Sur l'aire de repos au lieu-dit de « Dachsbach » entre le rond-point de Valff / Goxwiller et Niedernai sur la D1422, route qui longe la voie rapide, est érigé une stèle de souvenir. Vous êtes-vous déjà demandé quelle est son histoire, et dans quelles circonstances elle a été posée ? Située à la bordure du ban de Valff, nous avons trouvé intéressant de lever le voile pour vous.

Sur la stèle est gravé cette épitaphe : O Crux Ave Spes Unic (Oh ! Croix. Tu es le seul espoir). Henri LUTZ, 13.9.1944. Victime civile de la guerre.

Les recherches

Après une requête infructueuse auprès de la mairie de Niedernai, c'est un généalogiste, proche de la famille LUTZ qui nous a fait avancer dans notre enquête. Le nom de Henri LUTZ figure dans la liste des victimes civiles de la deuxième guerre, référencé aux archives militaires.

L'acte de décès ne se trouve pas dans les registres de décès de Niedernai, c'est à Obernai qu'il fallait chercher. Qu'apprenons-nous sur Henri LUTZ ?

Henri LUTZ

Henri est né à Niedernai le 29 juillet 1898, fils de Joseph et de Thérèse WAECHTER. Il habitait au n°85 de la rue des Païens. Henri Alphonse était marié à Marie-Anne EHRHART. À son décès, il avait 46 ans. Que lui est-il arrivé ?

Nous disposons d'une série de documents permettant de lever le voile sur les circonstances de sa mort. Henri est répertorié au Ministère des Anciens Combattants et Pensionnés, à titre civil, parmi les victimes dont la famille a pu bénéficier de la pension des « Mort pour la France ».

Les circonstances

Les documents ci-contre, nous renseignent "alors qu'il travaillait aux champs, il a été atteint par un tir O.E. d'un avion à la cuisse" (Obus Explosif). Il fut transféré à l'hôpital d'Obernai et amputé de la jambe droite avec ligature de la fémorale, mais succomba des suites de ses blessures et la grande perte de sang, le 13 septembre à trois heures du matin. La famille du défunt nous a transmis la précision suivante : « Comme le temps allait se gâter, Henri avait encore décidé, dans la soirée, d'achever quelques travaux aux champs. Son assiduité lui coutera la vie ! ». Quel est le taux de probabilité d'être pile sous une bombe en plein champ ? Il n'est pas mentionné, dans les relevés, de bombardement à Niedernai, ce jour-là. Il s'agit donc d'un largage isolé !

La stèle, qui se trouvait à l'origine plus près du village, a été déplacée ultérieurement vers son emplacement actuel. 

Quelle pourrait être l'identité de l'avion ?

D'après les sources, l'obus aurait pu être largué par un bombardier allié qui se serait allégé en poids. Déjà en juillet, un bombardier anglais Lancaster s'était écrasé près du lieu dit « Sägemühlmattel » au Mont Ste-Odile [en savoir plus].

Essayons d'affiner. La veille, le 12 septembre, le bombardier anglais Lancaster du Squadron 90 N°PB193 codé WP-N a été touché par la Flag allemande au retour d'une mission dans la région de Francfort. Il s'écrasera à Vitry-lès-Nogent en Haute-Marne. Son plan de vol de retour peut théoriquement passer au-dessus de Niedernai.

Quelques précisions : l'avion a subi des avaries à l'un de ses moteurs et n'avait plus de carburant quand il s'est écrasé. Les témoins de l'époque ont raconté qu'il aurait tourné longuement pour trouver un endroit propice pour un atterrissage d'urgence. Il s'est abimé dans la nuit du 12 septembre. Tout l'équipage a péri.

Informations complémentaires sur le contexte et les membres de l'équipage : https://aircrewremembered.com/law-derek.html

Henri LUTZ, lui, est décédé au matin du 13. L'heure du drame n'étant pas indiqué, on peut supposer qu'il a été blessé le soir du 12. Il faut prendre en compte le temps de le découvrir, d'appeler les secours, de le déplacer et de l'admettre à l'hôpital et l'opérer. Pendant ce temps, l'avion avait atteint la Haute-Marne, soit environ 220 km à vol d'oiseau (une heure et demie de vol). Le 12 septembre, les forces alliées en progression par le sud n'étaient encore qu'à Dijon. Vitry-lès-Nogent ne sera libéré que le 14 septembre 1944.

Passant, toi qui t'arrêtes libre à l'aire de repos de Niedernai, souviens-toi !

Remerciements à la famille LUTZ dont le petit-fils habite à Valff pour leur aimable collaboration ainsi qu'à Tcharrie de Généanet pour le partage des documents.

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.