Vous vous êtes sûrement tous posés la question de l'origine de votre nom de famille. Début de réponses basé sur les travaux de Jean TOSTI, spécialiste de l'étude des noms de famille.

On admet généralement que les noms de famille datent du XIIe siècle, même si les choses gagneraient à être nuancées. Autrement dit, à partir de cette époque, chaque habitant de chaque village se retrouve avec un nom (que l'on appellera ensuite prénom) et un surnom (qui deviendra le nom de famille). Parmi ces prénoms, on trouve de nombreux noms d'origine germanique, qui s'étaient développés avec les grandes invasions et étaient ensuite devenus très à la mode. Il suffit de songer que Charles, Gérard, Guillaume, Louis ou Thierry sont tous des noms de personne d'origine germanique.

Je pense que personne ne m'en voudra si je dis qu'il n'y a guère de différences entre les noms alsaciens et les noms allemands, et qu'une éventuelle frontière liée à l'onomastique est bien difficile à tracer ... Dans les deux cas, les noms sont les mêmes à quelques variantes graphiques près, et le type de formation est identique : alors que dans d'autres régions on a surtout fait usage de noms de personnes (ou prénoms), de noms de lieux (phénomène caractéristique du Sud-Ouest et notamment du Pays Basque), ici ce sont les noms de métiers qui tiennent le haut du pavé. Les quatre noms les plus portés en Alsace ces cent dernières années sont dans l'ordre MEYER, MULLER, SCHMIDT et SCHNEIDER. En Allemagne, le quatuor de tête est identique, à l'exception de l'ordre : MULLER, SCHMIDT, MEYER et SCHNEIDER !

La plus ancienne et première page écrite des registres paroissiaux des baptêmes de Valff (1680)

Des noms de métiers omniprésents

Le nom MULLER (MÜLLER, MUELLER) désigne le meunier, un métier aussi indispensable dans un village que celui de forgeron, représenté ici par les SCHMITT ou SCHMIDT, la présence de ces noms en tête de liste n'ayant rien pour surprendre. Quant aux SCHNEIDER, ce sont des tailleurs d'habits, le nom étant souvent porté par des juifs askhénazes (yiddish shnayder). L'une des particularités de l'Alsace est en effet d'avoir toujours abrité une importante communauté juive, phénomène qui explique sans doute en grande partie la place du nom MEYER au premier rang des patronymes alsaciens.

Normalement MEYER est une variante de l'allemand MAIER, MEIER (autre forme : MAYER), qui peut avoir plusieurs significations : outre celle de fermier ou métayer, communément admise pour les noms de famille, autant de sens qui sont valables pour bon nombre de porteurs du nom. Mais pour les juifs il faut envisager une autre solution : la germanisation du mot hébreu me'îr (= lumineux, celui qui éclaire), titre donné notamment aux docteurs du Talmud. N'allons pas pour autant tomber dans des interprétations excessives : si de nombreux MEYER sont d'origine juive, c'est loin d'être le cas pour tous les porteurs du nom.

Autres métiers très bien placés au hit-parade, ceux de pêcheur (FISCHER), tisserand (WEBER), charpentier (ZIMMERMANN), charron (WAGNER), tonnelier (KIEFFER, variante : KÜFER). Plus délicat à interpréter, le nom KELLER a en allemand le sens de cave, cellier. On pense qu'il a dû désigner un économe, un intendant. Le paysan, le cultivateur est représenté par les noms BAUER et BAUMANN, KORNMANN (homme des grains), BECKER (boulanger) et HOFFBECK (boulanger d'une cour domaniale).

ROSFELDER désigne celui qui est originaire de Rossfeld, nom d'une commune du Bas-Rhin, également porté par plusieurs localités allemandes (Roßfeld, Roßfelde). Signification : le champ de Ross, nom de personne germanique, plutôt que le champ du cheval, explication parfois rencontrée. Porté en Allemagne, en Alsace-Lorraine mais aussi en Grande-Bretagne, c'est un nom de personne d'origine germanique, Hrotzo, formé sur la racine hrod (= gloire). L'activité agricole étant sans doute présente aussi dans le patronyme HUBER (HUEBER), celui qui exploitait une « hube » (mesure de superficie et par extension parcelle de terre). Toujours en liaison avec la terre, les HOFFMANN étaient des fermiers et les LEHMANN des vassaux, qui tenaient leur propriété d'un suzerain. Enfin, les METZGER sont des bouchers, les BECK ou BECKER des boulangers, les KOCH des cuisiniers, les KAUFFMANN des marchands et les SCHAEFFER des bergers. BURGSTAHLER vient de Burg (château) et STALLHERR (responsable de l'entretien des écuries) ou palefrenier d'un château.

