Des deux camps, on fait les comptes pour encourager les arrières : côté allemand, la direction militaire avance le chiffre de 220 000 prisonniers français dont : 1680 officiers dont deux généraux et 86 700 soldats. Russes : 1830 officiers dont 15 généraux et 91 700 soldats ; Belges : 440 officiers dont le commandant de Liège et 30 200 soldats ; anglais : 190 officiers, 7350 soldats. À ces chiffres, il faut ajouter les 40 000 français fait prisonniers à la bataille de Maubeuge. Le total est à peu près évalué à 300 000. 

Semaine du 14 au 20 septembre

Lundi 14 septembre

La guerre coûte cher. L'Allemagne va contracter sept emprunts durant le conflit. Le premier en septembre 1914 s'élève à 1 milliard de Mark. À la fin de la guerre, la dette se chiffrera à 165 milliards de Mark !

Emprunt de 1 Milliard de Mark réversible en 1918, un signe ? 

À gauche la banque Simon LÉVY, au fond la synagogue

La guerre des journaux et des caricatures :

John Bull et Cie : Société avec cerveau limité, société de mensonges internationale en gros. Dans l'écouteur : « Les allemands sont devant Paris ! ».

Ne donnez plus de fruits frais aux blessés : Suite à de nombreux cas de diarrhées chez les blessés, le corps hospitalier ordonne de s'abstenir à offrir des fruits frais directement aux convalescents. Offrez les fruits aux cuisines ! Ils seront cuits et les bienvenus. 

Mardi 15 septembre

La société d'aviation « Automobil und Aviatik AG » de Mulhouse Bourtzwiller : Les installations de l'usine d'aviation ont été préservées et transférées avant le déclenchement des hostilités. Le jour de la mobilisation générale, la direction de l'usine avait reçu ce message : « Votre usine sera transférée ... aujourd'hui ! ». L'après-midi même, on a chargé tous les avions en constructions sur 30 wagons et le matériel sur 20 autres. Le lendemain, le train arrivait de l'autre côté du Rhin à Fribourg !

Rome : Le pape Pius X avait beaucoup souffert avant de mourir. Il serait tombé malade après la nouvelle du déclenchement de la guerre ! Il aurait confié avant de mourir à son médecin personnel Marchiafava : « Des millions de personnes meurent. Si, en tant que représentant de l'Église, je ne me préoccupais pas du sort de tant de jeunes vies, alors qui le fera ? ». Puis, il a souri. Pius X mourra des suites d'une bronchite à 78 ans.

Pius X sur son lit de mort le 20 août 1914

Déportation : Près de 600 alsaciens du Sundgau ont été kidnappés et transférés en France. En particulier, on note les maires, les fonctionnaires, les agents des eaux et forêts, 9 curés, des jeunes qui travaillaient dans les champs, des femmes et des enfants d'ouvriers italiens qui travaillaient sur la ligne Altkirch-Huningue. Ils ont été ligotés, les mains derrière le dos, et transportés à Belfort sur des charrettes par des cochers réquisitionnés. En tout, on a rassemblé environ 900 prisonniers à Belfort. Les otages ont dû dormir pendant quatre jours, directement sur le sol de baraques de fortunes. Pour toute nourriture, ils durent se contenter de deux repas de pain et d'un minuscule morceau de viande froide à 10 heures et à 16 heures. Seuls ceux qui avaient de l'argent pouvaient s'acheter de quoi manger. Après quatre jours, on les transféra dans une petite ville près de Paris, puis quatre jours après, on sépara les alsaciens des Italiens et de quelques Suisses. Ces derniers furent renvoyés dans leur pays, les alsaciens restèrent en France. 

Friesenheim : Joseph OBERLE est le premier soldat mort pour la Patrie de la commune. L'agriculteur et commis de caisse est mort en France. Il avait 30 ans. Sa mère, veuve, a trois autres enfants au front. Un d'eux est dans un hôpital, blessé, à Strasbourg.

Remerciements : Les blessés originaires de Bavière, Wurtemberg, Thuringe et Saxe de la chambre 2 et 7 du Lazarett de l'école des garçons à Sélestat demandent à remercier les soignantes bienveillantes et infatigables. « Elles ont été un rayon de soleil dans notre hôpital. Nous saluons particulièrement Mme Oberstleutnant SCHUTT et sa fille et Mesdemoiselles Ella BRUNN et Else SIEBERT ».

