Alors que le Titanic est de nouveau passé récemment à la une des médias, nous posons cette question : Quel est le lien entre le naufrage du Titanic en 1912 et le village de Valff ? Car il y en a un. Un peu de patience, nous allons tout vous révéler à la fin de cette série d'articles à la lueur des journaux alsaciens d'époque qui ont relaté cette tragédie bouleversante. En 1912, les lecteurs des journaux : Strasburger Neueste Nachrichten, Des Elsässer ou Strasburger Post ont dévoré les nouvelles dévoilées au compte-goutte. Revue de presse.

Le dimanche 14 avril, à 23h41, le transatlantique Titanic heurte un iceberg. L'histoire est bien connue. Mais pour changer, mettons-nous à la place des lecteurs alsaciens qui découvrent l'évènement. Entre fausses nouvelles, informations et anecdotes, les rumeurs vont bon train et alimentent les conversations. 

Nous allons vous faire découvrir les informations vraies ou fausses chronologiquement selon leur date de publication.

Ouest-Eclair du 16 avril

Les journaux alsaciens

15 avril

Le Strasburger Post est le premier journal local qui informe déjà le lundi 15, dans son édition du soir, que la veille, dimanche donc, le Titanic aurait émis des signaux de détresse après une collision avec un iceberg. Les navires Virginie et Olympic se seraient déroutés pour porter secours. Une demi-heure plus tard, le navire aurait commencé à sombrer. Les passagers (peu nombreux) ont tous pu se réfugier dans les canots. 

Les bureaux de la White Star à New-York

16 avril

Le journal Der Elsässer (édition du matin) évoque maintenant le chiffre de 1525 victimes. Sur les 2200 passagers, la White Star, propriétaire du navire, aurait communiqué que 665 ont été sauvées, essentiellement des femmes et des enfants. Puis tombent les premiers scoops : le Titanic, le plus grand paquebot de l'époque, lors de son départ mercredi de Southampton, avait tellement de puissance que le tirant de ses hélices a brisé 7 ancres d'amarrages du petit navire à vapeur « Reivhork » qui aurait été attiré dangereusement vers le transatlantique. Ce n'est que grâce aux remorqueurs que la catastrophe a pu être évitée (En réalité, le bateau à vapeur s'appelait le City of New-York, et c'est l'ordre donné par le capitaine SMITH du Titanic de faire marche arrière toute, qui sauva le navire de la catastrophe). Le journal parle du coût de construction exorbitant, et énumère quelques noms de navires venus à son secours. Il révèle aussi quelques noms de personnalités présentes sur le navire. 

Le Strasburger Neueste Nachrichten aborde également le nombre des victimes, 1500 à la louche. A 5h15 du matin est tombée la nouvelle télégraphique au bureau de Berlin qui a relayé l'information au journal. Les nouvelles sont transmises par câble télégraphiques de New-York au journal The Post de Londres, puis passent par Berlin et atterrissent à Strasbourg. Le journal relate l'anecdote du ... « Newport » cette fois-ci, bâteau cité plus haut qui a failli entrer en collision avec le transatlantique le 10 avril, au départ de Southampton. On retrouve à peu près les mêmes informations que dans l'Elsässer. On apprend par contre qu'il a sombré à 2h20, que certains passagers ont été sauvés par le navire « Cartaghtan » (en fait Le Carpathia) qui n'aurait retrouvé que des canots de sauvetages et des débris.

Le Strasburger Post titre : « Sensationnachricht » le 16 avril. Le journal rapporte les paroles choquantes du Kaiser, qui aurait confié à une personnalité italienne à Venise, que s'il avait une population aussi patriotique que les Italiens, il envahirait la moitié de l'Europe. On rappelle que les italiens sont en guerre avec les turcs ! L'histoire du Titanic passe encore au second rang.

Dans son édition du matin, le journal reprend les télégrammes qui se succèdent maintenant et sont reproduits à la suite : en premier, les personnalités à bord, puis les circonstances. Le Titanic flotterait encore en direction d'Halifax, le bureau Reuter de New-York confirme que tous les passagers sont sauvés et qu'ils sont transportés vers Halifax. 

Édition du soir. L'affaire est maintenant prise au sérieux. Sur les 2200 passagers, seuls 675 auraient finalement pu être sauvées. Les nouvelles s'enchaînent. Les premières accusations mettent en cause la folie des concepteurs de construire des navires de plus en plus gigantesque et pouvoir assouvir leur vantardise de posséder le plus grand paquebot ! 

17 avril 

L'édition du matin de l'Elsässer publie en première page :

Tous les journaux locaux reprennent maintenant la nouvelle à la une avec moultes détails. On aborde déjà la question des assurances. On publie les noms de femmes de millionnaires qui sont sauvées, comme par exemple, la Comtesse de Rhotes. On estime la valeur engloutie emportée par les passagers millionnaires à cent millions de livres. On se pose déjà la question de la profondeur de l'océan à cet endroit : on avance la distance de 2 miles marins (soit 3700 mètres, le Titanic a été retrouvé à 2821 mètres.) Le capitaine Smith et son équipage se seraient comportés d'une manière exemplaire. Pour SMITH, cette traversée devait être son dernier voyage avant une retraite bien méritée.

Le capitaine SMITH

La White Star, propriétaire du paquebot, anticipe les accusations et certifie que le nombre de canots disponibles pouvait accueillir le double du nombre de passagers. Elle avance l'hypothèse que le navire aurait entraîné avec lui, en sombrant, une grande quantité de canots. Des journaux indépendants dévoilent que les places disponibles dans les canots se limitaient au tiers des personnes à bord. Sur le Titanic, le télégraphiste PHILIPPS de chez Marconi aurait émis jusqu'au dernier moment jusqu'à ce que les femmes et les enfants avaient fini de prendre place dans les canots. Après cela, toute communication a été coupée. 

Le navire Carpathia n'a pu recueillir de naufragés qu'après de nombreuses heures et après avoir lui-même évité des icebergs. