La libération de l'Alsace, et particulièrement du village, a été un évènement majeur pour les habitants de Valff. Des témoignages et des archives écrites nous ont fait revivre ces jours marquants et ont été largement relayés sur ce site. Mais dénicher des images filmées a été pour nous une trouvaille époustouflante.

Avant de vous faire profiter de ce film d'époque, voyons quelques points. L'Établissement Cinématographique et Photographique des Armées (ECPAD) met à disposition en ligne des photographies et des films s'étalant d'avant la Première guerre à nos jours. 

C'est en visionnant des images à tout hasard que nous avons découvert quelques perles !

Le half-track

Cette photographie nous était connue. Par contre, certains ont suggéré qu'il pourrait s'agir, en arrière-plan, de l'église de Nordhouse. Le doute est permis et nous avons fait notre enquête. Les arguments pour soutenir qu'il s'agit bien de l'église de Valff sont les suivants :

  • La présence à Valff de photographes de la 2ᵉ Division Blindée SCA est prouvée
  • Si on se rend à Nordhouse, il n'y a aucun angle qui correspond à une vue assez dégagée vers l'église. Les bâtiments anciens avoisinants ne correspondent pas non plus à notre photo. Il est impossible de trouver un angle idéal et apercevoir les pentes des toits de part et d'autres du clocher comme sur la photo avec le half-track.

Notre première hypothèse de situation nous a d'abord mené sur le chemin près de la chapelle St Blaise entre Valff et Zellwiller. Mais l'angle de la façade et le côté du clocher de l'église ne correspondait pas. 

Finalement, il ne restait qu'un autre endroit : le clocher a été pris de face, côté porche d'entrée avec la vue sur les toits côté pans et c'est sur la route du moulin vers Zellwiller à la hauteur environ du n°70 que l'angle correspondait parfaitement et où nous avons trouvé notre bonheur. 

Photo de 1907

  • Sous le half-track, on perçoit également du pavage et au-dessus, peut-être un poteau électrique, ce qui correspond également à une route urbaine. 

Les prisonniers allemands

Une autre photo a été réalisée sur la place à l'angle de la rue Principale et la rue Dauphin devant la maison de feu Adolphe VOEGEL. Cette maison était la propriété d'un certain Eugène SASS qui avait ouvert une entreprise de transport. La société a fait faillite et la maison a été vendue aux enchères dans les années 60.

On reconnait sur l'image des soldats français et britanniques (les ambulanciers) et peut-être américains, surveillant des soldats allemands prisonniers. Les soldats de la 2ᵉ DB avaient été équipés par les forces américaines, ce qui rend la distinction plus difficile. En bas à droite, un sous-officier français (adjudant ?) avec képi. 

La libération de notre village du joug allemand le 27, 28 et 29 novembre 1944 a fait de nombreuses victimes :

En arrière-plan, deux Dodge ambulances de la 3ᵉ compagnie médicale du 13e bataillon médical (13ᵉ BM) et deux quakers conducteurs ambulanciers anglais. Cette unité était rattachée au Groupement tactique du colonel de Langlade (GTL).

À ce stade, on ne connaissait rien de plus sur les conditions des prises de vue. Leur découverte nous semblait déjà exceptionnelle. Des clichés similaires réalisés dans la région par les hommes du SCA (Service cinématographique de l'Armée) sont rares, ce qui rend la trouvaille encore plus extraordinaire.

La photo surprise

En visionnant les photos prises lors de la libération et classés par nom de villages et villes voisines, la surprise a été de taille ! Voici ce que nous avons découvert avec le terme « Obernai » dans le moteur de recherche :

Il ne nous est pas difficile de reconnaitre la maison en arrière-plan ! Il s'agit du n°254 de la rue Principale. La photo a donc été prise le même jour, au même endroit que les deux précédentes. Notez les rameaux de sapin et les fleurs (sûrement en papier pour une fin novembre) qui décorent la jeep. En arrière-plan, un soldat anglais (avec la pipe) quaker, membre du service ambulancier.

Nous apprenons l'identité du photographe et du cinéaste. La légende de la photographie est la suivante :

Une autre photo confirme l'identité du cameraman :

Qui était Christian GAVEAU ?

Christian GAVEAU est né en 1911 et décédé le 4 août 1976. Il a travaillé comme directeur de l'image sur 12 films connus, comme, par exemple L'inspecteur aime la bagarre de 1957, avec, entre autres, Paul MEURISSE. Christian GAVEAU avait déjà participé sur le film Toine de 1933 de René GAVEAU, cinéaste et producteur, ou encore sur le documentaire Le Mans 1952, nommé aux British Academy Film Award, la même année.

Christian GAVEAU et Roland LENNAD

Extraits de « Reporter militaire » par Linda GARCIA D'ORNANO

Jacques Belin, le photographe de Valff 

La photo présentée par les services de l'ECPAD précise « Photographe Jacques BELIN ».

Extrait du site de l'ECPAD

Photo de Jacques BELIN

Entzheim

Le film

Passons enfin à la présentation du film. Là encore, nous avons eu une chance inouïe de dénicher la perle. C'est la disposition et la forme des poutres de la maison à colombage qui nous a mis la puce à l'oreille, ce qui a permis de situer l'évènement. Le plan est plus large que sur les photographies précédentes et l'on découvre un magnifique portail cintré qui n'existe plus aujourd'hui.

Les scènes filmées à Valff sont à voir entre 1mn50 et 2mn10. La scène est furtive, mais quelques arrêts sur images vous permettront de vous préparer. On y voit une voiture Peugeot 202 et on retrouve l'ambulance sur la gauche, vue sur le cliché au début de cet article :

À l'arrière, Christian GAVEAU ? On distingue des sous-officiers de la Wehrmacht reconnaissables à leur « patte de col » (1 barrette de col). Certaines unités de la Waffen SS portaient les barrettes de col accompagnées d'un liseret vert, mais l'image en noir et blanc ne permet pas de faire la distinction. D'après des témoignages locaux, certains prisonniers allemands ont été ensuite recrutés et employés pour remblayer les cratères d'obus. Lors des combats pour la libération du village, poursuivis par un char américain dans la rue du moulin, quelques soldats allemands se sont repliés dans la rue de l'église, mais un trou d'obus au milieu de la rue a arrêté la progression du char [en savoir plus : Enquête sur les derniers soldats allemands à Valff !].

Le film retrace les combats du Ried, et la libération de Sélestat et de Strasbourg. Pour Valff, Préparez-vous donc à 1 mn 50; Pour le découvrir, cliquer sur l'image ci-dessous :

Le bonus

Nous vous offrons en prime le lien vers un deuxième film retraçant la visite du Général De Gaulle et du Général Leclerc à Stotzheim, Noël à Erstein et une revue militaire (peut-être entre Stotzheim et Zellwiller) !

Source : ECPAD

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.