- Écrit par : André VOEGEL
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La tradition est la transmission, par voie orale ou écrite, de connaissances, de souvenirs, de croyances, de coutumes et de pratiques perpétrées de générations en générations. Les traditions relatives à la religion sont des témoignages différents, mais complémentaires à ceux transmis par les textes sacrés et les écritures saintes. J'ai pensé qu'il serait intéressant de transmettre aux générations futures l'ensemble de ces connaissances, afin de sauvegarder le patrimoine culturel régional. Les témoignages qui suivent ne se veulent pas exhaustifs pour toute la province d'Alsace, chaque village ayant ses propres spécificités, mais ils reflètent assez fidèlement l'ensemble des traditions régionales. Débutons par les fêtes du début d'année ...
L'Epiphanie
L'épiphanie ou Fête des Rois est célébrée le 6 janvier. Elle rappelle la venue à Bethléem des trois mages d'Orient, pour offrir à Jésus nouveau-né des présents sous forme d'or, d'encens et de myrrhe. La Fête des Rois, ou le tirage des rois et des reines, est encore de tradition de nos jours dans les familles et même dans l'administration, où le sous-préfet (accompagné de Madame) invite les élus, les maires de sa circonscription et leurs collaborateurs pour tirer les rois. Autrefois, la galette dorée contenait un haricot qui déterminait le roi ou la reine. De nos jours ce sont des figurines en plastique, en terre cuite et même en métaux précieux qui servent de fève. Au moyen âge, la fête ne se limitait pas seulement à la dégustation d'une galette dorée et le couronnement du roi ou de la reine, mais des drames liturgiques célébraient également le culte des mages (que l'on dit d'origine orientale et non biblique).
La légende veut que les reliques des rois mages, Melchior, Balthazar et Gaspard aient été transférées en 1164 à Cologne, ce qui aurait aidé à propager le culte de l'Epiphanie dans la région rhénane. Dans certains villages comme le nôtre, une charmante coutume se perpétue encore de nos jours. Des gamins et des petites filles du village, déguisés en mages avec accoutrements orientaux et diadème en papier doré sur la tête, forment un petit cortège. Ce cortège est conduit par un jeune, également déguisé, qui porte une étoile et chante l'hymne de la Paix destiné au monde entier :
Shalom, Freedom, Shalom, Freedom, Freude
Honor, Goria, Honor, Gloria, Lode
Freude, Freedom, Shalom, gloire à notre Père
Alléluia, Amen, Paix à tous les hommes
Ces rois, qui sont tout simplement des mendiants, passent de maison en maison pour quêter et souhaiter une bonne et heureuse année. En guise dé remerciements pour les cadeaux reçus, les mages inscrivent sur la porte d'entrée les initiales : C-M-B ainsi que les chiffres de la nouvelle année. C-M-B = Christus + Mansionem + Benedikat. Selon la légende, la maison, le bétail et les habitants seront ainsi protégés pendant une année, contre toutes les calamités. Cette coutume ancestrale serait issue d'une croyance des régions alémaniques, spécifiquement du Vorarlberg.
La Chandeleur
Selon l'évangile, cette fête célébrée le 2 février, a pour objet de commémorer la venue du Seigneur au temple pour y rencontrer son peuple et présenter en offrande, le sacrifice d'un couple de tourterelles ou de petites colombes. Mais c'est aussi et surtout la fête de la purification de la Sainte Vierge. La bénédiction des cierges qui a lieu ce jour, a donné à cette fête son nom symbolique et populaire de « la Chandeleur » Maria Liechtmass en dialecte. Pour les viticulteurs, cette journée annonce la venue imminente du printemps et le début de la taille des vignes. C'est ce qui ressort de la moralité du dicton rimé en alsacien : « Maria Liechtmass, spinne vergass, s'Radel hinter die Deer, s'Rabmasser e feer » (à la chandeleur, oublie le filage, range le rouet derrière la porte et sort le sécateur).
La Fête patronale de Saint Blaise
Evêque de Sébaste en Arménie, Saint Blaise, après avoir été battu par verges et égorgé vif, eut la tête tranchée par le glaive (vers 316). La légende voulait qu'il ait sauvé la vie à un enfant, étouffé par une arête prise dans sa gorge. St Blaise (un des 14 intercesseurs), est le patron du village de Valff et la grande église lui est dédiée. Sa fête célébrée le 3 février, a toujours donné lieu à une grande manifestation religieuse. Avant la guerre le saint patron était vénéré le jour même ; après la guerre, sa fête a été reportée au dimanche suivant. A cette occasion, l'église était toujours trop petite pour contenir tous les fidèles. Le curé desservant invitait une dizaine de confrères, pour concélébrer la messe.
Dans les familles, les invités étaient traditionnellement très nombreux. C'était une des occasions annuelles de se réunir en famille et de festoyer. Les invités qui habitaient les villages voisins venaient le matin à vélo, d'autres arrivaient de plus loin, en train. En souvenir de son intervention miraculeuse, St Blaise est invoqué pour les maux de gorge. Après la grande messe, les fidèles se font généralement bénir le cou entre deux cierges. Au courant de l'après-midi, ils forment un cortège pour se rendre à la chapelle St Blaise située dans les champs et haut lieu de pèlerinage depuis le XVe siècle. La fête patronale est encore célébrée de nos jours, avec faste et solennité.
Le Carnaval / Le Carême
Bien que cela semble absurde, le carnaval est une institution pratiquement religieuse. Carnaval, temps de divertissement, commence en principe à l'Epiphanie et cesse au début du carême, le mercredi des Cendres, qui ouvre la période de 40 jours de grande pénitence publique. Ce nombre de 40 est inspiré par plusieurs faits de l'histoire, qui font de lui un nombre sacré. Il y a les 40 jours de déluge, les 40 années que le peuple de Dieu a passées dans le désert, les 40 jours de prière et de jeûne de Moïse, et surtout les 40 jours que le seigneur est resté dans le désert à prier et à jeûner. En prévision de cette longue période de pénitence, de jeûne et d'abstinence, l'église catholique a permis à son peuple une période de divertissements, avant de rentrer dans le temps du pardon, de la grâce et de la grande retraite pascale. C'est ainsi qu'a pris naissance le carnaval, dans les régions catholiques de la plaine rhénane.
En Allemagne par exemple, les régions protestantes ne sont que très peu touchées par ces folles journées. Les grands centres carnavalesques du monde entier comme Cologne, Mainz, Nice, Rio de Janeiro, Venise, célèbres pour leurs bals, leurs défilés de chars et les déguisements grotesques ou artistiques de leurs participants, sont tous situés en régions catholiques. De nos jours diverses sociétés organisent des bals masqués même pendant le carême, ce qui n'était jamais le cas avant la guerre.
Le mardi gras, les enfants des écoles défilent dans le village, déguisés en personnages célèbres ou grotesques et jettent des confettis sur les passants (à la grande joie des parents et de toute la population). En Allemagne, les grands clubs carnavalesques débutent chaque année leur toute première réunion d'organisation du carnaval, le 11.11. à 11 heures 11 minutes. Les manifestations carnavalesques sont toujours présidées par le conseil des 11. C'est une très ancienne tradition pour tous les clubs d'outre-Rhin, mais j'en ignore totalement les racines.
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