- Écrit par : Rémy VOEGEL
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L'église de Valff, à l'époque insérée dans l'enceinte des murs de fortification du château, est desservie aujourd'hui par deux accès. Un premier côté Ouest dans la rue du château, le deuxième côté Nord qui surplombe l'ancien fossé du Wihr.
L'histoire et des fouilles récentes ont permis de lever un peu le voile sur leur construction.
Le pont-levis du château
Plan de l'accès approximatif de l'entrée au château et à l'église de Valff
Les récents travaux d'assainissement ont permis de découvrir et déterrer les poutres en chêne de l'ancien pont qui surplombait les eaux des douves alimentées par la rivière Kirneck. Ces poutres mesurant 25x25 cm de diamètre, taillées en pieux, étaient à l'origine, plantées dans le lit du « Wihr » ou fossé des douves. 50 cm de vase s'était amoncelée avec les années. Les pieux sont au nombre de quatre, plantés de chaque côté du pont et espacés de 1,80 m. La maçonnerie des murailles du pont-levis, mise à jour, est large de 1,50 m. Une poutre en sapin également retrouvée faisait partie de la charpente supérieure. Aucune pierre taillée n'a été retrouvée. Les murs sont composés de moellons cimentés. Au niveau des poutres, le remblai de pierres de la muraille ne contenait ni briques ni restes de tuiles.
Après la découverte des fondations de l'enceinte soutenant le pont-levis, a été mise à jour, une seconde, puis une troisième fondation, d'une largeur de près de 1,20 m. Il est fort probable que nous soyons tombés sur des murs de l'ancien château-fort du XIIIe siècle. L'existence du pont-levis est attestée par un document de 1316 qui nous informe, qu'à cette époque, les habitants se plaignaient de ne pouvoir réveiller le curé vivant au château, le pont-levis étant relevé pour la nuit. Les mourants décédaient alors sans derniers sacrements. La région, comme d'ailleurs le reste du pays, souffrait de l'épidémie de peste.
Lors de la pose du réseau électrique, est apparu, le long de la rue, côté village, sur une longueur d'environ 2 mètres, un mur surmonté d'un alignement de pierres taillées (photo ci-dessous). En progressant en direction de l'église, ce mur rejoint les fondations d'une construction massive.
En progressant en direction de l'église St Blaise, apparurent deux niveaux empierrés. Le niveau haut, à quelques centimètres sous le bitume, est pavé de pierres rondes. Il se trouve à la même hauteur que les portes latérales de l'église actuelle, construite en 1740. L'hypothèse se présente, donc, que le parvis de l'église ait été rehaussé lors de la construction de cette église. La différence de niveau avec le pavement inférieur est de 80 cm, ce qui expliquerait que le porche actuel de la tour soit si bas. Le pavage bas, également en pierres rondes, se dirige tout comme celui du haut en direction de l'entrée de la tour fortifiée de l'église St Blaise. Sur le pavage inférieur se présente un remblai de terre argileuse comme celle qui est présente à 1 à 2 mètres de profondeur au-dessus de la nappe phréatique, puis devient sablonneux près de l'église, peu de terre végétale. Ce remblai proviendrait-il des fossés extérieurs ? Le niveau a-t-il été relevé avec la construction du deuxième château appelé « Wasserburg » du XIVe siècle ? Sous le pavage inférieur, nous avons découvert quelques ossements humains près de la tour de l'église, lieu qui correspondrait au cimetière primitif.
Le cimetière
Nous supposions l'existence d'un cimetière médiéval autour de l'ancienne église du château. Les travaux n'ont exhumé que peu de sépultures. Le cimetière a vraisemblablement été empiété avec l'extension en largeur de l'église actuelle. La chapelle Ste Marguerite avec le « Kerner » a sans doute toujours hébergé un cimetière communal. Le document de 1316, cité plus-haut, laisse entendre qu'à cette époque, la chapelle aurait été « reconstruite ». Il n'est pas impossible qu'il y ait d'autres tombes, mais de l'autre côté de l'église St Blaise.
Ossements humains parcellaires d'un jeune adulte provenant d'une tombe qui avait déjà été éventré lors de la pose du premier réseau d'assainissement
Tibia
Mâchoire inférieure encore dépourvue de dent de sagesse. Attrition dentaire importante. L'usure des dents peut survenir soit d'un broyage excessif ou la conséquence d'une personne qui « grince » régulièrement des dents
La fosse
À environ 25 mètres, en face de l'entrée du porche de la tour de l'église, sous le pavage inférieur, la tranchée a mis à jour une fosse d'environ 1,50 m de large. Sommairement fouillée, il a été possible d'extraire les restes d'un animal, authentifié par une archéozoologiste de Strasbourg, comme étant les restes d'un cheval. La fosse a été partiellement entamée lors de l'installation de l'éclairage public. Au-dessus de la fosse est visible une couche composée de matière carbonisée de charbon de bois et de tessons de tuiles appelées « Hohlpfannendeckung ». Ces dernières datent du Haut Moyen Âge. Cette couche est d'une épaisseur approximative de 15 cm. Un incendie de l'écurie du château aurait-il causé la mort du cheval du seigneur ? Ce qui surprend, est que ce trou ait été creusé bien en face du porche de l'église et au milieu de la cour. Les tuiles et la hauteur de la fosse sous le pavage inférieur laisseraient dater l'évènement vers le Haut Moyen Âge et le XVe siècle ?
