Le 1er juin 1908, le journal « Strasburger Post » révéla dans ses colonnes locales ce lundi matin, la nouvelle d'une découverte macabre dans la forêt de Valff. De qui s'agissait-il ? Qui est le coupable ? Révélations.
L'affaire
« Valff, 30 mai
Le garde-chasse local MULLER découvre dans un fossé près de la forêt un cadavre avec les pieds croisés, vêtu uniquement d'une veste bleue et d'un tricot. Les bras du défunt sont également croisés. Le décédé porte une marque bleue qui partait de la pomme d'Adam se poursuit vers l'arrière droit du cou. Ses lèvres sont en sang et gonflées. Sur ordre du tribunal de district, le corps est déposé dans la salle de la mairie. D'après le médecin cantonal, la marque est la conséquence d'une strangulation. Le quidam âgé d'une trentaine d'années a vraisemblablement été jeté là, il y a deux jours, dans ce fossé rempli d'eau. Le meurtrier est introuvable tout comme le reste de ses habits. Les coupables sont à chercher parmi les nombreux tziganes qui rôdent dans la région ces derniers temps, conclu le journal ».
Le 21 juillet 1908
Le Maire enregistre dans son registre d'État Civil de décès, la déclaration du tribunal de Saverne du 13 juillet, que le cadavre d'un inconnu, âgé de 30 à 35 ans, a été découvert dans le ban de Valff. Il mesure 1,65 mètre et était vêtu d'une chemise grise de chasseur et d'une veste noire. La mort est estimée à quatre jours avant la découverte.
On peut noter que les informations affinées du Maire contredisent légèrement les premières révélations concernant l'habillement avancé par le journal. L'inconnu de la forêt de Valff sera enterré dans le cimetière communal.
Le journal « Der Elsässer » était plus rapide. Déjà le 30 mai, il relatait l'évènement. L'article donne plus de détails : la découverte a eu lieu l'après-midi. On reparle de la veste bleue et du tricot, le reste du corps était nu. On suppose que le malheureux aurait été agressé sur la route entre Valff et Westhouse, puis traîné dans la forêt. La supposition d'un meurtre commis par les tziganes est aussi avancée.
Les habitants de la région sont exaspérés. À Obernai, puis à Goxwiller, ces derniers jours, on a fait la choquante découverte de cimetières dévastés, de tombes renversées, de fleurs éparpillées, de vases brisés. Ce n'est pas le journal la « Strassburger Neueste Nachricht » qui va calmer le jeu. Alors qu'il ne relève pas encore l'incident de Valff, il publie le 30 mai un article sur l'histoire et l'origine des tziganes et commence son exposé par ces mots : « Les paysans se plaignent depuis plus de cinq siècles des tziganes ».
Le courrier de Metz
Il faudra attendre le 1er juin pour apprendre dans l'édition du lundi que le meurtre a eu lieu à l'endroit appelé « Unterhalb den Zwetchen ». La découverte aurait eu lieu entre 16 et 17 heures. Le journal confirme les éléments d'habillements détaillés par le Maire BIECHER. On apprend également que le décédé a des cheveux blonds et une moustache blonde. Le journal évoque que l'homme avait déjà, quelques jours auparavant, été aperçu dans le village en train de mendier. Les habitants le décrivent comme un fou échappé d'un quelconque asile. Le journal relate, par contre, qu'aucune trace, qui aurait pu supposer à une mort violente, n'a été relevée et que l'on peut en conclure que la cause du décès est dû, des suites d'épuisement et de malnutrition ! Cela change considérablement la conclusion de la cause du décès par rapport aux autres journaux précités. On ne parle plus des tziganes !
Les coupables tout désignés faisaient parties de la minorité de nomades, épiés et considérés d'un mauvais œil. Justifiée ou non, la méfiance à leur sujet avait même décidé le Maire BIECHER de Valff a édité un arrêté municipal le 8 décembre 1902 : « Les tziganes, les réparateurs de parapluie, vanniers, musiciens, colporteurs, etc, qui sillonnent et errent dans la région à la façon des tziganes ont l'interdiction d'établir leur campement et de stationner leurs roulottes dans les rues, places et terres de la commune de Valff. Tout contrevenant sera puni ».
Cette histoire montre clairement comment les médias aussi, peuvent, avec des suppositions gratuites ou ciblées… mais fausses, diriger l'opinion du lecteur. Dans cette histoire, les coupables devaient être forcément les tziganes… et certains n'en démordront pas !
À méditer !