1918, la guerre touche à sa fin. Certains sont tentés de régler leurs comptes. Et voilà que l'on découvre près de Valff le cadavre de l'officier SCHLANSTEDT de la gendarmerie d'Obernai. Enquête.
La fin de la guerre approche. Nous sommes le 24 août 1918. Dans deux mois et demi, ce sera l'armistice. Pendant le conflit, la police allemande a fait régner l'ordre et la discipline. Un gendarme s'est particulièrement illustré. Il s'agit de l'officier Hermann SCHLANSTEDT en poste à Obernai. Il était connu, d'après les anciens, comme étant particulièrement intransigeant. Il n'en fallait pas plus pour nourrir quelques velléités.
En 1914, déjà, il ne faisait pas bon traîner dans le coin. Un soldat du bataillon de chasseurs de Sélestat avait été attaqué par plusieurs jeunes gens à Valff, de sorte que le pauvre a dû être transporté à l'hôpital militaire de Colmar.
Qui était SCHLANSTEDT ?
Seul le journal Kriegs-Berichte publie l'information de son assassinat
Le journal est édité à l'adresse des alsaciens. C'est un bulletin bilingue des armées françaises, crée par le caricaturiste mulhousien, Henri ZISLIN de 1914 à 1918 et distribué dans les territoires alsaciens occupés par l'armée française. Tous les autres médias sont restés muets au sujet de l'affaire.
Le périodique publie également quelques satires en langue alsacienne et puisqu'on parle de gendarme, celle, par exemple, de janvier 1918, de l'histoire du Gendarm Schneidig.
Revenons à notre gendarme SCHLANSTEDT. Son acte de décès est enregistré à Zellwiller, puisqu'il fut retrouvé aux abords du ban de cette commune. Nous y apprenons que le représentant de l'autorité est âgé de 41 ans, est né dans la ville de Grossörner dans le district de Mansfeld en Saxen-Anhalt.
Il est marié à Katharina GRUNWEDEL. Son père Friedrich Christian était meunier, sa mère s'appelle Augusta BOEHNERT, ils sont décédés. On a retrouvé le corps de SCHLANSTEDT le 24 août, l'acte ne sera rédigé que le 7 septembre sur information du tribunal de Saverne. Son corps a été découvert dans l'après-midi entre quinze et seize heures.
Dans l'article du Kriegs-Berichte du 15 septembre, on y apprend que la victime a succombé à huit coups de couteaux dans le dos, deux dans la région du cœur et un dans le visage. Son vélo est retrouvé à 30 mètres au bord de la route. On a également trouvé tout près de lui, une cantinière. Les auteurs sont en fuite.
Les circonstances
André VOEGEL dans le livre De Valva à Valff retrace les faits de la façon suivante : au courant du mois d'août, un avion allemand s'écrase dans le Bruch entre Zellwiller et Kertzfeld. Le gendarme allemand SCHLANSTEDT de la gendarmerie d'Obernai, alerté du fait, se rend sur les lieux. C'est au cours de cette investigation que SCHLANSTEDT a été assassiné. Voulant visiter et contrôler en cours de route un abri de bergers hébergeant éventuellement des déserteurs de l'armée allemande ainsi que des vanniers, il est tué d'une dizaine de coups de poignards qui lui ont été portés dans le dos.
SCHLANSTEDT était un modèle du genre dans l'exercice de ses fonctions. Venu d'Allemagne, il exerçait son métier avec beaucoup de rigueur et d'autorité, ce qui n'a pas toujours été apprécié par la population.
Les tensions de fin de la guerre
Le Courrier d'Obernai constate le mois de décembre suivant :
« Zellwiller 26 décembre. La région est la proie de bandes terroristes. Le sang du gendarme Schlammstett est à peine séché que le village est à nouveau le théâtre d'un acte criminel. À l'aube du 15 au 16 décembre retentirent dans la nuit les cris d'alarme " Firio !!! " La maison de Ludwig STUMPF est en feu ! Malgré l'intervention des sauveteurs, la maison en flamme, ainsi que la voisine, n'a pu être sauvée. Personne ne s'était inquiété de ne pas voir le vieux célibataire STUMPF. C'est une infirmière qui découvrit le lendemain les restes carbonisés du septuagénaire dans la grange incendiée.
L'autopsie révéla que STUMPF avait été ligoté et qu'on lui avait sectionné l'artère fémorale. On suppose que STUMPF aurait été surpris dans son sommeil, transporté dans la grange et égorgé pour lui voler nourriture et objets de valeur. Dans une armoire que l'on avait forcée, il manquait 4000 Mark en papier et en argent et 160 Mark en or.
Les veuves et les femmes vivant seules sont traumatisées et paniquées. Il s'agit du troisième cambriolage de suite dans la commune. Chez une aubergiste, on a volé, en plein jour, de la viande, des jambons et les habits de son mari qui travaillait dans les champs. Une autre femme s'est retrouvée dépouillée d'une forte somme d'argent, en pleine nuit, argent qu'elle avait caché sous son oreiller. Si elle s'était réveillée, elle aurait pu subir le même sort que le pauvre STUMPF. La gendarmerie française a ouvert une enquête ».
La révélation
Courrier d'Obernai
« La rumeur circule qu'un vannier originaire d'un village voisin aurait, sur son lit de mort à l'hôpital, avoué être l'auteur du meurtre du gendarme SCHLANSTEDT ». Il aurait avoué avant de mourir : « Si quelqu'un est en prison pour le meurtre de SCHLANSTEDT, il doit être relâché ! C'est moi qui l'ai tué ! Je me suis vengé parce qu'un jour alors que je prenais la fuite, il m'a tiré une balle par-derrière au travers du poumon. Depuis ce jour-là, je suis resté handicapé ».
À l'époque, la gendarmerie avait arrêté un jeune vannier de Barr de 17 ans du nom de SECULA [en savoir plus : Rififi chez les SECULA] qui traînait dans le vignoble de Goxwiller. Il était en possession d'un long couteau aiguisé qu'il cachait dans son pantalon et qu'il avait attaché le long de sa cuisse.
En 1915, déjà, a eu lieu un procès à Saverne condamnant les familles des vanniers de Sand, Valff, Neunkirch, Artolsheim, Wittisheim, Boftzheim pour s'être rendus coupables de délit de recel de déserteurs. Les frères Bonaventure George et Joseph Gargowitch ayant déserté, s'étaient cachés durant les années 1915/1916 dans les forêts de VALFF, Sand, Artolsheim et Boftzheim. Leurs familles les avaient cachés, nourris et entretenus durant tout ce temps. Ils ont ainsi pu vivre pendant plus d'un an. Durant tout le temps du procès, tout le monde a obstinément nié les faits. Malgré cela, les membres des familles se sont vu condamné de 1 mois à 1 an de prison et les déserteurs de six à dix ans.
Remerciements à Mme Régine GIESSLER des archives d'Obernai pour son aide.