Pillage du Palais d'été ou Parc Yuhanming en 1860. Aujourd'hui on peut y admirer une statue de Victor Hugo avec un de ses écrits fustigeant Napoléon III
Dans la série des militaires de la famille ROSFELDER découvrons la carrière passionnante de Vincent. Comme indiqué dans le titre il fut promu au titre de Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur. Quel fut son existence ? Peut-on aujourd'hui retracer la biographie d'un militaire ?
Parlons tout d'abord de la base de données Léonore. Ce dernier, consultable sur Internet, permet de répertorier la majeur partie des nommés au titre de la Légion d'Honneur. C'est ainsi qu'y figure une lettre de Vincent ROSFELDER du 20 mai 1871 demandant par le biais de son notaire de Benfeld de consentir à l'administration française de lui envoyer un certificat d'inscription. Cette attestation lui permettrait de toucher ses rentes arriérées dans un département français limitrophe à l'Alsace fraîchement annexée par l'Allemagne. Il lui est alloué une somme annuelle de 250 francs. L'autorisation sera effective en 1873 et c'est à Belfort dans le département du Doubs que seront désormais versées ses subsides.
Vincent RODFELDER est né au numéro 118 (de l'époque) de la rue Principale à côté de l'école le 11 janvier 1820, fils du décédé George Michel, cultivateur et d'Anastase LUTZ. Les prémices de sa naissance sont sombres. Son père décède brutalement le mois précédant sa naissance. Les parents sont secoués par cette grossesse tardive, la famille étant déjà bien fournie en enfants. Anastase a atteint ses quarante ans. La situation financière est précaire. L'accouchement est si tendu, que la sage femme Scholastique PFLEGER se déplacera elle-même à la mairie faire la déclaration. Vincent est né à la même heure - 1 heure du matin - que l'heure de la mort de son père un mois avant. Un signe funeste ? Quel sera son avenir ? Suivons son parcourt stupéfiant...
Les numéros d'attribution des maisons se sont légèrement décalées au milieu XIXe siècle
La famille est nombreuse. Que de bouches à nourrir ! Il y a George, Marie Anne, François Antoine, André, Anastase, François Joseph, Florent, Aloyse ... et Vincent ! Heureusement les aînées sont d'une grande aide, surtout Marie Anne du haut de ses 15 ans. Mais le malheur n'a pas de pitié, et il s'accoche comme la bardane. Quelques années plus-tard, maman Anastase, décédera en 1831 à ... 1 heure du matin ! Encore cette foutue analogie ! Vincent n'a que 11 ans. Quelques années plus tard rien ne le retiendra à Valff. Il est domestique chez des particuliers comme son frère François Joseph et ses soeurs. Aucun avenir plaisant en vue... Il décide de tenter une carrière militaire.
Etat des recensés de 1840 : on peut lire Vincent ROSFELDER - journalier - a quitté la commune
Son frère Florent né en 1815 lui avait montré la voie. Ce dernier s'était engagé dans la marine. Florent, volontaire, n'avait pas pioché le bon numéro lors du tirage aux sort de conscription de sa classe en 1835. Son autre grand frère George avait eu plus de chance quelques années auparavant en tirant le numéro 41. Lui avait été enrôlé de suite. Qu'a cela ne tienne ! Florent prend la place d'un camarade, qui lui, ne se sentait d'aucune vocation militaire. Celui qui ne voulu pas partir pu rester et celui qui voulait s'enrôler fut engagé. Tout le monde était satisfait ! On lui administra le matricule 32239. L'armée l'envoya à Toulon et l'embarqua sur le tout nouveau vaisseau Hercule silloner la Méditerranée. Mais le mauvais sort s'accroche encore et encore ! Florent décédera sur ce foutu navire dans la nuit du 22 juin 1839, à la même heure que son père et sa mère ... 1 heure du matin ! Et voilà encore ce pourri horaire !!!!!. Son corps sera laissé à la mer (!).
