Comme d'autres ROSFELDER qui endossèrent le costume militaire [à lire par ailleurs], Séraphin entama une carrière militaire à la gendarmerie . Il sera considéré par ses pairs comme un héros de guerre. Découvrons sa vie mouvementée et sa carrière.

Rue Basse (1934)

Séraphin ROSFELDER est le dernier enfant d'une famille recomposée au n° 259 de l'époque. En 1846 vivent encore au foyer : ses parents, Blaise et MARTZ Catherine, ainsi que Catherine, Aloïse, Marie Anne et donc le petit Séraphin de 9 ans. Ses frères Sébastien et Florent ainsi que sa soeur Reine étaient décédés dans leur premières années. Ses grandes soeurs Marie Anne en a 15 ans, l'aînée Catherine 21 et Aloïse 18.  Son père Blaise le cordonnier, s'était remarié à la mort de sa première épouse Sophie HUGEL de Meistratzheim décédée à l'âge de 30 ans. Les enfants que Blaise a eu avec Sophie sont André, Blaise, Sophie et Joseph. La mère de Séraphin a pour nom Catherine MARTZ. 

A 14 ans Séraphin est journalier. Il gagne un maigre salaire chez plus fortunés au village. En 1856, après la mort de son père, Séraphin disparaît des radars à Valff. Sa mère vivote comme journalière et vit avec sa fille Marie Anne qui est tricoteuse. Lorsque Catherine, l'autre fille, se mariera avec le tisserand Blaise MOSSER, les 2 filles se chargeront du bien-être de leur mère durant les dernières années de sa vie.

N°259 de la Rue Basse (1912)

En 1866, nous retrouvons Séraphin à Pithiviers dans le Loiret à l'occasion de son mariage avec Esther Victorine CHAMAULT, couturière, le 6 décembre 1866. Dans l'acte on apprend qu'il est né le 16 mars 1837, qu'il est gendarme à cheval à la résidence de Pithiviers, que son père Blaise est décédé en 1844 et que sa mère Catherine MARTZ est allée chez le notaire FUCHS d'Obernai pour autoriser l'union. Il aura aussi du produire une autorisation de la part de son unité pour pouvoir se marier. Ses témoins sont tous gendarmes.

Jusqu'à là rien de particulier à signaler , jusqu'au jour où Séraphin fait parler de lui dans un article du journal « Le moniteur de la gendarmerie » du 15 juin 1884. Le rédacteur s'adresse par le biais du journal au ministre des armées par ces mots : 

« Monsieur le ministre, nous qui sommes si peu quémandeurs, une médaille pour ce brave gendarme ! Nous vous le demandons instamment ». De qui parle-t-il ? De Séraphin ROSFELDER ! Avec le titre de l'article « Un Dévouement ignoré », le rédacteur retrace un événement qui s'était déroulé pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Il explique que durant ce conflit et la bataille de Beaune-la-Rolande, les Prussiens dirigèrent vers Pithiviers un convoi de prisonniers.

L'Histoire

Dans ce convoi se trouve un capitaine du 3ème de Zouave : le capitaine CHAPSAL. Arrivés à Pithiviers, ce dernier songe à s'évader. Il s'en épanche à un habitant du pays, gendarme en plus,  qui parle couramment le français et l'allemand. Ce dernier également prisonnier comme lui avait eu pour ordre de la part des Prussiens de s'occuper des blessés. C'est Séraphin ROSFELDER de Valff. Séraphin séduit et convaincu par ce fameux capitaine CHAPSAL échafaude un plan. Il sollicite de la part des autorités allemandes un sauf-conduit pour soi-disant aller acheter de la farine dans les villages avoisinants. A bord de sa charrette, Séraphin traverse les multiples lignes ennemis... avec à ses côtés notre fameux capitaine qui se fait passer pour son valet de service. Interrogés, fouillés, la carriole et son équipage réussi miraculeusement à rejoindre les lignes françaises. Mais ROSFELDER n'a pas le choix. Sa maison est du côté prussien. Il lui faudra donc malheureusement revenir dans le camp ennemi !