L'hôpital installé dans l'école des garçons comporte 165 lits. Depuis le 1er septembre on comptabilise 513 patients d'abord soignés par le Dr SCHOTT puis assisté par le Dr BLOCH. Les infirmières s'appellent : Mmes SCHÜTT, SCHOTT, MARTEL, CRAMER, RUFFTA, Melles HIMELSBACH, SCHÜTT, J. et M. STEINMETZ, TAGLANG, BRÜNN, MICHEL, J. et M. BALDENWECK, WEICH, SIEBERT, HAHN, MEYER, FRIES, BRACH, REMOND et les infirmières de la Croix-Rouge. A l'hôpital civil il y a 100 lits disponibles, médecin Dr Bouillon et a accueilli 200 blessés. L'hôpital dans la König Karlkaserne possède 377 lits et soigne les blessés légers et les blessés des pieds.

Caserne König Karl à Sélestat

Erstein : Un incendie a ravagé la boulangerie Roth après un feu de cheminée.

Mulhouse : Le pont endommagé à l'île Napoléon à Mulhouse a été totalement dynamité. Il sera remplacé par un nouveau pont plus solide.

Mercredi 16 septembre

Les hommes étant partis à la guerre, les femmes remplacent les postes vacants. Exemple le tramway de Strasbourg. Les dimanches et jours fériés sont maintenus malgré la situation. Les personnes au chômage est important, les usines ont fermé. L'assurance chômage et des indemnités sont assurées par la ville. Pour les femmes sans emplois, on crée un atelier de couture. 

Colmar : Toute personne qui est attrapée en train de parler français est considérée comme telle et emprisonnée. Le fils du cocher Geog BAUMERT a été nommé sous-officier sur le champ de bataille. Il a reçu également la croix de fer pour acte de bravoure.  

Sennheim : Nous apprenons seulement maintenant, que le 7 août à Fellering, le fils du confiseur GREINER-WEIZACKER de Mulhouse, engagé au Infanterieregiment n°112 a, lors d'une patrouille nocturne, été abattu par un poste frontière français qui, en s'approchant du mort s'est rendu compte qu'il avait tué un de ses amis d'enfance et compagnon de classe ! Lors de l'enterrement dans le cimetière de Fellering, le pasteur HANICH a tenu son homélie quand une grenade a explosée près du cimetière. Sous le choc, le pasteur s'est effondré d'un arrêt cardiaque et est tombé à côté de la dépouille ! Un civil, membre du Consistoire protestant, le fabricant J. SCHLUMBERGER de Saint Amarin, a pris la parole dans l'urgence et a tenu un discours dans lequel il a parlé « des premières victimes de cette guerre injuste ». Le lendemain, il a été arrêté et interné dans la prison de Mulhouse. GREINER fait partie des premières victimes de cette guerre.

Metz : Un instituteur de Forbach a raconté qu'il a été fait prisonnier par les français avec un collègue à Sarrebourg où ils enseignent. Ils ont été condamnés pour espionnage et ont dû creuser leur propre tombe. Un général les a heureusement graciés parce qu'ils ont pu prouver qu'ils étaient lorrains. Il a soutenu ses dires en avançant que son oncle est le rédacteur en chef au journal "Le Messin". Par chance et pour preuve, il a sorti de sa poche, une édition qu'il venait d'acheter le matin même !

Marckolsheim : Le soldat CUCUAT d'ici est décédé d'une balle dans la tête sur le front de l'est et un tir d'artillerie a tué le père de cinq enfants, CUNOT. Le cinquième de ses enfants vient de mourir récemment. Le fils de la famille STEINER a également été blessé légèrement dans les Vosges.

Schœneck (Moselle) : On vient de baptiser des jumeaux. Le père est au front et la grand-mère dans la chambre mortuaire. Lorsqu'une compagnie est passée par hasard dans le village, le commandant a ordonné une quête. Une somme de 15 Mark a été récoltée pour les jumeaux et transmis au grand-père.

Sarrebruck : Le plus jeune engagé est lorrain de Malstatt ! Il s'appelle Peter HIRNN et est le fils d'un aiguilleur des chemins de fer. Il a 14 ans et 10 mois !

