Le sang coule en abondance en Alsace. Dans les deux camps, la propagande des revues et journaux est du côté de la frontière des lecteurs. Vivez, dans ce nouvel épisode, le déroulement de cette dernière semaine du mois d'août 1914.
Semaine du 24 au 30 août 1914
Lundi 24 août
Alors que l'on expose maintenant 11 canons sur le Kaiserplatz (Place de la république) à Strasbourg, les rues, selon un chroniqueur du Strasburger Neueste Nachrichten sont vides, les travaux des bâtiments sur la Place de la Bourse, sont à l'abandon comme après une faillite. Le grand magasin « Modern » (Magmod), une semaine avant son ouverture, a été transformé en hôpital militaire. Les boutiques sont fermées, le marché hebdomadaire de la Porte Blanche transféré sur la Place Kléber. La ville est comme paralysée.
Mardi 25 août
Dambach : Notre Lazaret a bien servi ces derniers jours. C'est ici qu'ont été réceptionnées les premiers blessés du val de Villé avant de les transférer par train ou par automobile vers Sélestat et Strasbourg. La générosité des habitants a permi de rassembler 60 lits.
Maisonsgoutte : Une bien étrange histoire nous parvient de cette région. Les français coincés dans ce village ont envoyé à Steige un charretier chercher un convoi de nourriture pour leur repas de midi. Pendant son voyage, nos troupes ont repoussé les français. Lorsqu'il arriva à Maisonsgoutte, après avoir évité les balles qui sifflèrent à ses oreilles, il trouva nos soldats à la place des français. Les denrées ne furent donc pas livrées au colonel, mais à notre Oberst qui le remercia chaleureusement pour ces bons présents.
St-Martin : Le château Honcourt de Monsieur Ungemach de Strasbourg a été incendié. Il a eu le même sort que l'ancienne abbaye des Bénédictins, détruite après la réforme sur laquelle il a été construit.
Strasbourg : Superstition ! Catholiques ! On ne sait d'où proviennent ces lettres (Schutzbriefe), écrites avec des lettres d'or et qui sont censées protéger les soldats des balles ! Il parait que la première serait miraculeusement tombée du ciel ! N'envoyez et ne donnez pas ces lettres porte-bonheur superstitieuses à vos hommes. Celui qui croit qu'elle est tombée du ciel est tombé sur la tête !
Mercredi 26 août
Schirmeck : Le Maire de Schirmeck VOGT, le secrétaire MENGUS et plusieurs habitants ont été arrêtés et emmenés comme otages par les français. On nous signale que le Maire d'Altkirch, le Freiherr von REINACH a subi le même sort ainsi que le Maire de Mulhouse.
Lagarde en Lorraine : La fille de l'assistant des douanes, KRENGEL, a fait prisonniers 60 déserteurs français qu'elle a enfermé dans sa cave. Un capitaine bavarois a raconté comment les allemands ont été trahis par l'abbé Demange de Lagarde. Ce dernier aurait attiré les soldats dans son village, les garantissant qu'il n'y avait pas de Français, puis aurait tiré à la mitrailleuse sur les troupes. Le bruit circule que le religieux aurait été fusillé à Sarrebourg. Un autre prétend qu'il l'aurait vu de ses yeux, transpercé par 30 coups de baïonnettes devant l'église de Lagarde. La vérité vraie, est que notre bon curé est toujours vivant ! Il avait été contraint par les français de rester dans son église et c'est là que nos soldats l'ont retrouvé à genoux devant l'autel. Il a été relâché et son église sert maintenant d'infirmerie militaire. Ce sont les rumeurs et les fausses propagandes et qui sont exploitées par la presse ennemie qui dénaturent la vérité. Notre grand quartier général et son Commandant en chef MOLCKE s'insurgent violemment contre la propagande ennemie qualifiant de cruelle la position et les actes des forces allemandes (L'évêché publiera plus tard un démenti et affirmera que le pauvre abbé Demange aurait reçu les félicitations des autorités militaires allemandes pour son abnégation et son aide courageuse et les soins qu'il a apportés aux blessés dans son église).
Ebersheim : Le journal Schlettsatdter Volksblatt demande à la population de bien accueillir deux femmes qui vont quêter de porte-à-porte pour les soldats. Tous les noms des donneurs avec leur don sont publiés. Les sommes vont de 10 pfennigs à 20 Marks. Le total s'élève à 602 Marks.
Sur la liste n°6 des pertes, on note de plus en plus de soldats originaires de Basse-Alsace.
Jeudi 27 août
Alsace-Lorraine : En Allemagne, sur les 1 300 000 volontaires pour l'armée, 90 000 sont originaires d'Alsace-Lorraine. Alors que l'on comptabilise 1 volontaire pour 55 habitants en Allemagne, l'Alsace-Lorraine a fourni presque trois fois plus de volontaires que le reste du Reich allemand, soit 1 pour 20 habitants. Le Polizei-Wachtmeister, D. Ihm de Koenigshoffen, âgé de 72 ans, s'est porté volontaire comme sergent dans le Landwehr. Son offre a été acceptée. Félicitations !
