Après avoir déjà plongé dans les articles précédents, quelque peu dans la vie quotidienne et juridique de nos aïeux du XVIIIe siècle, voyons ce qui s'est encore jugé ce 3 juin 1793 au tribunal de Valff et quelles nouvelles informations, nous allons encore pouvoir glaner. 

Auberge de l'arbre vert à Weyersheim

Il est 17 heures à l'auberge Zum Grünen Baum situé à l'angle de la rue des Forgerons et de la rue Principale). L'auberge est gérée par Blaise JORDAN. Le tribunal est constitué du juge de paix du canton de Barr, Jean-Jacob SCHEAFFER et de ses assesseurs : Jean VÖGEL le jeune, Antoine JORDAN, George-Michel ROSFELDER et George WERCK. Apparait le citoyen Philippe WINDHOLTZ d'Eichhoffen. Il porte plainte contre le citoyen François-George WINDHOLTZ d'Itterswiller, qui est nul autre que son frère ! 

Nous n'allons pas nous attarder sur le contenu qui est d'ordre familial et comme souvent, une sombre histoire d'héritage. D'ailleurs, l'accusé récuse même la démarche, en avançant qu'il n'a pas besoin d'un Familien Tribunal (tribunal familial). Il accepte l'offre de conciliation de son frère. Dommage d'avoir attendu cette extrême, il devra maintenant avancer des frais de tribunal !

« Deux hommes qui se battent », 1679, Gallica

Affaire suivante !

Le 30 octobre 1793, dans la deuxième année de la République, ça ne rigole plus ! C'est le Maire de Valff qui sera impliqué et même un rabbin ! Le tribunal s'est regroupé dans la maison du juge de paix du canton à Barr, Joseph BLÄSS. C'est Blaise NACHBRAND de Valff qui ouvre les hostilités. Il se plaint à Barach WEIL de Valff, qui se trouve être avocat et représenter de sa belle-fille, Jessel LEVI.

Les faits. NACHBRAND prétend avoir livré à la fille Jessel LEVI, trois Sester de caisses de fruits d'une valeur de 30 Schilling qu'elle n'aurait jamais payé. Il prétend que c'est le fils de cette dernière qui a réceptionné la marchandise chez lui. En contrepartie, elle, affirme que son fils n'est jamais allé récupérer quoi que ce soit ! Elle conclut que le vendeur devrait produire, si tel avait été le cas, une quittance de payement signée devant témoins.

NACHBRAND reconnait n'avoir aucune quittance, mais deux témoins en la personne de son beau-père et de son beau-frère. L'avocat Barach WEIL rejette les deux témoins, car ils sont de sa famille et donc partiaux.

Comment le tribunal va-t-il juger ce litige, parole contre parole ? Il va faire preuve d'une sagesse comparable à celle d'un jugement de Salomon !

La décision du tribunal. Le juge : « Vu que le tribunal n'a pas la possibilité de juger en toute bonne conscience, il ordonne que le fils de Jessel LEVI du nom de Gosche WEIL, jure devant Dieu entre les mains d'un rabbin qu'il n'a pas réceptionné les fameuses caisses de fruits ». ! Imparable ! Une convocation future est actée dans la foulée. Seront convoqués, un rabbin et le jeune homme pour le matin du 5 novembre à huit heures !

Convocation remise à la famille Weil Lévi par le Bott Joseph WEBER de Valff

Le Bott Joseph WEBER remplissait également la charge de greffier municipal. Curieux de connaitre le dénouement de l'affaire ? Nous aussi ! Malheureusement, le jugement du 5 novembre est manquant ! 😵😪 C'est une frustration absolue ! Finalement, un arrangement de dernière minute aurait-il miraculeusement eu lieu ? Pas impossible, les jugements divins sont si inscrutables !

Affaire suivante !

Cette fois, on change de braquet ! Le rapport commence par ces mots : « Au nom du peuple français ! ». On passe également au calendrier révolutionnaire : « Le 16 frimaire dans la deuxième année de l'une et indivisible République ». On retrouve la même composition avec Georg WERCK et Jean VOGEL de Valff. Apparait Salomé STIFT, veuve de Nicolas SACKEL de Niedernai, contra Frommel LEVI de Valff. 

L'accusatrice informe le tribunal qu'elle a remise une vache à Frommel dans le but qu'il la vende à l'abattoir et que le bénéfice soit partagé. Or, Frommel a retenu de la moitié à elle, 24 Gulden qu'il refuse de lui donner. Le marchand avance que son feu mari lui devait encore honorer une dette concédée en 1772 ! La dette plus les intérêts, 6 Gulden. Cette soi-disant dette ne la regarde pas ! affirme-t-elle avec véhémence. 

Le jugement : Effectivement, vu, les dettes font partie de la communauté, vu les quittances et contrats, vu que la reconnaissance de dette de 1772 est signée par Nicolas, mais que cet arrangement n'a rien à voir avec la dette, le tribunal décide que Frommel LEVI doit payer le restant, soit la somme de 18 Gulden à la demanderesse et 1 Gulden 11 Schilling au tribunal.

Affaire suivante !

Dans l'affaire suivante, c'est un représentant de l'hôpital d'Andlau qui est le demandeur. Qu'a-t-il a réclamer ?  Suivons, avec intérêt, la séance du 22 pluviôse de l'An 2. Jean Friedrich WIEDENMANN est le représentant légal du gestionnaire Jean VIMON de l'hôpital d'Andlau. Il présente aux héritiers de François Joseph LUTZ de Valff une facture d'intérêts de 100 Gulden pour des frais de soin à l'hôpital de la période du 21 octobre 1787 à 1793, d'un total de 300 Gulden. La famille a été convoquée pour 8 heures, mais à 11 heures, toujours personne ! 

Le juge BLASS décide donc que l'affaire soit renvoyée vers le tribunal de Sélestat. La somme de 1 Gulden et 5 Schilling de frais de tribunal leur sera ajoutée !

Affaire suivante !

22 prairial. Encore un litige avec un hôpital qui se juge, dans « Meiner Bahrer Stube » (ma chambre de séjour à Barr) du juge Joseph BLASS. Se présente, le citoyen Rudolph Louis HOLTZAPFEL secrétaire des hôpitaux de Strasbourg. Il plaide contre les citoyens Jean Jacob RIETCH et Jean MAULER le jeune, tous deux de Gertwiller, locataires de biens de l'hôpital sise à Gertwiller et à Valff. Les deux concernés sont censés livrer à l'hôpital, chaque année, du blé et du froment. Pour justifier ses droits, il présente un acte datant de 1651. 

Les exploitants avancent que cet acte est, d'après les nouvelles lois révolutionnaires en vigueur, caduque ! Le juge se qualifiant d'incompétent dans cette affaire leur conseille de se tourner vers le tribunal de Sélestat. Révolution, révolution, quand tu nous tiens ... et ... nous arrange !

Tribunal de Sélestat

Sources :

  • Archives départementales du Bas-Rhin
  • Gallica

Autres épisodes :

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.