Dans les deux premières parties de cette rubrique, nous avons abordé les comptes au XVIIIe siècle des nobles d'Andlau pour le village de Valff. Mais qu'en est-il du clergé ? Les pauvres paysans étaient essorés jusqu'au dernier sou. Etat des lieux.

L’histoire des fabriques paroissiales

Le mot « fabrique » a d'abord signifié le travail de construction d'un édifice. La compréhension du mot fabrica ou fabrique a varié selon les époques. Sous le régime de la loi du 18 germinal an X (art. 76) en France, la fabrique apparaîtra alors comme l'organisme chargé d'administrer tous les biens de chaque église (entretien et conservation des temples), mais également à l'administration des aumônes (dons et legs) qui peuvent advenir à l'église. Les fabriques vécurent alors sous ce régime général jusqu'à la mise en application de la loi du 9 décembre 1905 qui supprimait tous les établissements publics de culte, sauf pour l’Alsace et la Lorraine (allemande à cette époque) et remplaçait les fabriques par des associations cultuelles destinées à assurer l'exercice public du culte et à recueillir les biens de la fabrique.

« La paroisse constituait le premier cadre de vie des anciennes populations ». On entend par paroisse une église dans laquelle le peuple s'assemble les dimanches et fêtes pour y entendre la messe, participer à la célébration de l'office divin et pour y recevoir les instructions concernant les devoirs de chrétien. Sous l'Ancien Régime, l'église est entretenue et ses biens gérés par la fabrique. Avant la Révolution, la fabrique est le centre temporel de l'administration de l'église du village. Le nombre des membres de la fabrique varie de un à quatre et sont appelés les marguilliers.

« Les marguilliers » (Kirchenvorsteher) sont élus par l'Assemblée générale des habitants. Le Heimburger, personnage éminent du village, se place à la porte de l'église à l'issue de la grand-messe ou des vêpres, intercepte les moins rapides à se rendre à la taverne qui n'ouvre qu'à l'issue du saint office, et en présence du curé et ... d'une bonne dizaine d'habitants « constituant la plus saine et grande partie des habitants », les marguilliers vont être élus. L'élection se faisait d'après le principe du suffrage universel. Au XVIIe siècle, on restreint ce droit, dans certaines campagnes, à ceux qui paient un certain minimum de tailles. Élu ou nommé, le marguillier est tenu d'accepter les fonctions. Il est choisi obligatoirement parmi les paroissiens, il doit être laïc, de bonne vie et mœurs, savoir lire et écrire.


Le renouvellement de biens de 1668

Après la guerre de Trente ans et la disparition de nombreux propriétaires, il s'avéra nécessaire de faire le bilan des biens personnels des habitants et possesseurs à Valff. Le bilan est édifiant. On dénombre pas moins de 72 propriétés appartenant à des familles nobles, des instances religieuses ou à des gros propriétaires étrangers au village. Pour mieux comprendre la situation, vivaient à Valff, cette année-là, 76 familles paysannes qui possédaient, en biens propres, une moyenne par famille d'environ 5 acres 1/2 (environ 102 ares). Pour comparer, la famille d'Andlau en possédait 392 et les différentes instances religieuses en possédaient ... 1973 soit 39 460 ares ! Notons que la pauvre commune de Valff pouvait s'enorgueillir, quand même, de 22 acres !

Les comptes de fabrique de l'église St Blaise en 1791

En 1791, les comptes de fabrique sont tenus par Johannes VOEGEL le vieux (Bürger des Gericht und Pfleger der Fabrique des Heiligen Blasius).

La fabrique de l'église consentait des prêts d'argent aux paroissiens. En 1789, sont consignées dans les comptes, 87 familles ayant emprunté des sommes allant de 5 livres (100 euros) à 272 livres (5440 euros), dont elles remboursaient 5 % de la somme à la date anniversaire, plus 15% d'intérêts dissimulés. Les intérêts d'emprunts étaient considérés par l'église de Rome comme de l'usure. Les banques étant inexistantes en campagne, l'église s'était pourtant attribuée ce rôle. Après la Révolution, cette pratique disparaitra peu à peu avec la libéralisation bancaire.

