Alors que les médias informent encore sur la personnalité du nouveau pape, paraissent en parallèle de nouvelles listes de pertes humaines. À Strasbourg, les enfants jouent « à la guerre » dans les quartiers et, là où les garçons acceptent des filles, elles sont déguisées, avec les moyens du bord, en infirmières de la croix rouge. Puis la simulation du jeu de guerre débute et, d'après le chroniqueur du Strasburger Neueste Nachrichten, ce sont toujours les petits soldats allemands qui gagnent, braves petits !

« Voyez, je serai avec vous tous les jours » Mathieu 28 :19,20 (suscription : obéir à Dieu)

Semaine du 7 au 13 septembre

7 septembre

Les dons aux hôpitaux de Sélestat en provenance des communes du centre-Alsace continuent à affluer. Cela va des pommes, des quetsches, en passant par les œufs, des bocaux, du vin, 300 hl d'eau de Carola, des cigarettes, des tartes, des meubles, du jus de citron, de la literie, des linges, etc, etc.  Les blessés continuent à transiter par les centres hospitaliers de la ville. Les instituteurs Taglang et Frison et l'employé du tribunal Bergner, blessés à Étival (Vosges), tous trois de Sélestat, sont du lot. 

Les villages d'Hilsenheim ont récolté pour la Croix-Rouge 407,47 Mark , Ebersheim 647 Mark et Kogenheim 635,75 Mark.

Excursions morbides : Le directeur de région Pétri fait savoir que les excursions de curieux vers les champs de bataille d'Alsace et de Lorraine sont interdites. Leurs participants risquent l'arrestation. Aucun droit de circulation dans ces zones n'est valable. Les contrevenants risquent des peines de prison.

Col du Bonhomme

Vallée de Munster

8 septembre

Villé : L'aimable aubergiste du restaurant du Climont, Madame FUCHS, n'est plus. Lorsqu'une première grenade est tombée sur sa maison, elle a couru se réfugier dans la ferme à côté, chez sa voisine et ses deux filles. Lorsqu'une nouvelle bombe est tombée sur cette ferme, toutes les cinq ont été ensevelies. 

Wittelsheim : Une patrouille commando française a fait subitement irruption dans la commune et faite prisonnière le maire et deux éminentes personnalités. De notre côté, après une dénonciation calomnieuse, le fils du rédacteur, Hans BRINKMANN, du journal « Mulhauser Tageblatt » a été relâché. La perquisition du journal est restée vaine. Il a été libéré avec une caution de 20 000 Mark. Les directeurs des mines de potasses ainsi que le Maire BRUNNER d'Altkirch ont également été relâchés, faute de preuves.

Dieffenthal : Un veau qui s'est échappé de la zone de combat de Villé a été capturé chez nous. Son propriétaire peut se présenter chez le Maire.

Dieu : Dieu est avec nous ! telle est la devise des Russes. Nous n'avons pas le même Dieu, car celui des russes est un dieu de destructions, de mort, de violence, despotique et cruel. Le vrai Dieu est celui que prie notre Empereur. Un dieu juste et compatissant, qui nous donne de la force et qui dirige notre guerre sainte, et Bismarck est son prophète !

Tombe, vallée de Munster

9 septembre 

Mulhouse : Le pilote, sergent-chef, Karl INGOLD, originaire de Colmar (à lire : Il y a 110 ans : l'aviation), pilote de la société Aviatik à Mulhouse Habsheim, s'est vu décerné la croix de fer pour courage devant l'ennemi. Il a entrepris un vol long courrier pour la patrie. Il est le premier aviateur civil à recevoir cette distinction.

Colmar : La famille de l'avocat PORT fait savoir que deux de leurs fils sont décédés pour la Patrie. Le premier, Siegfried, lieutenant, le 25 août, touché par une balle et aujourd'hui, ils ont appris que la veille, le 24 août à 8 heures du matin, est également tombé sous une balle ennemie, leur fils aîné, le Dr Heinrich PORT, assesseur d'État auprès des chemins de fer d'Alsace-Lorraine. 

Cinéma central : À voir dans la rue du jeu des enfants à Strasbourg. Programme : le film, « Les derniers jours de Pompéi » et en avant-première, « L'Empereur parle à son peuple », « L'Empereur va à la messe » et « Berlin lors de la mobilisation ». Pour des raisons d'acheminement, le film « Les derniers jours de Pompéi » sera remplacé par « Cléopâtre, la reine du Nil ».

Carte postale de 1915, les tombes au col du petit Donon

Dix jours d'agonie sur le champ de bataille : Un garde-champêtre de Schirmeck a découvert, lors d'une ronde près du petit Donon, un sous-officier français qu'il pensait mort. En entreprenant de fouiller le quidam, il constata que le corps était encore chaud. Avec l'aide de volontaires, le soldat a été transporté dans l'hôpital militaire de Schirmeck et soigné à l'aide de fortifiants. Au bout de quelques heures, le miraculé ouvrit les yeux. Il expliqua qu'il avait été blessé il y a 10 jours à la jambe lors d'une escarmouche. On l'a trouvé à l'endroit où il a été blessé. Sans le passage de l'employé des forêts, son sort était scellé. 