Kogenheim : Hier après-midi, trois avions ont survolé la région de Sélestat. À Kogenheim, ils ont largué une bombe sur la voie ferrée sans faire de dégâts. Ils ont été chassés par nos tirs de canons. À Kintzheim, une bombe est tombée sur une forge, elle a été totalement détruite.
Détonations : Au sujet des bruits de canonnades du sud-ouest que nous avons très bien entendus hier et avant-hier, nous pouvons préciser : l'attaque en direction de Sélestat, Ribeauvillé et Colmar a été violemment repoussée par nos troupes.
Strasbourg : Un passementier de 41 ans a été renversé et écrasé grièvement par une automobile dans la rue des bouchers. Il a été chargé par l'automobiliste dans sa voiture et emmené à l'hôpital.
La paisible maison des orphelins à Neudorf a été transformé en « Festungslazarett » pour les soldats atteints de maladies contagieuses comme la disenterie, la rougeole ou la scarlatine. On y a également admis un sous-officier aveugle des suites de l'éclair de l'explosion d'une grenade.
Benfeld : Un important cortège de plus de 300 personnes, sanitaires, officiels, officiers et associations de guerre de Benfeld et Huttenheim, a accompagné dans sa dernière demeure le premier combattant décédé dans notre Reserve-Lazarett. Il s'agit du lieutenant Hans Stössner du Bayerischen Brigade-Reserve-Bataillons n°3. Il était ingénieur diplômé d'Augsbourg. Il a succombé à ses blessures lors de la bataille de Ste-Croix. Son cercueil a été porté au temple puis de là, vers sa dernière demeure au cimetière.
Erstein : L'école des filles a été transformée en hôpital militaire. En moins de 2 heures, les classes ont été fournies de dons de 40 lits. La filature de laine a également mis à disposition sa résidence pour jeunes filles.
Strasbourg : Alors que les délits et crimes à Strasbourg s'amoncelaient à plus de 40 par jour avant le conflit, ils sont quasiment inexistants depuis le mois d'août. On suppose que l'origine est à chercher du côté des sentences. Maintenant, on tire à balles réelles et sans sommation.
1914 Villa Goguel dévastée au Hohwald (fond Blumer)
Sarrebourg : Les dernières étincelles de sympathie et de respect pour les soldats français ont disparu. Ivres, ils ont vidé toutes les caves de la ville, en passant du restaurant de la gare aux appartements des officiers allemands qui logeaient là, jusqu'à la cave de vin Antoine. Même désolation à Saverne où ils ont brûlé et saccagé des maisons. Des déserteurs ont désigné leur supérieur, Delcaffé, d'être le responsable. Ils ont préféré se rendre, car ils étaient certains d'être mieux traités que dans leurs troupes !
Prisonniers français à Sarrebourg
Samedi 29 août
Matzenheim : 80 blessés ont rempli le collège St-Joseph de Matzenheim transformé en hôpital. Grâce aux efforts des médecins et des infirmières, un bon nombre d'entre eux blessés dans le val de Villé ont été sauvés. Dans la cour et le jardin, où avant, on entendait les cris joyeux des écoliers, résonnent fébrilement, les murmures des convalescents impatients de retourner au service. Parfois un petit écolier du village ose passer un regard entre les barreaux pour pouvoir apercevoir un brin de bonne humeur dans la cour. Outre les dons de 700 Marks offerts par les villageois, il faut ajouter 200 Marks de la commune, sans oublier les fruits et autres produits offerts pour alléger le sort des blessés.
Tombe de la famille PEREYRON à Lyon
Benfeld : Après le décès du lieutenant bavarois, on note celui d'un français dans notre infirmerie. Il s'agit du sergent fourrier au 22ᵉ régiment d'Infanterie Maurice Antoine PÉREYRON, 22 ans, de Lyon, 141, avenue de Saxe, engagé militaire qui avait été grièvement blessé à Villé. Après avoir déjà reçu les derniers sacrements dans le Feldlazarett de Thanvillé, il a été enterré avec les honneurs tout comme le soldat allemand. C'est un lieutenant de la protection des voies ferrées qui a représenté le corps des officiers.
Le père de Maurice était professeur de dessin au lycée de Lyon et reçu les palmes académiques en 1899.
Liste des soldats français décédés à l'hôpital (Lazarett) de Benfeld en 1915
Wasselonne : Après une sortie à Luttich (Liège) dans son dirigeable, un fils de notre ville, le dénommé PFISTER, après un essai glorieux où il a démontré toute sa bravoure, a tout de suite, après l'atterrissage, été nommé sous-officier.
La suite, la semaine prochaine ...
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