Char « Le Tardenois », le 12 septembre 1944 à Vittel, détruit ensuite à Valff
Les conditions atmosphériques sont déplorables. Il a plu toute la nuit. Les routes sont détrempées, presque tous les ponts ont sautés, les abords minés. Le terrain gorgé d'eau interdit toute manoeuvre en dehors des routes. Après une longue nuit d'attente, une nouvelle peur se manifeste chez les habitants. Les prisonniers allemands retenus à la mairie sont relâchés et se replient en direction de Zellwiller.
À 7h00, les éléments de l'escadron, rejoint par le 3ème peloton arrivé de Wangenbourg avec ses trois véhicules, font mouvement sur Obernai avec le Sous-Groupement de BOISSIEU. Dans cette localité, une longue halte est marquée de 10h00 à 15h00. Les sous-groupements de tête ne parviennent pas à déboucher sur leurs objectifs. À 15h00, le Capitaine de BOISSIEU, reçoit l'ordre de rejoindre Valff par un itinéraire détourné et de pousser, à partir du village, une reconnaissance sur Westhouse. Les inondations ayant fortement endommagé la route, Valff n'est atteint qu'à 17h00. L'opération est décommandée et l'Escadron s'installe dans la partie Est de la localité en surveillance dans cette direction.
De son côté, le Sous-Groupement MINJONNET est parti à 7h30 de Duppigheim via Niedernai et Meistratzheim. La progression se fait sans encombre jusqu'à Meistratzheim où le pont détruit sur l'Ehn oblige à faire demi-tour et à passer par Niedernai. La colonne se rabat ensuite sur la route entre Meistratzheim et Valff en passant par des chemins vicinaux. A l'entrée du village, le premier contact avec l'ennemi a eu lieu.
Vers 10h00, quelques soldats allemands armés de mitraillettes font à nouveau irruption dans les rues, traversant, le village à pied. Ils s'arrêtent au dépôt de ramassage de lait au n°134 et demandent de la boisson. Monsieur Paul SAAS, qui assure par intérim la réception du lait, n'hésite pas à leur rendre service en leur offrant du lait. Les soldats semblent épuisés. Ils repartent aussitôt pour emprunter la rue des forgerons en direction de la route de Zellwiller emmenant avec eux trois soldats qui s'étaient cachés à la mairie et qui voulaient se faire prisonnier. Nous avons une grande peur d'être repérés dans la cave de l'école. Nous craignions aussi que les soldats allemands viennent récupérer leur matériel et les munitions entreposés dans une salle de classe, mais heureusement pour nous, ils ignoraient certainement ce dépôt.
Vers 11h00, le premier tir de la 2e Division Blindée endommage la maison de Monsieur Mathieu KORMANN. Les chars SHERMAN remontent la rue principale en mitraillant les façades des maisons. La résistance est légère, elle consiste en quelques fantassins équipés d'armes automatiques. Valff traversé, le peloton CHEYSSON (2/3/12e R.C.A.) qui marche en tête se heurte sur la Kirneck en direction Zellwiller dont le pont a été détruit la veille. Le temps couvert, plafond bas et brouillard ne permettent pas l'intervention de l'aviation d'observation. Le Génie est mis en action pendant que l'artillerie ennemie, stationnée à Zellwiller, neutralise les travaux du pont et le carrefour d'accès. Ce même matin, le Sous-Groupement MOREL-DEVILLE est parti à 7h30 d'Obernai. A Goxwiller, l'axe de progression prévu est encombré par les éléments de la 14e Division Blindée US qui avait, la veille, pris position à Valff. Le Sous-Groupement doit alors se replier sur l'axe du Sous-Groupement MINJONNET. L'avant-garde aux ordres du Lieutenant ODDO comprend le peloton de chars GOURLAN (chars légers M3A3 Stuart, 3e peleton, 1er escadron du 1er R.M.S.M.), le peloton porté TERENZIO (3e peleton du 7e escadron du 1er R.M.S.M.).