L'Expédition de Chine de 1860
Mais revenons à l'histoire de Vincent le petit dernier de la famille. Souvenez vous ! Lui aussi s'était engagé.
A la fin de l'année 1859, les flottes franco-britanniques quittent l'Europe en direction de la Chine pour circoncire plusieurs années de troubles, d'assassinats de missionnaires et de ressortissants européens et d'attaques de vaisseaux français et anglais. Le gouvernement chinois avait refusé de présenter des excuses, et c'est l'embrasement.... Le 19 septembre s'opposent face-à-face sur le pont de PAIKAO, 30 000 chinois et mongols à 10 000 soldats alliés. Au bout de 5 heures de combat, 25 000 chinois et mongols sont mitraillés et tués, 1200 côté alliés. Le 18 octobre en représailles, les alliés saccagent, pillent et incendient le Palais d'été chinois aux portes de Pékin. Il brûlera pendant 3 jours. Aujourd'hui on peut lire à l'endroit du palais détruit, gravé sur une plaque commémorative, un pamphlet de Victor Hugo à l'encontre de Napoléon III qui gouvernait la France à cette époque.
Le 25 octobre, l'Empereur chinois Hieng-Foung se soumet enfin et autorise son frère, le prince Kong à signer le traité de Pékin. Le culte chrétien est de nouveau garanti en chine. La croix est replacée sur le sommet de la cathédrale catholique de Pékin. C'est la fin de l'Expédition de Chine. On enterre les morts torturés et exécutés par les chinois. Les chinois remettent aux français le corps mutilé du colonel FOULON GRANDCHAMPT , prisonnier et torturé pendant 6 jours puis exécuté. Les missionnaires décapités sont inhumés. De nombreuses victimes ne seront jamais retrouvées. Le fleuve Pei-Ho avait emporté dans ses eaux boueuses tant de dépouilles anonymes !
Le traité autorisa et légalisa le commerce de l'opium, la navigation des européens sur le Yang-tsé-Kiang, accorda des droits civils aux chrétiens, ouvrit l'ensemble du territoire aux missionnaires et obliga la Chine à payer de fortes indemnités.
Bataille du pont Palikao
Nommé à l'Ordre de la Légion d'Honneur
C'est donc au bout du monde, en Chine, que nous retrouvons Vinvent en 1860. Extraits des notes militaires : « Le soldat Vincent ROSFELDER, matricule 2143, a participé à 6 campagnes militaires et se voit décerner la Médaille Militaire le 20 septembre 1852. Il est artificier à la 10e Batterie du 14e Régiment d'Artillerie. En poste au bivouac de Pali-Kia-Ho en Chine, avec 20 ans et 1 mois de service, il est temps pour l'armée d'honorer son soldat. Le 24 septembre 1860, après la bataille mémorable du pont de Palikao », le Colonel De BENTZMANN, commandant de l'expédition note également : « Brave et ancien soldat médaillé depuis 8 ans ». Note du général en chef : « Approuvé ».
Vincent est nommé à l'Ordre de la Légion d'Honneur par décret du 31 décembre 1860. C'est un pied de nez à l'infortune qui semblait coller aux ROSFELDER ? Vincent décedera le 28 mars 1882 à l'hôpital de Benfeld à l'âge de 62 ans. Il était veuf en première noce d'Hélène BRUTSCHI, décédée le 29 janvier 1879. Remarié le 19 juin de la même année avec Héléna HANGS, cette dernière décédera ... six mois plus tard le 26 janvier 1880. Peste ! La scoumoune encore et encore !
Vincent s'est éteint ... cette nuit là, non pas à 1 heure du matin mais 4 heures plus tard, à 5 heures et demi. Avec sa disparition, la malédiction familiale s'arrêtera enfin ! Un autre Vincent ROSFELDER emboîtera son exemple. Ne manquez pas son histoire dans le prochain article.
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