Photo de classe de l'école primaire de Valff

Les noms de personnes

Ils sont bien entendu très nombreux eux aussi, le plus répandu étant en Alsace : WALTER, équivalent de Gautier (nom germanique Waldhari : waldan = gouverner + hari = armée). Il arrive en huitième position, précédant de peu l'inévitable Martin. Le nom FRITSCH ou FREYDER équivalent alsacien de l'allemand FRITZ, est un hypocoristique du prénom Friedrich (= Frédéric), la langue allemande étant friande de formes courtes pour les prénoms les plus usuels. De la même façon, HEITZ (également HEINZ ou HEINTZ) est un raccourci de HEINRICH (= Henri), LUTZ correspond à Ludwig (= Louis) et GOETZ à Gottfried (= Geoffroy, Godefroy). KLAUSS (Nicolas). LORENTZ ou LOREZ est une variante du nom de baptême Laurent, portée en Allemagne et en Alsace-Lorraine. A noter que LORENZ se rencontre aussi en Béarn.

Autres noms de personnes fréquents en Alsace

ANDRES, variante du nom de baptême André (latin Andreas, du grec andros = homme) portée dans diverses régions de France (Alsace-Lorraine notamment), en Allemagne, ainsi qu'en Espagne sous la forme ANDRÉS.

MARTZ est fréquent en Allemagne et en Alsace-Lorraine, c'est une variante de MARKS, qui correspond au nom de baptême Marc. OTT est un nom porté en Alsace. C'est l'équivalent du prénom allemand Otto, nom de personne formé sur la racine od = richesse. JOST est aussi fréquent en Alsace, c'est la forme germanique de l'ancien prénom Josse, nom de baptême issu du latin Judocus, popularisé par un saint breton : Saint Josse, fils du roi breton JUDICAEL, contemporain de DAGOBERT, refusa le trône et se retira dans un monastère, vécut en ermite et accomplit de nombreux miracles, tout cela en Picardie, ce qui explique que le saint soit à la fois vénéré en Bretagne et dans le Nord. BENTZ, diminutif d'un prénom allemand sur lequel les avis sont partagés : il peut s'agir de Berthold, Bernhard ou Benedikt (Benoît), variante : BENZ, dérivé : BENTZMANN. LOEW ou LOEWER(T) vient du vieil allemand « lewe, lebe, löuwe » qui était l'assistant du bourreau.

Registre des comtes d'Andlau de 1686 : inventaire des recettes et loyers dûs par les habitants de Valff

Les surnoms qualificatifs les plus répandus

Pas de trop grandes surprises avec les surnoms, les plus fréquents étant liés à la taille ou à la couleur des cheveux. Les KLEIN sont en principe des hommes tout petits, contrairement aux LANG et aux GROSS, qui impressionnent par leur taille ou par leur carrure. Les WEISS ont les cheveux blancs, les SCHWARTZ sont très bruns, au même titre que les BRAUN, et les ROTH sont des rouquins. Plus surprenants les très nombreux FUCHS (allemand Fuchs = renard), surnom donné sans doute à un homme rusé, éventuellement à un rouquin.

Mais l'animal le plus représenté dans les surnoms alsaciens est le loup, avec le nom de famille WOLFF. En fait, il s'agit plus fréquemment d'un nom de personne que d'un surnom, et il a été souvent porté par des juifs, qui avaient utilisé un certain nombre de noms d'animaux évoqués dans le testament de JACOB, où il est écrit notamment : « Benjamin est un loup rapace, le matin il dévore une proie, jusqu'au soir il partage le butin » (Genèse, 49:27). Et donc WOLFF est devenu chez les Askhénazes l'équivalent du prénom Benjamin. De la même manière, les noms HIRSCH, HIRTZ, HERZ et HERTZ viennent de cerf et renvoient au prénom biblique Nephtali : « Nephtali est une biche rapide, qui donne de beaux faons » (49:21). Mais, répétons-le, ces interprétations ne sont valables que pour les familles d'origine juive.

