Ingénieur en mécanique, designer, industriel constructeur automobile, pilote d'essai d'usine franco-italien, et héritier de Bugatti fondé par son père Ettore BUGATTI, en 1909, Gianoberto BUGATTI, dit Jean, décèdera accidentellement le 11 août 1939.

La disparition de Jean BUGATTI

11 août 1939. C’est sur une portion de la ligne droite reliant Duppigheim à Entzheim (fréquemment utilisée par la firme Bugatti pour ses essais de voitures de course, en raison de sa proximité), que Jean BUGATTI, le fils d’Ettore BUGATTI, trouvera la mort dans un accident de la route. « Monsieur Jean », comme on l’appelait, essayait alors la fameuse Bugatti 57G à compresseur, surnommée « le Tank ». Voici comment se produisit ce terrible accident, faits rapportés par « La Vie automobile » de l’époque : « Dans le GP de la Baule qui se dispute le 3 septembre prochain, une Bugatti était engagée, celle-là même qui fut victorieuse aux dernières 24 Heures du Mans avec Jean-Pierre WIMILLE. Celui-ci devait la piloter dans l’épreuve. Or, la voiture avait été révisée à l’usine, et pour les premiers essais, après quelques modifications, Jean BUGATTI la conduisait, parce qu’il s’était imposé cette loi de ne remettre une voiture au pilote de course qu’après s’être assuré, par lui-même, que tout était en ordre. C’est là le rôle louable d’un chef. On ne pouvait songer à essayer la voiture de jour, à cause du trafic toujours intense. Par contre, la nuit et compte tenu que chaque essai ne dure que quelques minutes, on pouvait, avec un service de garde aux deux extrémités de la section empruntée, assurer la route libre au pilote. Ces précautions, toujours observées, n’avaient jamais donné lieu à la moindre surprise. Le vendredi soir 11 août, la voiture accomplit ainsi deux premiers essais ; une surprise tragique se révéla au troisième. Jean BUGATTI aperçut soudain devant lui, alors qu’il roulait à 225 km/h, un cycliste, vraisemblablement parvenu à la route par quelques chemins de terre ou sentier et qui avait ainsi échappé au contrôle des deux postes de surveillance et d’alerte. D’autre part, ce cycliste, qui voyait venir vers lui une voiture avec phares allumés, fut sans doute surpris par sa vitesse même et ne se rangea pas assez rapidement. Pour l’éviter, Jean BUGATTI fit une embardée, mais l’étroitesse de la route ne lui permit pas de se rétablir et ce fut l’accident, abominable ! »?

Il percuta un arbre de plein fouet. Transporté vers l’hôpital de Strasbourg dans un état désespéré, il décédera pendant le transport. Un monument sera érigé quelques centaines de mètres en amont du lieu de l’accident, à la mémoire de Jean BUGATTI. Cet accident sera un peu le chant du cygne pour la « Scuderia » BUGATTI. Le désespoir d’Ettore, qui perd avec Jean, non seulement un fils chéri, mais aussi un successeur qualifié, est immense. Après les grèves de 1936, Ettore, qui avait pris l'affaire pour une affaire personnelle, délégua la direction de l'usine à son fils. Le hasard voulu que ce fut un vendredi que débuteraient les 15 jours de congés payés et la fermeture de l'usine. La Seconde Guerre mondiale éclatera quelques semaines plus tard, et l’usine, réquisitionnée par les Allemands pendant l’occupation, produira du matériel militaire. Après-guerre, elle sera confisquée par les autorités françaises, qui ne la rendront au « Patron » que le 11 juin 1947, quelques semaines seulement avant sa mort, le 23 août.

