlen, réussi à bout de souffle et avec de grands gestes avec son son mouchoir à attirer l'attention des passagers. Trop tard ! Le feu fini par détruire l'arrière de l'automobile tout comme ... la robe de la passagère. L'engin fut remorqué à l'aide d'une charrette et les propriétaires ont suivi à pied le funeste cortège funèbre jusqu'à Strasbourg.
10 octobre 1900
A Haguenau, lors du baptême de leur enfant, une famille a organisé un drôle de cortège à travers la ville sous le regard amusé de la population. En tête, deux cavaliers sur des chevaux à roulettes précédaient une automobile miniature, suivie d'une automobile à vapeur dans laquelle avait pris place, le père, le parrain et la marraine du nouveau-né. Des bonbons, jetés en grande quantité, assurèrent le bonheur des nombreux enfants ravis.
Source : Gallica
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