Dimanche 14 octobre 1928. Charles FRITSCH, 32 ans, maçon d'Obernai, prononce, dans un dernier soupir, les mots de désespoir à l'encontre de son épouse : « Je me meurs, j'ai été poignardé ! » Que s'est-il passé ? Récit d'une tragédie.
Le messti de Zellwiller que l'on appelle aussi « Kilbe » est l'attraction à ne pas manquer. C'est une des dernières fêtes champêtres de la région. Les villageois ont invité connaissances et familles. Jeunes et moins jeunes s'y rendent pour se divertir, se retrouver et passer du bon temps. Les rues sont animées de cortèges musicaux et folkloriques, quelques stands bricolés attirent les badauds et les points de rafraîchissements pour les assoiffés sont prisés. Quelques restaurants organisent des bals, on s'amuse ! Mais la belle fête villageoise de cette année 1928 va être gâchée par un tragique fait-divers.
Messti d'Oberseebach 1936 (Fond Blumer, archives de Strasbourg)
La journée était fraîche, mais ensoleillée. À 19 heures, un petit groupe d'hommes et de femmes se réunissent encore pour clôturer cette journée joyeuse et bavardent sur la petite place devant la mairie. Alors que le groupe est sur le point de se séparer, se rajoutent les deux frères SCHOTT Aloïse et André, travailleurs d'usine, et Auguste LOUIS, 23 ans, ouvrier à la construction de la nouvelle voie de tramway à Meistratzheim. Tous les trois habitent à Meistratzheim. Ils viennent de sortir du restaurant « Zum Goldenen Löwen » en face de la mairie, où ils se sont désaltérés, chacun, avec deux « Seidel ».
Les frères SCHOTT connaissent bien FRITSCH et le saluent. « Bonsoir bisamme ! ». Lorsque FRITSCH pense entendre la remarque déplaisante « Du Dolle », il se jette sur un des frères et assène à Aloïse un coup de poing sur l'œil droit. Le témoignage des autres assistants et la remarque d'Aloïse « Si j'étais aussi débile que toi, je te rendrais la pareille » fait reconnaitre à FRITSCH que le pauvre SCHOTT n'y est pour rien. FRITSCH s'excuse et s'adressant à Aloïse reconnait : « J'ai mal agi ! Tu es un bon bougre ! ». Tout semble rentrer dans l'ordre et les deux se serrent la main, quand, tout d'un coup, Auguste LOUIS se jette sur Fritsch avec un couteau. La lame s'enfonce profondément dans la poitrine. Charles FRITSCH, dans un dernier soupir, en fixant sa femme et son frère, prononce les dernières paroles citées plus haut et expire. Transporté dans la maison de leur famille proche, le médecin appelé en urgence ne peut que constater le décès. La lame a perforé le cœur et s'est enfoncée de 12 cm dans la poitrine.
Dans la confusion, Auguste LOUIS réussi à disparaitre sur son vélo et pédale en direction de Valff. Commence alors une chasse à l'homme effrénée.
Le maire de Zellwiller contacte immédiatement la gendarmerie d'Obernai. Sur place, le chef de brigade HALLER contacte le capitaine de gendarmerie FIDERER de Sélestat. Toutes les routes sont quadrillées. Les investigations établissent que LOUIS a d'abord traversé Valff pour chercher refuge puis s'est rendu à Krautergersheim pour finalement se retrouver à Benfeld. Entre-temps, les gendarmes se sont rendus et planqués dans sa chambre à Meistratzheim. Vers 1 heure du matin, les militaires entendent un bruit. Ils se jettent sur Louis qui expliquera qu'il projetait de se changer, et récupérer son argent et ses habits. Dans ses explications, il avance avoir agi en légitime défense et sous l'influence de l'alcool. Ces allégations seront réfutées. L'homme qui venait d'être libéré de ses obligations militaires comme artilleur au Maroc est emmené le lendemain à Zellwiller pour une reconstitution en présence des juges du tribunal de Saverne. Son regard ténébreux et retors choquera les témoins. Il est enfermé à la prison de Saverne en vue de son jugement.
Charles FRITSCH laisse derrière lui une veuve et deux enfants.
Zellwiller en 1907 (Archives de Strasbourg)
Pour plus d'informations concernant l'origine de la fête des Messti : http://histoiredevalff.fr/habitants/vie-d-autrefois/254-le-messti-d-autrefois?highlight=WyJtZXNzdGkiXQ==
Sources :
- Gallica
- Fond BLUMER, archives de Strasbourg