Couverture du registre de 1808 demandant à tous les juifs de Valff de choisir pour eux un nom de famille

Parmi les autres surnoms répandus, notons le combattant (KEMPF), l'homme libre (FREY), et les sobriquets toujours difficiles à interpréter que sont KOENIG (KÖNIG) et KAISER, qui signifient respectivement roi et empereur. Pour les autres noms :

  • BURGSTAHLER vient de Burg (château) et STALLHERR (responsable de l'entretien des écuries).
  • BOUR est un nom que l'on rencontre surtout dans la Moselle. Peut-être celui qui est originaire de Bour, commune du Luxembourg. Mais il doit plutôt s'agir d'une variante de l'allemand BAUER (= paysan), proche du flamand BOER (prononcé et écrit parfois BOUR).
  • DECKER est fréquent aussi bien dans l'Est que dans le Nord, de l'Allemagne à la Belgique et aux Pays-Bas, correspond au métier de couvreur, éventuellement charpentier. Formes flamandes : DECKERS, De DECKER.
  • DIEHL est porté notamment dans les Ardennes (variante : DIELS), le nom se rencontre aussi en Alsace, où la forme DIEHL est plus fréquente. C'est une contraction de DIETEL, DIETL, lui même hypocoristique de DIETRICH (= Thierry). Le nom existe aussi dans le Sud-Ouest, variante : DIELH.
  • ECKERT ou ECKAR(DT) peut être interprété par celui qui habite au coin ou de « akka -hart » dur, sévère.
  • FRINDEL vient vraisemblablement de frien (affranchi) homme libre et affranchi.
  • GOETTELMANN vient du mot göttel (baptême, marraine) le mari de la marraine. BAEREL vient de l'allemand ancien Bar ou Bär signifiant Fils.
  • HARTMANN est fréquent en Alsace-Lorraine (variantes : HARTHMANN ou HARTMAN) et signifie mot à mot « homme dur » (hart = dur, fort + man = homme), soit comme surnom, soit plutôt comme nom de personne (équivalent d'Armand).
  • HERMANS est un nom porté en Belgique. C'est à l'origine un nom de personne germanique, HARIMAN (hari = armée + man = homme). On trouve en Allemagne et en Alsace-Lorraine le nom similaire HERMANN (également HERRMANN).
  • KLEIBER vient du nom de l'oiseau commun la Sittelle Torchepot d'Europe que l'on appelle KLEIBER en allemand.
  • PFLEGER est porté notamment dans le Bas-Rhin, le nom peut désigner un tuteur (sens actuel du mot allemand « PFLEGER »), mais il a eu aussi celui d'intendant ou de surveillant.
  • SAAS vient probablement du vieil allemand « saze » qui signifie résident, nouveau venu. Les SAAS sont courant dans l'Est et le Nord de la France. Une autre explication est un homme originaire de Saaz dans les sudètes.
  • SCHULTZ est fréquent en Alsace-Lorraine (variantes : SCHULTZE, SCHULZ ou SCHULZE), correspond à l'allemand Schulze (= maire d'un village, sans doute autrefois l'équivalent du bailli français). On trouve, avec le même sens, les noms SCHULTEIS, SCHULTEISS, SCHULTESS, SCHULTEISS ou SCHULTESS.
  • VOGEL est fréquent en Alsace-Lorraine, correspond au nom commun allemand VOGEL (= oiseau). C'est un surnom donné soit par métaphore (léger, étourdi, chanteur comme un oiseau), soit par méthionime (= oiseleur). Variantes : VOEGEL, VOEGELE, VOGELE et VOGELS. Diminutif : VOEGELI, VOEGELIN, VOGELI ou VOGELIN utilisé en Suisse ou pour les femmes (féminin latin).