Édition des Strasburger Neueste Nachrichten du 13 août 1939

Au fur et à mesure des éditions, de nouveaux détails sont révélés dans les journaux locaux. « Jean BUGATTI, 30 ans, était en compagnie du mécanicien Robert AUMAITRE et de son jeune frère Roland BUGATTI, 17 ans, et avait réalisé un premier passage sans problème avec la voiture avec laquelle Jean VIMILLE venait de gagner les 24 heures du Mans. La voiture devait participer au grand prix de la Baule. Entre 22 et 23 heures, Jean décida d'effectuer, seul, un dernier passage pour profiter du trafic raréfié. Roland et Aumaître assurèrent de bloquer les deux extrémités de la route. La suite, on la connait : le cycliste, METZ Joseph, 19 ans, de Mulhouse Dornach en stage de radiotélégraphiste à l'aéroport d'Entzheim et séjournant à Duppigheim, a été percuté par la voiture lancée à plus de 200 km/h. Bugatti a d'abord frôlé un arbre à gauche puis s'est encastré sur un autre à 100 mètres à droite de la route. Jean BUGATTI est éjecté à une quinzaine de mètres dans un champ et le réservoir prend feu. Le véhicule est coupé en deux, le moteur et la carrosserie projetés à plusieurs mètres sur la route et dans les champs de blés. Le cycliste a les deux bras fracassés, mais survivra. Un automobiliste de passage lui fera un garrot pour arrêter l'hémorragie d'une veine sectionnée et l'emmènera dans sa voiture à l'hôpital (le journal précise que la bicyclette est détruite, on s'en doute un peu !) ). Il se serait suicidé trois ans plus-tard (à vérifier). Le garagiste JOOS de la station d'essence d'Enzheim proche, le mécanicien ainsi que Roland, ayant entendu le choc violent, accoururent. Jean ne donna plus que quelques légers signes de vie. Il décèdera en route vers l'hôpital. On constata une grande plaie ouverte sur le côté gauche de sa mâchoire et de multiples fractures. L'enquête ne pu déterminer si le vélo était éclairé. Des membres du personnel de l'usine, pourtant partis en congés payés de 15 jours, sont revenus spontanément pour nettoyer les lieux. Le journal, qui est généralement lu par la population ouvrière, salue leur dévouement ».

Ettore BUGATTI, alors établi à Paris, séjournant à Bruxelles, en Belgique, rentra immédiatement en Alsace. Il semblerait qu'il prospectait pour délocaliser l'usine en proie à ses graves difficultés financières. Déjà en 1913, il avait dû faire paraitre dans les médias un démenti de délocalisation. La possible compagne de Jean, relayé par les journaux « People », la belle chanteuse mexicaine « aux cheveux de jais », Reva REYES, réchappera, quatre mois plus-tard après la disparition de Jean, à un accident en compagnie de sa mère, survenu près de Reims. Elle s'en sort avec une double fracture à la jambe, le bras cassé et quelques côtes enfoncées.

On se rappellera que Jean BUGATTI avait établi le record de vitesse sur rail entre Strasbourg et Paris à la vitesse de 195 km/h de moyenne. Un service funèbre fut organisé à Paris.  Jean BUGATTI fut inhumé dans le cimetière de Dorlisheim près de Molsheim. Y reposent également : Etorre, Barbara, son épouse, Ebé, leur fille, Carlo, le père d'Etorre, Térésa, la mère, Rembrandt, le frère d'Etorre et Deanice, la sœur d'Etorre.

La marque continuera d’exister quelques années encore, dirigée par l’ancien pilote Pierre MARCO, et par le second fils d’Ettore, mais ils n’auront pas cette touche de génie de leurs prédécesseurs. Bugatti tentera de renouer avec la victoire en course, mais n'atteindra plus la gloire passée. La marque construira des voitures de série jusqu’en 1963 où l’usine, encore une fois en difficultés financières, est cédée au groupe Hispano-Suiza. L'aventure se termine.

Quand Hispano-Suiza disparaît également du paysage automobile français, l’usine se reconvertira dans l’aéronautique et prendra le nom de Messier-Bugatti. On y construit encore maintenant des pièces très spécialisées pour avions et hélicoptères. Certaines pièces d’une autre légende, le Concorde, y ont été produites. L’événement de ce début de siècle est le récent rachat du site de Molsheim par le groupe Volkswagen et ... la légende continue.

À la mémoire de Jean BUGATTI (1909-1939)

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.