- Écrit par : André VOEGEL
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La chasse on aime ou l'on déteste. Les arguments des uns et des autres se respectent. Le témoignage d'André VOEGEL, chasseur dans les années 70/80 nous dévoile les contextes d'une passion qui se perpétue depuis des siècles.
La chasse à Reichsfeld
A partir de l'année cynégétique de 1970, j'ai été adjudicataire de la chasse de Reichsfeld pour le compte d'une association. Le lot comportait 400 ha dont 250 ha de forêt. La première année nous avons construit un chalet. Par la suite, nous avons acquis 3 ha de terrain supplémentaires autour du chalet. Le tout a été clôturé pour y installer un parc à sangliers et deux petits étangs à truites. Les matériaux de construction ont dû être acheminés avec un treuil, il n'existait pas encore de chemin d'accès. Lorsque tout a été aménagé, que de belles journées nous avons passé à Reichsfeld avec les copains et toutes les familles ! Le site était magnifique et pendant que nous prenions nos repas en plein air, des sangliers s'approchaient du grillage. Le parc à sangliers était aménagé pour qu'un sanglier extérieur entre mais ne puisse ressortir. C'est ainsi que nous avons capturé plusieurs bêtes noires. Un jour, un gros mâle capturé à l'intérieur constatant qu'il était pris au piège, enfonça l'enceinte en emmenant plusieurs autres bêtes. La fin de l'élevage en enclos a pris fin lorsque, après une pluie battante, le ruisseau qui coulait le long du grillage, a raviné les berges. De grandes ouvertures permis à nos bêtes de prendre la clef des champs et adieu la vingtaine d'animaux !
Reichsfeld a été marqué par le souvenir affligeant, la mort par accident de mon petit cousin, le fils de Pierre, Fernand, tué à l'âge de 23 ans, c'était le 10 octobre 1976. Il a été victime d'une décharge de chevrotines par un des chasseurs qui a glissé sur un terrain en pente avec son fusil chargé. Le choc a été terrible et depuis cette date, l'ambiance n'a plus jamais été la même.
Histoires de chasseurs
Petite anecdote, lors d'une battue hivernale, je m'étais posté en contre-bas d'une colline. Les traqueurs étaient très loin et j'entendais à peine leurs cris. Ce jour là, j'étais armé pour la première fois de ma carabine semi-automatique 300 magnum. Le maniement ne m'était pas encore trop familier. Après une attente pas trop longue, j'entendis un bruit un peu insolite et aperçus, en levant les yeux, l'approche d'un gros sanglier dans ma direction. A une distance de 15 m j'ai lâché mon coup mais la bête a continué sa course dans ma direction la gueule ouverte. Arrivée à 2 m de moi, elle s'arrêta chancelante en me fixant des yeux. Impossible de tirer un deuxième coup, mon fusil s'était enrayé. La cartouche vide s'était coincée entre l'éjecteur et la chambre de culasse. J'ai perdu un peu mon sang-froid, car la grosse bête toujours à côté de moi ne semblait pas touchée. Les secondes qui passèrent me semblèrent être une éternité. Il aurait suffi de donner un petit coup de main à la cartouche coincée pour réarmer manuellement et tirer un coup décisif, mais je suis resté pétrifié. Soudainement, la situation évolua rapidement. Le sanglier se laissa tomber sur le côté, remua en peu les quatre pattes et mourut à mes pieds. Je n'ai pas compris ce qui s'était passé parce que je ne voyais pas de sang. Plus tard, lors de l'ouverture de l'animal, on a découvert que la balle était entrée dans la gueule de l'animal. Il pesait plus de 80 kg vidé !
Une histoire de braconnage peu banale s'est également produite sur la chasse de Reichsfeld. C'était d'ailleurs le seul et unique délit de chasse constaté durant les 18 années où nous étions détenteurs du droit de chasse. L'histoire était peu banale dans la mesure où le délinquant ... était un partenaire. On ne l'aurait certainement jamais constaté s'il n'avait pas eu l'imprudence de le commettre en période de neige. La fonte des neiges, qu'il espérait rapide, n'est pas intervenue dans la nuit du délit. Malheureusement pour lui, une petite traînée de sang était encore visible à partir du lieu de tir jusqu'à sa voiture stationnée loin en contrebas. Le comble a été qu'il a tiré deux chevreuils ! Nous l'avons constaté sur la neige avec deux traces parfaitement visibles. Grâce aux empreintes laissées par les bottes et les profils des pneus de la voiture nous avons très rapidement pu confondre l'auteur. Après décision unanime du groupe, le braconnier fut expulsé avec l'amende prévue dans nos statuts. Le nombre de partenaires devenant trop important (15 à 17 personnes) pour une chasse de 400 ha, j'ai décidé, une année avant l'échéance du bail, de faire savoir à mes partenaires ma non participation aux prochaines adjudications. J'ai donc repris ma liberté l'année suivante.