Climont : Le paisible endroit, isolé du monde, a été rattrapé par la guerre. Les soldats français avaient caché dans des trous, côté sud, leurs canons à l'orée de la forêt, recouvert de matelas puis d'herbe. Ils ont tiré par-dessus le village sur nos troupes. Quatre fermes furent totalement détruites, parmi elles la toute nouvelle construction du Gasthaus FUCHS. Quand la première bombe tomba sur sa maison, elle se réfugia chez sa voisine. Une autre grenade arracha le buste de Mme Fuchs et ensevelit l'autre femme et ses deux filles. Le mari de Mme Fuchs est mobilisé, celui de l'autre ferme absent pour la journée. Le château, résidence d'été du rentier français GIRARDIN a également été incendié. Les français ont emmené avant de partir six otages, dont le facteur !

Wilhelm Fr. MULLER de Bourgheim, gravement blessé, Karl BAUMHAUER, Andlau, disparu

Metz : Un grand émoi de colère a suscité le geste de jeunes filles de fonctionnaires allemands qui ont distribué du chocolat et des bonbons à des prisonniers français transférés dans la rue des Romains. Elles auraient mieux fait de servir pour le bien de notre armée ou distribuer à nos propres soldats. Elles venaient d'acheter les friandises dans un magasin juste à côté. Elles ont été arrêtées et emmenées au poste. La publication de leurs noms dans les journaux est prévue. 

Jeudi 10 septembre

Évêché : L'évêché précise que tous les religieux ont à se présenter dans les bureaux du Landsturm. Des négociations de neutralité sont en pourparler.

Zèle : Un soldat zélé et impatient d'en démordre a dernièrement affirmé qu'il est obligé de poser ses bottes avec la pointe vers le mur sinon elles partiraient toutes seules à la guerre ! 

Le plus grand : Le plus grand soldat actuellement au front mesure 2,13 mètres et est originaire de la forêt bavaroise. Le géant de 23 ans a été mobilisé dans l'artillerie.

Vendredi 11 septembre

Erstein : Ici aussi sont soignés de nombreux blessés : à l'hôpital, dans l'école des filles et dans l'internat des filles. Ce sont des blessés légers du reste. Les dons de nourritures sont innombrables, des milliers d'œufs, par exemple, ont été offerts. 

Mulhouse : Les troupes françaises lorsqu'elles ont occupé la ville ont laissé une bonne impression. Il n'y a pas eu de débordements. Par contre, les commerçants signalent qu'ils ont acheté de nombreux produits : chaussettes, sous-vêtements, couvertures, chaussures, etc. Les soldats leur ont remis des bons de payements. Maintenant qu'ils sont repartis, chez qui on va demander le remboursement ?  

Saint-Maurice : Les habitants qui ont été transférés à Strasbourg pour enquête après qu'on leur a incendié le village dans la nuit du 18 au 19 août pour d'intelligence avec l'ennemi ont été relâchés. Ils ont été innocentés. Ils se sont installés dans des maisons inhabitées à Saint Petersholz (St-Pierre-bois).

Photo @ Mémoire et tradition Barr

Barr : L'enseignement dans le collège transformé en hôpital est provisoirement suspendu. Les cours au lycée Wimpfeling devaient reprendre le mardi 15 septembre, mais pour cause d'occupation du Lazarett, cette date est reportée au 1ᵉʳ octobre. 

Samedi 12 septembre 

Recrues : L'âge des volontaires ne cesse de diminuer. Le jeune Émile HUBER, fils d'un ferblantier de Strasbourg, avait indiqué avoir 16 ans. Il a été envoyé régiment du Ersatzbataillon n°172 à Offenburg. Il s'est avéré qu'il n'a en fait que 13 ans et demi.

Animaux sauvages : On signale qu'à la frontière Suisse, on dénombre une concentration inhabituelle de cerfs, chevreuils, lièvres, faisans, sangliers et toutes sortes d'oiseaux de proies qui ont fui les régions du front.

Hof près de Sarrebourg : La femme du Maire a été grièvement blessée par l'explosion d'une lampe à pétrole qu'elle était en train de remplir. Lorsque ses habits ont pris feu, elle s'est jetée dans la Saar. Elle est morte d'une pneumonie !

Forbach : Un soldat est mort après avoir voulu remettre le chapeau d'une dame qui était tombé par la fenêtre du wagon sur la voie. Il a été happé par le train venant en face. 

Markirch (Sainte-Marie-aux-Mines) : Trois français de Laveline ainsi que le Maire de Sainte-Marguerite ont été condamnés à Sainte-Marie-aux-Mines pour avoir communiqué aux troupes françaises, à l'aide de miroirs, les positions allemandes. Des perquisitions ont révélé de grandes sommes d'argent. À 11 heures, les trois premiers ont été fusillés dans la cour du collège. Le sort du Maire de Sainte-Marguerite a été scellé après que des témoins ont confirmé qu'il avait transmis aux français la présence d'allemands dans le clocher de l'église. En représailles, la Mairie de Sainte-Marguerite a été incendiée. Les fusillés ont été enterrés dans le cimetière de Sainte-Marie-aux-Mines.

Dimanche 13 septembre

Les projectiles Dum-Dum : Les militaires anglais et français utiliseraient des balles trafiquées appelées Dum-Dum. Elles déchirent les corps et sont plus mortelles. La guerre avec des armes de destruction massive de plus en plus horribles est lancée, les bombes à gaz ne vont pas tarder !

La suite à suivre pour la semaine prochaine !

Autres épisodes :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.