Une des sentences les plus injustes du XIXe siècle fut sans conteste le délit de vagabondage. Alors que le terme moderne serait celui de SDF, à l'époque, il était formellement interdit de mendier ou de marauder.
Acte de condamnation de Louis ULM (1912)
Les numéros des maisons ont pu changer avec les nouvelles attributions de numérotation
Nous citerons ici le cas typique et l'histoire de la famille ULM de Valff. Le père François Georges est originaire de Kilstett dans le Bas-Rhin. Il épouse Crésence DÜRR et s'installe à Valff au n°12 de l'époque dans la rue Haute. En 1888 on retrouve la famille au n°48 de la Rue Principale. François est vannier, un métier tout à fait honorable à l'époque. De nombreux produits de leur fabrication étaient utiles à toute la population. Il vannait des dessus des chaises, l'habillage des récipients d'eau de vie, des corbeilles et bien d'autres choses. Pour étendre leur clientèle, les vanniers avaient l'habitude de voyager à travers le pays. Seulement voilà ! Quand décède la mère au foyer, les hommes ne savent pas faire. A la mort de Crésence, la mère, la famille se disloque. Le décès de la petite Marie Louise 11 ans, aggrave les choses. L'excès de boisson est souvent le remède pour supporter la vanité de la vie !
Enfants pauvres à Strasbourg (Date inconnue)
Acte de naissance de Louis ULM (1867)
Louis Charles part à l'aventure. Né le 5 septembre 1867, il a 30 ans. C'est à partir de ce moment que l'on suit sa trace. Première condamnation pour vagabondage et mendicité en janvier 1898. Sentence : 2 jours de prison par le tribunal de Molsheim. La même année en juillet, 3 semaines par le tribunal de Schirmeck. Puis les peines s'enchaînent :
- Avril 1901 : 1 semaine de prison par le tribunal de Molsheim
- Janvier 1903 : 14 jours par le tribunal de Benfeld
- 1904 : il est emprisonné dans le camp de travail à Phalsbourg
- 1905 : transféré du camp de Phalsbourg vers Saarbrück
- 1906 : 5 jours de prison par le tribunal de Molsheim, il venait de quitter le camp de Phalsbourg où il était retourné pour récidive
- 1909 : 2 semaines, tribunal de Molsheim
- 1912 : 20 jours par le tribunal de Hochfelden. Le délai de probation est fixé à chaque fois à 2 ans.
Vanniers dans le quartier de la Robertsau à Strasbourg vers 1935
Le début de la première Guerre Mondial occupera l'administration à d'autres tâches. Les errants et les sans abris seront légion. Louis ULM disparait. Tout comme sa sœur Louise, qui, tout comme son frère, avait écopé d'une peine de prison en 1898 pour la même sentence. Extrait : « 5 Tage haft fü bettelns an Frau Louise ULM, Ehefrau von Eugen Führÿ, 25 Jahre alt, Korbmacherin ». (5 jours de prison pour mendicité pour Louise Ulm, femme de Eugène Fuhry, 25 ans, vannière). Son mari, vannier de Huttenheim, n'est pas un tendre non plus ; il purgera 1 mois de prison pour agression physique.
Heureusement la mentalité à changé. Le mépris des vanniers s'est émoussé. Restent en souvenir quelques gros-mots comme « Dü Kerbmancher » (vannier) ou « Drak Kores » (sale corporation).
Mendiants au marché de Molsheim (1935)
Crédit photos : Archives de Strasbourg