Le 1ᵉʳ août 1914, la France décrète la mobilisation générale. Le même jour, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie, puis, dans la foulée, à la France le 3 août. C'est le branle-bas partout. Suivons le cours des évènements an Alsace et la région de Sélestat vécu par nos anciens. 

Semaine du 1ᵉʳ au 7 août 1914

Samedi 1er août

Depuis hier, les douaniers français du col de la Schlucht ont été équipés, en plus de leur révolver d'usage, du fusil Lebel. La route de Munster à Gérardmer est barrée. Le trafic ferroviaire et téléphonique est interrompu.

Avis : le Kaiser a déclaré la région « territoire en guerre ». Il dira : « J'ai confiance que la population va collaborer avec joie et sans retenue avec les autorités militaires et civiles ».

Avis : tous les réservistes doivent impérativement se rendre sur leurs lieux de regroupements.  

Soldats allemands à Lutzelhouse

Les magasins de Colmar achètent tout le seigle et les bottes de paille de seigle disponibles. 

Insertion publicitaire du 1er août dans le Schlettstadter Volksblatt. Business is business !

Et dommage pour le début des soldes ! 

Lundi 3 août

La Suisse et le Monténégro mobilisent. En France, le député socialiste Jean JAURES est assassiné. En Russie sévit le choléra. En Alsace, le courrier vers l'étranger est interdit. Les personnes en état d'ébriété sont arrêtées. Le transport ferroviaire est réservé à l'armée, le transport du lait se fera désormais par la route. 

Maison n°210 de la rue Principale à Valff

Afin de protéger les petits enfants qui sont abandonnés par leurs mères au travail dans les rues effervescentes de Sélestat, une association de jeunes filles se propose de les encadrer et de les garder. Les femmes remplacent les hommes incorporés.

Attention ! D'après la loi de 1851 concernant l'autorité de la loi militaire, nous informons :

- Toute personne qui diffuserait ou colporte de fausses nouvelles au sujet des pertes, des opérations militaires ou de prétendues victoires, 

- Qui ne respecte pas les avis établis,

- Qui se rebiffe, réussi ou non à libérer un prisonnier ou encourage ou commet des méfaits,

- Ou qui est accusé de commettre une subordination à l'armée est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison.

Alsace. Ordre de mobilisation générale pour les soldats et officiers du Landsturm, hommes âgés de 17 à 45 ans. Le Landsturm est composé des hommes qui ne sont pas sous les drapeaux et qui sont réquisitionnés pour des travaux d'intérêts militaires.

Lutzelhouse (fond TONY, archives de Strasbourg)

Mardi 3 août

Que va faire la France ? Telle est la question angoissante que se posent encore certains alsaciens ce 3 août. 

Mulhouse. Un avion a survolé la ville. Malgré les tirs nourris à son encontre, le pilote a laissé tomber un bouquet de fleurs de myosotis (Vergissmeinnicht en allemand : ne m'oublie pas).  

Mercredi 5 août

L'Angleterre déclare la guerre à la Prusse. Les usines d'Alsace ferment, quelques-unes ne produisent plus que certains matins. Les écoles sont fermées. Les jeunes possédant un vélo et désirant aider la Croix-Rouge peuvent se présenter au bureau central à Strasbourg, chambre 38. Les cartes postales et lettres doivent rester ouvertes, le nom de l'expéditeur doit être bien lisible et souligné. Le prix des pains, des haricots secs, lentilles, riz, graisses de palme, de coco et suifs, huiles, sel et sucre, farines est règlementé. 

Jeudi 6 août

L'Italie et la Turquie mobilisent. Des rumeurs angoissantes circulent dans la population ! À Mulhouse, des excités de la gâchette ont tiré sur leurs propres soldats. Un nombre impressionnant d'hommes partant se confesse. Le curé se veut rassurant en leur promettant la vie éternelle au cas du sacrifice de leur vie (pour le heilige Vaterland). Certaines rares usines promettent de payer leurs ouvriers, malgré leur départ, jusqu'à la fin du mois. Pour les autres, leurs femmes doivent trouver un revenu.

Avis dans le journal de Sélestat

Les magasins refusant le paiement en billet de banque risquent la fermeture administrative. Les moissons sont proches. Un appel est lancé aux étudiants des villes, les écoliers des grandes classes, aux jeunes filles et adolescentes pour participer aux récoltes. Pour les encourager, les chemins de fer leur offrent un billet gratuit, mais seulement en 3ᵉ classe. Les juifs sont incités, eux aussi, à se porter volontaires. Le rabbin de Sélestat précise qu'il a organisé, tous les jours, deux offices pour les prières. Le Kaiserplatz à Strasbourg est transformé en hôpital de campagne. Le journal « Freie Presse » est interdit. Les débits de boissons ont une dérogation d'ouverture jusqu'à minuit, mais l'alcool est à servir avec modération. Toutes armes civiles sont à déposer à la mairie.

