La première guerre semble bien loin aujourd'hui. Pourtant, il nous est possible de découvrir l'ambiance et le quotidien en Alsace des évènements de ces premières semaines de conflit. Entre avis et déclarations quotidiens, informations angoissantes ou propagande, des listes presque quotidiennes des blessés, disparus ou morts au champ de bataille originaires du coin, voilà ce que pouvaient découvrir les lecteurs du « Schettstadter Volksblatt ». Nous publierons semaine après semaine les nouvelles bouleversantes de ces premiers jours de guerre. 

Semaine du 27 au 31 juillet 1914

Le lundi 27 juillet, tous les journaux informent de l'évolution des préparatifs et d'une possible guerre qui se profile entre l'Autriche et la Serbie. Souvenez-vous de l'image que nous avions publiée dans l'article précédent. On y voit une caricature du « Petit journal illustré » du 12 juillet 1914 avec ce texte : « Rien ne m'aura été épargné sur cette terre. La tristesse du vieil Empereur ». Les prochaines décisions de son gouvernement engendreront beaucoup de tristesses et pas seulement chez l'Empereur !

Édition spéciale

À Strasbourg, on ordonne dans la cathédrale 23 nouveaux prêtres. (En Alsace, il y avait en 1968 1 prêtre pour 1178 habitants ; en 2015, 1 pour 4 385)

  Les statistiques comptabilisent en Alsace-Lorraine pour 1912 :

  • 27 602 bovins,
  • 45 657 moutons,
  • 74 606 brebis,
  • 492 873 cochons.

La vie d'avant, ou, comment faire tout comme ! 

C'est la valse des alliés

À Dornach, un jeune s'est mordu la langue en pelletant. L'organe sectionné ne tenait plus qu'à un fil. On le lui a recousu.

Sélestat, le directeur de la banque, offre une récompense de 3000 Marks à la personne qui donnera des informations sur l'identité du faussaire de faux billets de 100 Marks. 

À Avolsheim, déclaration de la maladie appelée érysipèle du porc.

Mardi 28 juillet

Epfig, deux jeunes voleurs, KNOBLOCH et BANDSEPT de Mulhouse, tous deux âgés de 16 ans, ont dérobé l'argent de l'auberge BEYER. Alors qu'ils étaient en train de cirer leurs chaussures après avoir séjourné dans l'auberge, ils ont entendu la sœur de la femme de l'aubergiste demander si c'est elle qui avait déplacé l'argent de ses économies et une montre. C'est avec les chaussures à demi cirées que les deux lascars ont pris leurs jambes à leur cou ! Ils ont été appréhendés sur la route entre Stotzheim et Sermersheim par le gendarme SAUR de Barr. Avis : toute personne qui dénonce un voleur, qui vole des fruits sur un arbre longeant les routes, sera récompensée.

Une nouveauté, à la gare, un charriot motorisé

Le Mesti ou « Kilbe » de Kintzheim sera organisé le 9 août

 

Mercredi 29 juillet

L'invalide BADER à Colmar est tombé de sa fenêtre du deuxième étage dans la Hasslinger Strasse. Il est mort sur le coup. Souffrant de grandes douleurs au foie, il a profité que sa femme mettait les enfants au lit pour se jeter par la fenêtre. C'est sa femme, par de petits boulots, qui permettait à la famille de survivre.

Wintzenheim, le journalier MULLER, 39 ans, fatigué de se disputer continuellement avec sa femme de 61 ans, s'est étranglé de ses propres mains avec une cordelette dans son lit.

Accident entre deux automobiles à Altkirch. Une passagère est blessée à la jambe.

Jeudi 30 juillet

Manifestations en faveur de l'Autriche à Berlin. Les pourparlers pour la paix se poursuivent

Afin d'éviter de futures pénuries en Alsace, il est fortement déconseillé de faire des réserves immodérées. Il est également interdit de vider ses comptes à la banque. Suite à l'insécurité ambiante, les prix flambent.

La fabrique de cigarette de Marckolsheim est en train d'être agrandie. Un maçon qui travaillait sur un mur de 4,5m sur 10m s'est effondré, le pauvre est tombé dans le jardin du restaurateur de la gare ALLONAS. Les dommages s'élèvent à 150 Marks.

Par peur de la guerre, un rentier de Strasbourg qui habitait une immense maison presque vide dans la rue de la cathédrale s'est donné la mort. Ses volets étaient restés fermés depuis 1870.

On a installé un canon géant sur les fortifications de la ville. L'engin a été transporté avec l'aide d'un grand camion qui est passé par l'avenue des Vosges. Le sous-officier HEINICKE a été condamné par le tribunal militaire à trois mois de prison et rétrogradé pour désertion, extorsion et violence sur ses soldats. Il avait des dettes et se servait chez ses recrues.

Canon sur la Place de la République à Strasbourg (fond BLUMER)

Testé sur les ramoneurs : Publicité pour du savon. Pourquoi pas ?👤

Vendredi 31 juillet

On mobilise désormais de tous côté en vue de la guerre !

Le bataillon de chasseurs n°14 de Colmar s'est transporté à vélo vers la frontière française dans les Vosges. Les commandes de lard (Speck) chez les bouchers locaux pour les casernes explosent. Les magasins de nourritures de Colmar sont réservés aux familles des militaires et interdits provisoirement aux civils. Le prix du beurre est passé de 1,20 à 2 Marks, les œufs de 1,20 à 1,40. La sécurité à la gare est renforcée. La fermeture des comptes bancaires est passée de 1 à 3 mois selon les sommes, les retraits sont interdits sauf urgence absolue. Les autorités se veulent rassurantes : en cas de guerre, l'argent sera plus en sécurité à la banque qu'à la maison.

Queue devant un magasin à Mulhouse. Dans la foule, Madeleine VOEGEL de Valff

L'Europe chemine à grands pas vers son désastre. Rien ne semble vouloir arrêter la folie humaine. C'est la population qui va payer le plus grand tribut et pour la motiver, la propagande patriotique va carburer à fond. Voyons ce que nous réserve la semaine suivante !

Suite au prochain épisode !

Autres épisodes :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.