Photo souvenir prise après la guerre près du char "Le Tardenois" détruit entre Valff et Zellwiller
Aujourd'hui s'achève une série de plusieurs articles ; un important travail mené nos historiens amateurs.
Les témoignages extrêmement précis d'Antoine MULLER (témoin oculaire des événements) sont encore la référence pour expliquer le déroulement de la libération de Valff : c'est la MÉMOIRE. Mais à cela s'ajoutent désormais des archives militaires allemandes, américaines et françaises. Faire parler les archives, c'est l'HISTOIRE. Aujourd'hui, 73 ans après la libération, plus que jamais, nous sommes dans ce basculement entre la mémoire (souvent vive, émotionnelle, pleine de sentiments, voire de ressentiments) et cette histoire (que nous essayons de comprendre issus de documentation, d'analyses, d'enquêtes).
La seconde guerre mondiale, et ces articles en particulier, ont donc cette double fonction : historique et mémorielle. Des articles spécialement, dédiés individuellement à chaque soldat tombé à Valff, qu'ils soient français, américains, mais aussi allemands (et peut-être un Polonais ou soviétique) doivent nous rappeler que ce ne sont pas juste des noms gravés à l'entrée du cimetière de Valff, mais bel et bien des destins humains, qui se sont rencontrés (et affrontés) à Valff les 27 et 28 novembre 1944. Nous avons essayé de leur donner un visage, de retracer leur biographie, de comprendre qui ils étaient et de comprendre ce qu'ils ont fait pour nous ! De comprendre ce qu'ils ont fait à Valff !
Au cours de nos recherches, nous avons échangé avec Elcon C. ROSS, vétéran de la compagnie D du 48th Tank Bataillon (c'est la 3ᵉ section de la compagnie B qui est engagée à Valff). Il n'est pas passé à Valff, ses camarades oui, et deux y sont tombés. Lui, est passé à Barr le 28 novembre. Toute sa vie, il se souviendra de ce village, de la violence des combats qui se sont déroulés là-bas et il nous livre un témoignage saisissant que nous retranscrivons ici en intégralité :
« I was in Co. D of the 48th Tank Bn. The next day [nous parlions de la libération de Valff par les américains le 27/11] 28November44, the Combat Command went through the northern part of Barr, France. The long column of tanks, infantry, artillery and all came to a halt. When leaving the city, a German 88 mm. anti-tank gun projectile hit the second tank, which was the battalion’s commanders. A couple of the crew were killed and the Bn. Commander and the gunner escaped with the Bn. Commander severely wounded. The gunner dragged to the basement of a near-by house. This was the German headquarters command position. The Germans immediately got their medics to do with emergency dressing of the wounds of the commander and sent for a French doctor. The French doctor did further emergency bandaging and took him to a hospital in some kind of a wheeled vehicle like a wheel barrow. In the hospital were German, French and American injured soldiers. The commander spent the next 2 years recovering and rehabilitation in the large Washington D.C. military hospital. He lived a good life after this to live 6 months shy of 100 years.
Now to another event of the same day. My tank was hit by a panzerfaust with the gunner killed and I was burned face and hands and two busted eardrums which became severely infected while I was in the General Hospital south of Nancy. We lost 12 tanks in Barr that day.The emergency field hospital was in Baccarat, France. I spent 45 days in the General Hospital and returned to my unit 15January1945 at Niederbetschdorf, France where our division was in a terrific battle at Hatten-Rittershoffen where the Germans were trying, after crossing the Rhine, get to Saverne, France where our supplies were stored. Casualties were quite high here after a 10 days or so of battle. We lost 39 tanks and the Germans 51. If you go to Hatten-Rittershoffen, they have quite a museum dedicated to this battle with a 14th Armored Division stone carving dedicated to the14th of course ».
Traduction :
« J'étais dans la compagnie D du 48ᵉ bataillon de char. Le jour suivant [la libération de Valff], l'état-major, nous envoi par le nord de Barr. Notre longue colonne de chars, d'infanterie et d'artillerie s'arrêta. Lorsque nous ressortîmes de la ville, un canon de 88mm allemand détruisit le 2ᵉ char de la colonne, qui était celui du commandant de bataillon. Plusieurs membres d'équipages furent tués, le tireur s'en sortit, le commandant du bataillon était lourdement blessé. Le tireur se glissa jusque dans la cave de la maison la plus proche. C'était l'état-major allemand de la position ! Les Allemands s'occupèrent des deux blessés et le commandant du bataillon fut adressé à un médecin civil [le docteur Marcel Krieg, qui livra par la suite un témoignage de la libération de Barr]. Le médecin continua les soins et bandages puis l'emmena à l’hôpital avec une sorte de véhicule à roue qui ressemblait à une brouette. Dans l’hôpital, il y avait des allemands, des Français, et des soldats américains blessés. La convalescence du commandant durant deux ans, avec de la rééducation et des soins dans le grand hôpital militaire de Washington DC. Il vécut une longue vie après ces événements, et décéda 6 mois avant d'atteindre les 100 ans. »
Le même jour, mon propre char fût touché par un Panzerfaust, le tireur fut tué, et je fus moi-même brûlé au visage et aux mains, avais que les tympans percés, qui s'infectèrent à plusieurs reprises lorsque j'étais à l’hôpital général militaire au sud de Nancy. Nous avons perdu 12 chars à Barr ce jour. Le poste de secours principal était à Baccard, France [NBLR : Barr-Baccard : 1h15 avec les routes et voitures actuelles...]. J'ai passé 45 jours dans l'hôpital et suit ensuite retourné dans mon unité le 15 janvier 1945 à Niederbetschdorf, où notre matériel et logistique était stockée, au même moment où notre division était engagée dans les terribles combats de Hatten-Rittershoffen, où les Allemands tentaient de percer vers Saverne après avoir passé le Rhin. Les pertes étaient très élevées après 10 jours d'engagement. Nous avons perdu [à Hatten] 39 chars, et les Allemands 51. Si vous allez à Hatten aujourd'hui, ils ont un petit musée dédié à cette bataille, et un mémorial a été érigé pour la 14ᵉ Division blindée.
Même si ces quelques heures de libération de Valff par les alliés américains n'ont pas apporté que des souvenirs positifs pour les valffois, c'était le préalable obligatoire à la libération définitive du village du joug nazi, et un petit pas de plus dans la longue marche des alliés jusqu'à la victoire finale. Ce sont finalement des Français, issus de la 2ᵉ Division Blindée qui libéreront définitivement Valff le 28 novembre 1944.
Aujourd'hui encore, les vétérans américains et français parlent des durs combats de Barr, du froid hiver alsacien, des Allemands fanatiques qui tenaient l'Alsace, mais aussi de ses petits villages, et de Valff ... Avec ces articles, nous ne traitons pas que d'Histoire, mais aussi de Mémoire, et là est aussi un petit peu notre mission, et une forme d'hommage pour ces Hommes.
« Je me demande si les gens au pays ne sauront jamais ce qu'il en a coûté aux soldats de remporter cette guerre (...) qui ne pourrait jamais comprendre le prix payé par ces soldats terrorisés, agonisants et couverts de sang, sans avoir été présent en Normandie, à Bastogne ou à Haguenau ? [NDLR : ou Barr ? Ou Valff ?] »
Captain WINTERS in : « Band of Brothers » (livre et série TV)
Retrouvez le journal de libération de Valff, jour après jour :