Avis d'achat de denrées par les autorités de Strasbourg : seigle, petits-pois, haricots, lentilles, pommes de terre, choux, oignons, lard, des moutons vivants, des cochons vivants, avoine, orge, foin, paille de seigle, blé, orge et avoine et des betteraves fourragères. Les provisions sont à livrer dans la rue de la Forêt Noire, les animaux dans la rue des pêcheurs et dans la rue de Saarbrück. Paiement en espèces

Saint Louis. Le gérant d'un magasin de vente de vin a accroché sur sa devanture : « Fermé pour cause de guerre ». En fait, il s'était éclipsé avec la marchandise et a laissé une ardoise de 3000 Marks.

Vendredi 7 août 

À Sélestat, on ne voit plus que des soldats et des femmes. Les magasins dont les hommes sont partis à la guerre sont fermés et d'autres suivent, par manque de marchandises. Des hommes âgés se portent volontaires dans le corps des pompiers et des femmes au service hospitalier de la Croix-Rouge. De nombreuses auberges ont été fermées parce que leurs propriétaires, contrairement aux directives, ont abusé dans la distribution d'alcool.

Toujours à Sélestat, dans la nuit du 6 au 7 août, les câbles télégraphiques ont été sectionnés par des civils. Tout saboteur sera jugé et fusillé.

Dernière nouvelle : l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Russie.

Des navires de guerre allemands ont détruit des ports en Algérie pouvant servir à charger des troupes coloniales. 

Samedi 8 août

Le danger des enfants laissés sans surveillance dans les rues d'Andlau s'est encore vérifié. Après que le 29 juin, une petite fille de quatre ans est morte écrasée par une automobile, jeudi, un garçon de cinq ans est tombé sous les roues d'une charrette. Il a été emmené, grièvement blessé, à l'hôpital de Strasbourg.

Le droguiste de Munster s'est ébarbé et s'est cramé les poils du visage en éclairant le fond d'un bidon d'essence avec une allumette. Un gros boum lui a confirmé que le bidon n'était pas vide.

Honteux à Kochersberg : un paysan du coin a osé facturer pour un sac de pommes de terre la somme de 20 Marks ! Il a été arrêté et condamné devant un tribunal militaire. 

A Saarbrücken, premier mort pour la Patrie ! Un soldat de l'Infanterie-Regiment n°70 est décédé après avoir été projeté par une rafale de tempête et de grêle sous les roues d'un convoi de train sur le pont qu'il devait garder.

Du côté de Saarbourg, un premier prisonnier : un cavalier et officier des dragons français a été poursuivi et fait prisonnier près d'Amenecourt lors d'une chevauchée à la frontière par une patrouille de l'escadron du 3ᵉ Régiment n°15.

Thann, un homme a tiré avec un pistolet à 22 heures dans le dos de sa femme. Il a été arrêté. Il a avancé qu'il ne supportait plus les sauts d'humeur de sa femme ménopausée.

Démenti à Metz. Le gouverneur, après enquête, récuse la rumeur infondée que la société Lillemeni ait empoisonné son stock de blé. Des saboteurs ont également sectionné des fils électriques, tirés et blessés des gardes.

Le « Lazaret » de Wintzenheim

On recherche :

  • Des volontaires qui ont des connaissances dans le milieu médical pour servir dans les « Lazaret » (hôpitaux militaires)
  • Des volontaires pour travailler dans les hôpitaux : cuisine, couture, laver, nettoyer
  • Des hommes pour le transport des blessés
  • Des femmes et des hommes pour les dépôts : confection d'habits et de linges
  • Des dons en argent
  • Des dons en matériels
  • Des volontaires pour héberger les convalescents

Défilé dans la Grand-Rue de Barr (Barr Mémoire et traditions)

Station de chemin de fer Barr-Sélestat : 150 hommes du Landsturm se sont retrouvés devant un train bondé, à huit heures du matin, dans une station entre Barr et Sélestat. Seul quelques-uns purent prendre place, alors qu'ils devaient pointer à leur rendez-vous avant 10 heures. Ils ont donc entrepris, en plus lourdement chargés, de faire le reste des 9 km du trajet à pied au son motivant des chants patriotiques. L'angoisse et la terreur de la guerre a capturé toute la population. Les semaines suivantes ne vont pas s'arranger ! Et pourtant, business is business !

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Les frères SPIES proposent du vin blanc ou rouge aux anciens prix. Commandez et ramenez des tonneaux vides

À vendre à Kogenheim : machine à laver à la vapeur, barattes à beurre etc.

Que réserve l'avenir ? La semaine du 10 au 16 août va vous passionner !

À la semaine prochaine…

Autres épisodes :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.