- Écrit par : Rémy VOEGEL
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Un exemple sur l'effondrement moral d'un être humain est vraisemblablement celui du curé de Valff Jean Georges HELLER. Sauver les âmes des morts du purgatoire dans ses prêches mais supprimer celle d'un être vivant, tel est son péché.
Jean Georges HELLER est décapité le 9 décembre 1662. D'abord curé de Haguenau puis de Soultz, il était toujours accompagné de sa fidèle servante Ursula SCHILLINGER, 17 ans, originaire de Nordach près d'Offenbourg. Mais que reproche t-on à cet homme d'église ? Rien de moins qu'un ou plusieurs homicides. Lors de son interrogatoire devant le Tribunal de la chambre impériale à Dachstein, HELLER reconnaît être le père de deux enfants, l'un conçu à Soultz avec Ursula, l'autre à Haguenau vraisemblablement avec une autre femme. On lui reproche également d'avoir eu au moins deux concubines. S'il est assis sur la sellette, c'est d'avoir assassiné l'enfant de Soultz en 1655.
1656, il est nommé curé de Valff (1656-1662). Ursula vit avec lui. C'est à Valff qu'aurai eu lieu le second meurtre. Les juges dans leur réquisitoire le questionnent pour savoir s'il n'aurait pas pu empêcher celui de Valff ? Les preuves et les informations sur les circonstances de la mort de l'enfant de Valff manquent. Ce n'est que lors de l'enquête que les bouches se sont déliées. Lors de son premier interrogatoire, HELLER relate les faits suivants. Il raconte : « J'ai dit à Ursula, après la naissance du petit de lui boucher le nez et la bouche pour le supprimer ! ». Après concertation avec son avocat, il se rétractera, car, explique-t-il : « c'était par peur d'être torturé ». Puis il avoue. « Je reconnais avoir violé Ursula en lui bloquant la bouche pour l'empêcher de crier » puis précise : « Cela a duré le temps de réciter un Notre Père ! ».
Après le viol, il n'aurait jamais remarqué qu'elle était enceinte alors qu'elle se bandait le ventre. A la question si Ursula ne lui en aurait jamais parlé ou même demandé conseil, il rétorque : « Oui peut être ! mais il pensait qu'elle se faisait des idées et que, si des fois que c'était vrai, elle n'avait qu'à faire de l'enfant ce qu'elle voudrait ».
La naissance dans le presbytère de Soultz s'est passé de la façon suivante : Ursula accouche dans sa chambre sans lumière. La mère de HELLER, sage femme, appelée à la barre, soutient que c'est Ursula qui aurait étouffé le nouveau né sur son sein puis l'aurait laissé tomber à terre. Après la naissance son brave fils Jean-George, dans un élan de conscience chrétienne, serait allé chercher une cruche à boire dans sa chambre, aurait versé l'eau sur l'enfant et l'aurait baptisé du prénom Jean Georges. Après s'être absenté quelques instants pour chercher une chemise de laine, Heller aurait découvert l'enfant mort.
Tous ces événements se seraient déroulés dans une totale obscurité, c'est même Ursula qui lui aurait révélé qu'il s'agissait d'un garçon ! Tout ça le temps nécessaire ... « pour réciter un Notre Père » selon HELLER.
HELLER explique que c'est Ursula qui aurait enterré l'enfant dans une cave attenant le presbytère. Le tribunal ordonne des fouilles. On exhumera un petit corps à l'endroit indiqué par 50 cm de profondeur sous un pressoir. Sur ces faits avérés, l'ancien curé de Valff déjà destitué est condamné pour viol, beuverie pendant et après les messes, et pratique de mauvais exemples pour les paroissiens. Il sera condamné au supplice de la roue et battu jusqu'à ce que mort s'en suive ! Mais pourquoi n'interroge-t-on pas Ursula ?
Dans une requête en grâce et dans le doute , le tribunal concèdera le privilège à Jean George HELLER d'être décapité le même jour et enterré à Dachstein. Un des arguments avancé est qu'il a été un homme d'église !
Et Ursula ?
Ursula SCHILLINGER s'était pendue par désespoir bien avant le procès. Lorsque le scandale éclata, la pauvre, seule et terrassée, ne trouva d'autre issue pour échapper à l'inquisition que de se supprimer. Qui sait si Heller ne l'avait terrorisé et culpabilisé en lui relatant les tortures qui l'attendraient si elle parlait. Nous n'avons pas d'informations concernant l'affaire de Valff, mais il fort à penser que l'homicide qui s'est déroulé dans la commune ai fait éclater le scandale. Ce que nous sommes certains c'est qu'il y a eu mort violente d'enfant. Est-ce Ursula qui a dévoilé l'affaire de Dachstein ? Est-ce elle qui a tué son enfant à Valff ? Heller ne fut inculpé que pour l'affaire de Dachstein.
Le supplice de la roue
Utilisé en Europe à partir du XVIème siècle, ce supplice attendait les criminels à partir de 1535 en France. Auparavant, on exécutait sur le bûcher qui, à partir de cette époque était très en vogue pour les hérétiques La roue c'était pour les brigands.
Ce supplice se trouve décrit avec force détails sous la plume de Pierre François MUYART DE VOUGLANS (1713-1791) avocat et criminologue. Il écrit: « On dresse un échafaud sur le milieu duquel est attaché à plat une croix de Saint André faite de deux solives en forme oblique qui se croisent, sur lesquelles il y a des entailles qui répondent au milieu des cuisses, des jambes, du haut et du bas du bras. Le criminel vêtu d'une chemise est étendu sur cette croix, le visage tourné vers le ciel. L'exécuteur ayant relevé sa chemise aux bras et aux cuisses, l'attache avec des cordes à toutes les jointures et lui met la tête sur une pierre. En cet état armé d'une barre de fer carrée, large d'un pouce et demi, arrondie avec un bouton à la poignée, il en donne un coup violent entre chaque ligature, vis à vis de chaque hoche afin de briser les os. Il finit par deux ou trois coups sur l'estomac, puis près l'exécution faite, le corps du criminel est porté sur une petite roue de carrosse dont on a scié le moyeu et qui est placée horizontalement sur un pivot [pour exposer le corps]. »
L'exécuteur après lui avoir plié les cuisses en dessous du corps, de façon que ses talons touchent le derrière de la tête, l'attache à cette roue en le liant aux jantes et le laisse ainsi exposé au public. Le supplicié toujours vivant pouvait ainsi agoniser, os broyés, côtes enfoncées, pendant de longs moments. Un brigand célèbre mort sur la roue est Louis Dominique CARTOUCHE (né en 1693 et mort le 28 novembre 1721) qui a inspiré le film de Philippe DE BROCA avec Jean-Paul BELMONDO.
« Mourir est un instant, vivre est un long supplice »
Bernard Joseph SAURIN (1706-1781)