Comptes et biens à Valff de la collégiale St Léonard de Boersch possédait des biens à Valff depuis l'année 1203

Les recettes 

Total général : 1354 florins 3 schillings 8 1/2 pfennigs (27080 euros) :

  • Location de terres et prés à Valff et Bourgheim : 332 florins (6640 euros)
  • 2 ventes aux enchères de l'huile des noix communales : 48 florins (960 euros)
  • 7 prêts consentis à des particuliers : 662 florins (13240 euros)
  • 8 remboursement des prêts : 228 florins 1 schilling 1 pfennig (4560 euros)

Les dépenses

Total des dépenses  : 761 florins 1 schilling 11 pfennigs (15220 euros) :

  • Revenu du curé : 70 florins, 5 schillings (7000 euros)
  • Frais de nettoyage des aubes : 12 florins (240 euros)
  • Bois de chauffage (payé au maître d'école) : 26 florins 4 schillings (520 euros)
  • Cierges : 93 florins, 3 schillings 9 pfennigs (1860 euros)
  • Huile sainte : 24 florins 1 schilling (480 euros)
  • Hosties : 3 florins 5 schillings 6 florins (65 euros)

Détail d'une facture de travaux de serrurerie de 1789 pour « la Faprig St Blaise »

Les comptes étaient annuellement vérifiés par le Commissaire du Directoire en compagnie des représentants municipaux et de fabrique. Par exemple, en 1791, celui-ci rendra pour irrecevable et abusif les frais de collations des membres de ce conseil, lui-même compris, qui s'éleva à 14 florins, soit l'équivalent du prix de plus de 100 litres de vin. Le secrétaire (Johannes VOEGEL) percevait, pour ses services rendus, la somme de 12 florins (240 euros).

Comptes de l'église St Blaise pour l'année 1788

Dépenses des années où Valff est dans le culte protestant

Les dépenses des années où Valff est passé provisoirement dans le culte protestant [en savoir plus : Quand Valff est devenu protestant] sont intéressantes :

  • 1562 : remplacement de la corde de la cloche, l'achat de 2 jeunes noyers, dépenses pour faire gauler les noix
  • 1564 : blanchissage et tissage d'une nappe d'autel, réparation du pont-levis, réparation de la grande cloche, séparation du cœur et de l'église, réparation de la chaire, séparation par une grille entre l'église et le château sur demande d'Alexandre d'Andlau, achat de cire.
  • 1581 : indemnité au pasteur, hostie pour la fête pascale, frais de confection et de mise en place des armoiries des nobles d'Andlau dans l'église, remplacement de la corde du contrepoids de l'horloge (en savoir plus sur cette année : La réforme à Andlau et Valff)
  • 1583 : remplacements de la corde de la cloche de la chapelle Ste Marguerite
  • 1584 : encore réparation du pont-levis, achat de sièges et d'une échelle pour accéder à l'horloge
  • 1600 : dépenses pour l'installation du nouveau prêtre, achat de drapeaux, nettoyage des fonds-baptismaux et des chandeliers, achat d'un livre, confection d'un baldaquin, mise en couleur des crucifix
  • 1602 : confections de fonds-baptismaux, achat de bois pour la réfection de la chaire, réparation du Garnert

Après les comptes des seigneurs d'Andlau, de ceux de la fabrique Saint Blaise, voyons, dans le prochain épisode, les comptes de la commune de Valff. 

Sources :

  • Archives communales
  • Archives départementales du Bas-Rhin
  • « L’histoire des fabriques paroissiales » : textes et documents par l’abbé Yvon MARCOUX

Autres parties :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.