Plus ancienne photo des conscrits à Valff en 1883 !
Suspendue depuis 1997 en France, la conscription a laissé des souvenirs mitigés : triste en période de guerre, souvent heureux en période de paix. Les conscrits de Valff n'ont pas dérogé à la règle.
Ce n'est pas la première fois que l'on évoque les conscrits [à lire : Hoï, Hoï, les conscrits sont là ! ou encore La guerre de Crimée, mangeuse de conscrits] mais cette période de la vie des jeunes adultes a si souvent marquée les esprits.
La conscription ou service militaire obligatoire est la réquisition par un État d'une partie de sa population afin de servir ses forces armées. Elle se distingue en cela d'un enrôlement volontaire. Faisant suite aux armées professionnelles de l'Ancien Régime ou de mercenaires utilisées jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, la conscription moderne a été principalement développée par la Révolution française. La levée en masse de l'an II (22 septembre 1793 au 21 septembre 1794), organisée ensuite par la loi Jourdan aété ensuite abolie par la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814. Au début du XXIe siècle, la plupart des États occidentaux ont mis fin à la conscription. Parmi eux la Norvège, la Suisse, la Finlande et l'Autriche ont conservé ce système, la France l'ayant suspendu en 1997. En Alsace, et surtout dans le Bas-Rhin, la fête des conscrits reste très répandue, comme à Dorlisheim, Oberhaslach, Niederhaslach Schirrhein, Seltz, Rœschwoog ... Cela commence à 17 ans où l'on est pré-conscrit ensuite à 18 ans où l'on devient conscrit et à 19 et 20 ans « après » conscrit.
L'Arbre de Mai
Les conscrits, dans la nuit précédant le 1er mai, plantaient devant la maison des filles de la même classe, un sapin d'une hauteur d'environ 8 mètres. Tous les restaurants du village, ainsi que le maire et les adjoints, avaient droit à l'Arbre de Mai. Celui-ci était muni d'une plaque tricolore avec l'inscription, par exemple, « Vive la classe ... ». Au courant du mois de mai les soirées devenaient festives au moment de l'enlèvement de ces arbres chez les filles qui invitaient la joyeuse troupe pour un repas amical. Les élus et les restaurateurs offraient une collation aux conscrits. Parfois des plaisantins voulaient jouer un tour aux conscrits ; soit en faisant tomber l'arbre, soit en le cachant dans un endroit éloigné. Aux conscrits de le relever ou le retrouver ... Mais finalement tout se passait dans la bonne humeur ! Beaucoup de jeunes enfants se souviennent des distributions de "Bambilotte" , ces bonbons en sucre que lançaient les conscrits derrière leur attelage.
La Conscription
Avec le retour du service militaire obligatoire pour tous, le tirage au sort est remplacé par une visite médicale. Les conscrits se présentaient en « tenue d'Adam » devant le conseil de révision (médecins, Sous-Préfet et maires du canton) à Obernai (D'Musterung). A l'issue du conseil, on leur signifiait leur aptitude ou non d'effectuer le service militaire. Cet événement fut toujours immortalisé par la traditionnelle photo de groupe qui prenait place dans les archives familiales.
Photo de la classe 1930 en 1950. De gauche à droite: Lucien VOEGEL, Antoine MULLER Alfred PETER, Xavier SAAS, Victor VOEGEL, Paul ROSFELDER, Joseph JAKOB
L'uniforme de conscrit était généralement constitué d'une veste claire, d'un pantalon blanc ainsi que d'un chapeau noir orné de rubans multicolores et d'un bouquet de fleurs. Les conscrits déambulaient joyeusement dans les rues du village, accompagnés d'un accordéoniste et d'un batteur de tambour. Pendant quelques jours on chantait, on dansait avec des arrêts obligatoires dans les auberges. Chaque classe avait fait réaliser son drapeau de conscrits tricolore avec un motif choisi par le groupe. Y figurait toujours l'inscription « Vive la classe ... » de Valff. Chaque groupe de conscrits possédait également le bâton de tambour-major que portait celui qui était habitué à le faire pivoter. A la fin de l'année drapeau et bâton était adjugés à un membre de la classe sous condition de bien les conserver. A l'occasion des fêtes nationales et religieuses les drapeaux ornaient les maisons. Ces journées mémorables de conscription, gravées dans nos mémoires, se terminèrent souvent par des extinctions de voix et par des migraines ... En 1966 on note la suppression des conseils de révision dans les chefs-lieux de canton.
Tradition aux mariages
A l'occasion des mariages locaux, il était de coutume que les conscrits de l'année précédaient ou suivaient le cortège nuptial sur le chemin de l'église et au retour vers la maison de la mariée. Ils étaient également présents la veille pour le mariage civil à la mairie. Leur rôle était de tirer avec des mortiers pour annoncer l'événement. Le bruit de ces tirs était souvent mal supporté et exigeait des conscrits une grande prudence pour éviter tout accident. Le mortier, selon sa conception et son chargement, produisait une détonation plus ou moins forte. C'était un cylindre en acier dur (50 x 200 mm environ) avec un fond hémisphérique où l'on broyait avec un pilon un mélange de chlorure de soude et du soufre. Ce mortier était muni d'un câble métallique qui permettait de le cogner avec force contre un mur ou un bloc de pierre pour provoquer la détonation. Pour le service rendu, les conscrits étaient invités par la famille pour le verre de l'amitié et recevaient avant de partir quelques saucisses de Lyon et des pains longs. Le chlorure de souffre faisait aussi crever les plantations...car utilisé comme désherbant !
En chantant et en brandissant ces victuailles, ils traversaient le village et se rendaient, soit chez un aubergiste ou au domicile d'un camarade de classe pour passer une agréable journée. J'ai vécu cette coutume en 1950 avec tous mes camarades de classe. Notre drapeau était confectionné par le peintre Paul SCHONAS de Villé. Le bâton de tambour-major était l'oeuvre du tourneur sur bois Séraphin ROSFELDER de Valff.
Témoignage de Muller Antoine
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