Pendant la pandémie de Covid-19, les médias nous rappellaient de temps en temps la fameuse grippe espagnole qui a sévit durant les années 1918 et 1919. Estimation actuelle : les comptes des chercheurs les plus optimistes se chiffrent à 20 millions de victimes décédées dans le monde et les plus pessimistes à 100 millions. J'ai recherché en vain des articles dans les journaux locaux alsaciens relatant les faits. Incroyable ! Tous les regards étaient tournés vers cette terrible Première Guerre Mondiale. Pas une ligne, ni même après ou vraiment très peu.
Pour éclairer la situation sur cette époque troublée voici des extraits d'un lanceur d'alerte de l'époque : Paul HUBAULT, pharmacien, dans Hygia, revue mensuelle d'hygiène de l'édition du 15 novembre 1918 sous le titre : « Les mensonges officiels » : « Vous êtes couchés, courbaturés et toussant. Vous demandez le médecin. C'est bien simple, il ne vient pas ! Surmené, il arrive au bout de quatre ou cinq jours, quelques fois dix jours ! Si vous n'êtes pas bâtis à chaux et à sable, vous aurez eu dix fois le temps d'aller faire la connaissance avec vos aïeuls, dans le royaume des ombres. C'est une hypothèse, le médecin vient et il rédige son ordonnance. Mais ! Pas de quinine, pas d'aspirine, pas de benzoate de soude (1), pas de farine de lin (2), ni de la rare farine de moutarde (3) qui est d'ailleurs au prix de 7 francs le kilo. En résumé, les médicaments les plus nécessaires font totalement défauts chez les droguistes, empêchés dès lors d'approvisionner les pharmaciens. Après avoir battu les Boches, CLEMENCEAU risque une impopularité terrible car naturellement le peuple fera remonter jusqu'à lui les maux dont il pourra se trouver affligé. Les ravages seraient durs à supporter alors que notre situation militaire a été comblée de gloire et d'avantages ... ».
Il termine par cette conclusion pragmatique : « Les documents sont là, inexorables et ... la grippe continue ! ».
Lettre de Marie Josèphe de l'arrière du front à son mari, le soldat Jacques (décembre 1918). Elle écrit : « La grippe fait plus de ravages que quatre ans de guerre »
Les temps ont bien changé heureusement. Les gouvernements tentent aujourd'hui de rassurer sans occulter et prennent des décisions courageuses. Au même moment, des hommes et des femmes avenants se démènent pour soulager et soigner les malades. Merci à eux, cet article leur est dédié !
Source : Gallica, bibliothèque en ligne
(1) : le benzoate de sodium était considéré par les médecins du début du XXe siècle comme un diurétique
(2) : les farines de lin sont connus pour leur utilisation en cataplasme contre les inflammations, les douleurs bronchiques, etc
(3) : les farines de moutarde en cataplasme ou en tisane étaient utilisées pour soulager les affections respiratoires