Hohlpfannendeckung : les tuiles creuses sont fixées à la charpente avec l'attache moulée à l'extérieur de la partie convexe de la tuile (partie creuse)
Ossements de cheval ?
L'église primitive
La tranchée n'a révélé que peu de gravats de la destruction de l'ancienne église du château et la construction de l'église actuelle. Il n'y a que peu de traces de restes de tuiles ou de briques. Le peu de fragments rouges mélangés avec du remblai au-dessus du pavage inférieur se situe près de la tour. Ancienne couverture de la tour fortifiée ? On peut supposer que les anciens matériaux de l'église aient été bien recyclés et réemployés. Seule une mince couche d'agglomérat de granulat rouge pilé sous le bitume, témoigne d'une activité de construction. Quelques rares traces de morceaux d'ardoises. Le remblaiement du terrain avec présence de quelques grosses pierres augmente progressivement vers le chœur de l'église à l'est, pouvant atteindre 2 mètres.
Le tunnel
La transmission populaire laisse entendre qu'il existerait un tunnel qui part de l'église et se prolonge en direction des anciennes murailles. Les excavations n'ont nullement permis de confirmer cette hypothèse. Il se peut que la tranchée n'ait pas été creusée assez profonde. Un sondage, au fond de la tranchée, avec une tige de fer, n'a pas permis de conclure à une quelconque construction. Quoi qu'il en soit, si c'est bien à cet endroit que passe notre fameux tunnel, il aurait débouché bien en dessous du niveau des eaux des douves. Cette hypothèse sous-entendrait que ce passage, aurait alors été aménagé bien avant les fossés d'eaux et daterait donc de l'époque de la première forteresse du XIIe siècle. La sortie extérieure, côté mur d'enceinte, serait condamnée et l'accès, côté église, bouché avec la construction de l'église du XVIIIe. Aucun indice ne confirme l'existence d'un tel tunnel. Une histoire pour faire dormir les enfants … ?
Le passage de l'accès Nord
Histoire
Selon un texte rédigé en 1744, le 23e de novembre, le bailli d'Andlau, Jean-Antoine SCHECK se déplaça à Valff pour rencontrer le curé et s'informer d'une requête des habitants. La doléance concerne l'accès à l'église St Blaise. Il est accueilli par « Messire, l'abbé d'Andlau, Conseiller du Roi, aumônier de Sa majesté, Grand Doyen de la cathédrale de Toul, Vicaire général du même Évêché et administrateur des terres et seigneuries de l'illustre famille d'Andlau » (sic).
L'abbé fait part de la supplique des paroissiens. Ils implorent l'autorisation de pouvoir construire un pont par-dessus le fossé du château à la hauteur du chœur de l'église qui déboucherait du côté de la grange de la ferme dîmière. L'accès existe encore de nos jours. Les doléances sont les suivantes :
- L'entrée de l'église qui se trouve côté ouest, demande aux paroissiens de faire un trop « grand détour »
- La communauté s'engagerait à construire et à entretenir ledit pont
- La communauté ne pourra plus s'autoriser à aucun autre droit
Après consultation, la réponse fut proclamée par la bouche de l'abbé d'Andlau qui sonna le tocsin afin de rassembler la population. La condition pour une autorisation de construction est la suivante: tous les habitants devront promettre unanimement qu'ils se contenteront d'un passage ordinaire. Sur ce, l'abbé autorise le projet pour un usage permanent et à perpétuité. Ont signés : Adam SCHRODER le Schultheis, Stéphane SPECHT le Heimburger, Joseph VÖGEL, Joseph FREYDER, Andres SAAS, Hans ANDLAUER et Johannes VÖGEL.
Contexte
C'est en étudiant le contexte historique que nous comprendrons mieux les causes de cette surprenante demande. Gagner quelques mètres pour aller à l'église ne mérite vraiment pas la construction d'un pont de près de 25 mètres de long !
En 1744, les travaux d'agrandissement de l'église St-Blaise venaient de se terminer. Mais avant cette réalisation, il y a eu dans le village un sacré remue-ménage. Les paroissiens devenant trop nombreux, l'église se trouva trop petite. On envisagea donc un agrandissement du lieu de culte. Les habitants du haut-village préférèrent que l'on choisisse d'agrandir l'église St-Blaise. Ceux du bas-village, pour une question de distance, insistaient pour que l'on agrandisse la chapelle Ste-Marguerite. Les deux bâtisses sont à l'époque d'une même capacité d'accueil. Laquelle des deux allait-on agrandir ? En attendant, c'est la zizanie au village !
Le choix tomba finalement sur l'église actuelle. L'évêque de Strasbourg, le cardinal de Rohan trancha, parait-il, « à contrecœur », d'après le curé HAENNER. D'après l'avis du curé « des personnes qui sèment de la mauvaise herbe » aura penché dans la balance. Le poids des relations des puissants seigneurs d'Andlau contre ceux de l'abbaye d'Andlau aura eu raison du sort des pauvres pieds de nos paroissiens du bas-village.
C'est ainsi que, pour calmer les ardeurs et la déception des habitants du bas-village, on les autorisa de « raccourcir » leur trajet vers l'église ... de quelques cent cinquante mètres, quand même ! Cela méritait bien un pont ! Non ?
... et la paix des clochers apaisa à nouveau les humeurs de nos irréductibles et paisibles valffois... jusqu'à la prochaine occasion... ? 🤢
Photo 1935 avec en premier plan, le chemin Nord menant à l'église
Crédit photo :
- Fond personnel
- Archives départementales du Bas-Rhin
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