De retour, l'accueil est tout sauf chaleureux ! On lui réserve les égards des conspirants et alliers avec l'ennemi. Verdict: collaboration d'évasion.  Molesté, emprisonné, on pille sa maison. Ses biens sont confisqués et on installe dans sa demeure des garnissaires. ROSFELDER est ruiné. Heureusement que l'armistice est signé sinon c'était le peloton d'éxécution ! Il n'a d'autres choix pour survivre que de disparaître. Il décide contraint, de s'installer à Châtillon-sous-Bayeux près de Paris. Sans biens , il est rapatrié par l'administration dans une zone plus sûre.

La bataille de Beaune la Rolande (1870)

L'auteur de l'article ajoute : « En faisant évader un prisonnier français d'entre les mains des Prussiens, ROSFELDER risquait tout simplement de se faire fusiller! Et il le savait ! [...] Braver la mort au champ de bataille est beau, braver la mort du poteau d'exécution est beau également. Aujourd'hui que la gendarmerie française sait qu'elle compte dans ses rangs un héros modeste et ignoré, elle applaudira des deux mains à la récompense qui lui sera donnée le 14 juillet prochain, et que nous demandons pour lui. [...]. Trop d'actes de dévouement accomplis durant cette guerre restent ignorés et sans récompense ». 

Honoré et récompensé ? Nous n'en saurons rien ! Aucune trace d'une quelconque distinction est relatée dans les archives.

Le 11 juin 1872 il opte officiellement pour la nationalité française.

Mais notre héros  sera encore cité dans une autre histoire,  un autre acte de bravoure récompensé encore une fois par une ingratitude notoire ! Décidément, Séraphin collectionne les contre-pieds surprenants. Drôle d'époque !

Et une autre anecdote mordante,  canine cette fois ... et... enfin récompensée ?  Cité n'est pas retenu ...encore 

Le 6 mai 1889, le journal l'Echo de la gendarmerie nationale relate que le gendarme Séraphin ROSFELDER de la compagnie de la Seine prend sa retraite au bout de 27 ans 3 mois et 12 jours de service. Il percevra 806 francs. Il se retirera à Malesherbes dans le Loiret.  Le 21 juillet 1908, se mariera son fils Séraphin Maximilien Désiré né en 1873 avec Cécile LOESCH à Reims. A cette date, Séraphin et sa femme sont déjà décédés. Son fils choisira une carrière militaire comme son père et poussera jusqu'au grade de capitaine dans un Régiment d'infanterie coloniale. Il tombera sur le champ de bataille à la bataille de la Marne à la tête de sa compagnie le 25 septembre 1915.   http://www.lamaindemassiges.com/offonsiveseptembre.htm

Un autre fils, Georges, suivra  la vocation militaire. Il sera nommé adjudant chef expéditionnaire des postes au 1er Régiment de tirailleurs malgaches à Madagascar. Il épousera une institutrice: Marie Bénédicte Pauline JAQUEMONT dont il divorvera pour se remarier avec Jeanne Adine BOURCIER . Il reviendra en France, habitera à la Roche sur Yon en Vendée en 1913 et décédera à Alberville à l'âge de 71 ans.

Leur vie et leur carrière sera retracée dans un autre article. Tous deux, contrairement à leur père, serons distingués de la Légion d'honneur.

Quant à notre Séraphin ROSFELDER, il aura fini ses jours au 16 rue de la mairie à Chatillon-sous-Bagneux. 

Avec cette biographie, les mérites méconnus et oubliés du modeste Séraphin ROSFELDER, un enfant de VALFF,  sont enfin reconnus et publiés !

 

 

 

(1) Autres histoires de la famille :

(2) Crédits : Gallica, bibliothèque nationale et merci à Mike FREYDER pour son assistance dans les recherches généalogiques !

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.