Registre des décès 1685 de Valff. Signature de Michael KORNMANN "M K" et une croix pour la signature de Jean SAAS

Les noms d'origine géographique

Même s'ils ne sont pas en tête du hit-parade, ils constituent une énorme partie des répertoires alsacien et allemand. Il y a d'abord ceux qui renvoient à des pays : les SCHWEITZER viennent de Suisse, et les SCHOTT, SCHOTTE d'Ecosse (mais SCHOTT peut aussi être un toponyme avec le sens de lieu caillouteux). Les SAAS sont vraisemblablement originaires du village alpin suisse de Saas, vallée de Saastal. Mais il y a surtout, seuls ou en composition, des noms tels que BACH (cours d'eau, ruisseau), BAUM (arbre), BERG (sommet, montagne), BURG, BORG (forteresse), HAUS, HAUSS (maison), HOLTZ, HOLTZ (bois), ROHR (roseau), STEIN (pierre, rocher), que l'on retrouve dans d'innombrables noms de villes, de villages ou de lieux-dits.

ESCHBACH désigne celui qui est originaire d'Eschbach, nom de deux communes alsaciennes (67, 68). Sens du toponyme : le cours d'eau (Bach) près duquel pousse le frêne (Esche). Dérivé : ESCHBACHER. JORDAN est un nom de baptême à double titre, puisqu'il désigne au départ le Jourdain (hébreu Yarden, racine y.r.d = descendre), le fleuve où Jean-Baptiste aurait baptisé le Christ. Ce nom fut adopté par les premiers Chrétiens dès le IIe siècles. RIEGLER est un homme originaire de Riegel (Allemagne ou Suisse).

Si votre nom est alsacien, se compose de plusieurs syllabes et se termine par -er, il y a de fortes chances pour qu'il désigne l'habitant d'une ville ou d'un village. On a d'ailleurs coutume de dire que, pour connaître la signification d'un nom alsacien ou allemand, il faut d'abord prendre un dictionnaire allemand-français, afin de découvrir les noms de métiers et les surnoms, puis un bon atlas afin de repérer les toponymes. C'est évidemment un peu simpliste, mais ça marche souvent !

Aux noms de famille il faut ajouter les Hofname qui permettaient de distinguer les personnes de même nom et parfois de même prénom, vu que les fils pouvaient avoir le même prénom que le père. On parlait alors de untel le jeune et untel le vieux. Le chapitre à la page 367 du livre De Valva à Valff (Hofnamen) donne un bon aperçu des appellations dénominative anciennes.

Liste des noms des habitants qui ont payé la redevance dîmière à l'abbaye d'Andlau en 1704

Les prénoms anciens

L'apparition de certains prénoms fluctue selon la mode et les époques. Voici un petit aperçu des prénoms usuels dans les registres d'états civils de Valff au XIXe siècle.

  • A : Amand, Adelhaide, Anastasia, Ambroise, Anastase, Angela, Albertina, Aloïse, Amandina, Arbogaste
  • B : Barbe, Bibiane, Besel, Basina, Barach, Beilé, Benny, Berthilla 
  • C : Chrétien, Casimir, Camil, Camille, Créscence, Célestin, Celine, Coelestus, Caspar, Chleophé, Charitas, Cidoine, Crépinien, Charlotta, Corlélie, Clémentia
  • D : Dorothéa, Dina
  • E : Ernestine, Emilia, Engelburg, Eugénia, Elias, Esther
  • F : Felix, Fidèle, Félicité, Félicitas, Fradel, Fromet, Frigide, Firmina, Florentina
  • G : Getsch
  • H : Herman, Hilaire, Hedwige
  • I : Isidore, Irma, Ignace, Ignatius
  • J : Joséphina, Jonas, Jadoe
  • K : Kunégonde, Kilian, Kréscentz, Kamilius
  • L : Léonard, Léo, Ludan
  • M : Mathildis, Mathilda, MEYER, Maximilien, Materne, Munch, Mélania, Max, Métharde, Médard, Minelta
  • N : Nathan, Nanette
  • O : -
  • P : Philippina, Pétrouille, Paulin, Palmire, Pontien, Pétronelle
  • Q : - 
  • R : Reine, Rufine, Rosalie, Rosine, Robertina, Rachelle, Régina
  • S : Séraphine, Stéphania, Sylvestre, Secunde, Salomé, Scholastique, Selma, Silvinus, Simphorian, Sigismon
  • T : Thiébaut, Théodore
  • U : Ursule, Urban, Urbain, Ursula
  • V : Victoire, Valeria, Vichorina
  • W : Wilhelmina, Wendelin, Walburger
  • X : Xaverus
  • Y : -
  • Z : Zerlé

« Rien de plus commun que le nom d'un ami, mais rien de plus rare que lui »

Proverbe français

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.