A 13h00, elle attaque Bourgheim. L'avant-garde se dirige sur Valff où la liaison avec le Sous-Groupement MINJONNET est effectuée. Pour l'instant, l'avancée française ne s'est pas heurtée à des difficultés particulières. Le Génie répare le pont sous les tirs des snipers.
Vers 14h00, le pont est rétabli et la progression vers Zellwiller se met en marche. La 1ère Compagnie du Génie et un détachement de la 13/16, commandé par l'Adjudant SMADJA franchissent la Kirneck. Deux paires de chemins de roulement sont mis en place. Sans perdre de temps, la Division poursuit en direction de Zellwiller, le duel entre les chars allemands en position à Zellwiller et les chars SHERMAN du 12e R.C.A. se déclenche. Le char SHERMAN, M4A2 n°38 percé entre Valff et Zellwiller est le Tardenois du 12e R.C.A. Son chef est le Maréchal-des-Logis LAUNNOIS, originaire des Ardennes. Son canonnier est René SIMANTOB. Par la suite, les chemins de roulement sont relevés et le pont de la Kirneck est remplacé par une structure en bois. C'est alors que les Allemands commencent avec un sévère bombardement d'artillerie. L'avant-garde du Sous-Groupement MOREL-DEVILLE, stationnant dans le rue Muhlmatt, est touché. L'Aspirant André Gilbert TÉRENZIO sort de son char pour inviter par haut-parleur les soldats allemands, en position de défense sur l'autre rive de la Kirneck, à se faire prisonniers. Malheureusement l'Aspirant TÉRENZIO est tué par un tireur d'élite allemand.
Le Lieutenant de LA SALLE, ainsi que de nombreux Spahis furent blessés. Un autre soldat français, Mohamed BEN DAOUD, sapeur du 13e Bataillon du Génie de la 2e D.B., 2e section - 1ère Compagnie, est mortellement blessé. Venant d'Obernai et roulant sur une moto, il a été touché par un éclat d'obus à la hauteur de la maison n°41. Le lieutenant ODDO décide de replier ses troupes sur Bourgheim où l'attend le chef d'escadron MOREL-DEVILLE avec son groupe. Les Allemands continuent de bombarder Valff, leurs canons sont installés dans le Bruchweg à l'Est de Zellwiller. Deux autres pièces d'artillerie harcèlent les français depuis la maison forestière du Moenkalb. Elles cherchent à atteindre le clocher de Valff. Les Capitaines Jean CRÉPIN et TANON, respectivement commandant de la 2e Brigade et de la Brigade d'état-major du 40e R.A.N.A., règlent depuis le clocher de Valff la 2e batterie sur Zellwiller malgré une mauvaise visibilité. Pendant ce temps, la 1ère Brigade du R.A.N.A., stationnée à Valff, effectue un tir de contrebatterie sur les pièces allemandes du Moenkalb, ainsi qu'un tir de neutralisation sur les lisières à l'ouest de Zellwiller. De son coté, la 2e Batterie fait une préparation d'artillerie sur les lisières nord du village de Zellwiller.
Le Sous-Groupement MINJONNET, venant de Valff, et le peloton ONNÉE, Sous-Groupement MOREL-DEVILLE, venant de Bourgheim par le chemin « Burigmer Stressel » ont libéré Zellwiller vers 16h00. Le soir de la libération de Zellwiller, le P.C. du Groupement RÉMY ainsi que les éléments réservés passent la nuit à Valff. Un communiqué diffusé ce même jour par la « Feldkommandatur » de Sélestat confirme que le village de Valff est « feindbesetzt », libéré.
Retrouvez le journal de libération de Valff, jour après jour :
- Journal de bord du samedi 25 novembre 1944
- Journal de bord du dimanche 26 novembre 1944
- Journal de bord du lundi 27 novembre 1944
- Journal de bord du mardi 28 novembre 1944
- Journal de bord du mercredi 29 novembre 1944
- Journal de bord du jeudi 30 novembre 1944
- Conclusion des articles sur la libération de Valff