Strasbourg : On vient d'accueillir un blessé qui a reçu une balle dans la poitrine. Elle avait transpercé un porte-monnaie qu'il portait en bandoulière. La balle a perforé cinq pièces de 1 Mark et a été arrêtée par la sixième. Enfoncée dans le poitrail, la dernière a été extraite par le chirurgien.

Le premier drapeau français capturé

Strasburger Neueste Nachrichten : La liste des noms des soldats disparus et décédés publiée dans le journal fait maintenant deux pages entières, écrits en minuscule. 

Jeudi 17 septembre

Le soldat Hans SCHNEIDER de Strasbourg écrit à ses parents : « Chers parents ! C'est déjà ma deuxième bataille. Dernièrement, nous avancions en ligne en direction d'une forêt. Nous avons sorti des français d'une maison, puis nous avons planté nos baïonnettes et aux cris de "Hourra !" nous nous sommes précipités vers les arbres. Sans mer vanter, j'étais en première ligne et le premier à pénétrer dans la forêt, quand nous nous sommes retrouvés nez-à nez avec un poste français ! Ils ont eu tellement peur qu'ils ont détallé d'un trait ! Sur trente mètres, on a pu entendre leurs genoux s'entrechoquer ! Ils ont abandonné leurs copains et leur matériel. Par malheur, j'ai dû rester pour surveiller les scélérats. Le problème, nous avons été canardés par les français à l'avant et par nos propres soldats à l'arrière qui distinguaient les uniformes français. De 5 heures 1/2 à  9 heures, nous avons essuyé des tirs et des explosions, quelques-uns des nôtres furent touchés. Ce n'est que vers 10 heures que nous avons pu dégager. Ce jour-là, nous avons fait 1200 prisonniers, 44 canons et trois drapeaux. Si je suis encore en vie, c'est parce que je suis toujours à l'avant, curieusement, ce sont les derniers qui sont touchés en premiers. Les tirs d'artilleries sont les plus mortels. 

Pour ma deuxième escarmouche, j'étais à vélo, disponible pour mon Oberst, et j'ai reçu du Oberleutnant le message à transmettre à l'Oberst que deux compagnies françaises venaient à notre rencontre. En chemin, je me suis retrouvé nez-à-nez, sur une route départementale, avec une patrouille de deux français. J'ai jeté mon vélo, et déjà est tombé le premier tir. Mon coup a perforé la poitrine d'un des deux, le second a suivi mon exemple et s'est jeté dans le fossé en face. C'est là que j'ai eu une idée géniale ! J'ai déposé mon casque sur le bord de la route et rampé quelques mètres au loin. Le français a tiré comme un fou et mon casque a volé dans le fossé, il manquait la pointe ! C'était maintenant à mon tour ! Le français s'est légèrement redressé et je l'ai allongé d'un tir précis en pleine tête. Dieu soit loué ! J'ai pu continuer ma mission et prévenir notre compagnie ! », Hans SCHNEIDER.

Vendredi 18 septembre

Ebersheim : Un grave accident de la route a eu lieu vers 14 heures sur la route vers Ebersheim. Une automobile venant de Mulhouse s'est renversée et s'est retrouvée dans le fossé. Deux agriculteurs qui travaillaient dans les champs ont extrait les militaires de dessous leur voiture. Deux des passagers ont été transportés dans la voiture du médecin à L'hôpital. Un troisième est indemne. 

Samedi 19 septembre

Colmar : L'ancien Maire de Colmar l'avocat Daniel BLUMENTHAL a été condamné par le tribunal militaire de Strasbourg pour haute trahison. Ses biens ont été confisqués. Nous rappelons qu'il a fuit en France. Il semble se trouver actuellement à Bordeaux. 

Pauvreté : Par suite de la guerre les pauvres sont dans une situation encore plus critique. Des femmes et des enfants souffrent et leur mari offre son sang au front.  Alors que dans de nombreuses armoires traînent de vieux habits, pourquoi ne pas les donner pour soulager les malheureux ? C'est une question d'honneur et de dignité ! Déposez vos dons à la mairie, chambre n°2.

La guerre a déjà fait des ravages et des souffrances insupportables et nous ne sommes qu'au deuxième mois de cette boucherie qui va durer quatre ans ! A suivre ...

Autres épisodes :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.