Le tableau de chasse des 18 années cynégétiques de Reichsfeld est conséquent :
- 226 sangliers
- 249 chevreuils
- 122 lièvres
- 396 faisans
- 10 perdreaux
- 49 renards
- 15 cerfs
- 7 blaireaux
- 1 bécasse
- 13 lapins
Prix de l'adjudication pour les 9 premières années, environ 20 000 frs, pour les 9 années suivantes environ 30 000 frs l'an, à ce prix il faut rajouter environ 30% de charges.
Chasse à Erstein - Huttenheim - Nordhouse - Eschau - Sélestat
Etant libre, j'ai pris en 1988 une participation dans une chasse du côté d'Erstein. L'année suivante, je n'ai plus renouvelé ma participation, la chasse n'étant pas tellement intéressante. Mes amis partenaires de Reichsfeld n'ayant pas trouvé de chasse, mon frère Emile s'est de nouveau associé à moi et en février 1988 nous avons pris ensemble une participation à Huttenheim. Le mariage avec M. Fuhrmann, adjudicataire, n'a même pas duré jusqu'à l'ouverture.
Cette année là, nous avions pris une participation dans un lot de chasse de Nordhouse-Eschau dont l'adjudicataire avait sa résidence dans le Doubs. Conscient des difficultés avec Fuhrmann, j'avais pris mes dispositions dès le début, en demandant une carte individuelle, conformément au Cahier des Charges des Chasses en Alsace. Cette carte permet de chasser en-dehors de la présence du garde ou de l'adjudicataire. L'adjudicataire n'ayant pas partagé notre liberté, nous avons demandé le remboursement des nos participations. L'affaire a fini devant les tribunaux. J'ai gagné le procès en première instance à Illkirch en 1992 ainsi que la procédure à la Cour d'Appel de Colmar. Le dernier paiement des dédommagements et intérêts est intervenu en avril 1997, soit presque 10 ans plus tard.
En mai 1989, nous avons pris une participation dans la belle chasse de l'Illwald à Sélestat. Nous y avons chassé pendant deux saisons. La chasse comptait un cheptel de 300 daims. Emile a tiré un daguet, moi par contre, rien, juste un seul sanglier du mirador. Les battues annuelles étaient toujours un événement. Nous tirions en moyenne entre 30 et 50 sangliers, 10 à 20 daims, ainsi que des chevreuils qui n'étaient pas très nombreux. La différence entre un chevreuil et un daim est sa fourrure tachetée de blanc. Il peut mesurer jusqu'à 1 mètre et peser jusqu'à 100 kg. Il possède une queue plus longue que celle d'un cerf et ses bois sont plus larges.
La chasse de Mackenheim
A la fin de la saison 1990, une opportunité s'est présentée pour la reprise d'un bail de chasse à Mackenheim près de Marckolsheim. Le territoire s'étendait sur 400 ha dont 320 ha de forêt rhénane. Son prix était très élevé, et il a fallu trouver un financier prenant en charge la moitié de l'adjudication. Je l'ai trouvé en la personne d'un banquier suisse, M. BALDINGER. Le budget annuel s'élevait à plus de 300 000 frs. Mackenheim a été la plus belle chasse de ma carrière cynégétique. On y rencontrait toute sorte de gibiers. La commune mettait à notre disposition la maison forestière. Dans les dépendances, nous y avons installé notre réserve de maïs et une cuisine de relais. Vis à vis de la maison forestière se trouvait un abri qui nous permettait de prendre nos repas en commun après les battues. Le garde Schmitt Robert de Saasenheim était chargé de l'affouragement quotidien des sangliers (environ 25 tonnes par an), il disposait d'une chambre froide pour conserver 5-6 sangliers et un congélateur pour les longues conservations.
Nous avions mis en place une organisation impeccable, un règlement intérieur drastique, des dates et des battues fixées longtemps à l'avance. Tout allait bien, en dehors des relations avec BALDINGER qui se sont détériorées de plus en plus pendant les deux dernières années. Heureusement que nous avions un contrat qui le liait pour la durée du bail. Je vous raconterai quelques anecdotes plus loin.
Le tableau de chasse annuel comportait en moyenne :
- 40 - 50 sangliers
- environ 25 chevreuils
- une cinquantaine de canards
Pendant la saison 92/93 j'ai tiré à moi seul 12 sangliers.
La chasse de Valff
A l'occasion des nouvelles adjudications, début 1997, nous avions décidé de ne plus faire acte de candidature pour prendre une chasse à notre compte, le cahier des charges ayant été modifié en profondeur. C'est la raison pour laquelle, j'ai essayé de trouver un accord avec l'adjudicataire en place Monsieur BEYELSTEIN de Lunéville qui concernait le lot n°3 de Valff.
A suivre ...
Sources :
- Mémoires d'André VOEGEL
- Illustrations : Internet
Autres épisodes :
- Un chasseur sachant chasser, épisode 1
- Les livrets d'ouvriers (partie 2)
- Mesdames à vos machines à coudre ?!
- Les livrets d'ouvriers (partie 1)
- Les producteurs et les bouilleurs de cru
- Les us, coutumes et traditions de Pâques
- Les maisons de forgerons
- Les us, coutumes et traditions du début d'année
- La loi sur la libre circulation
- Petite histoire de l'automobile en Alsace et à Valff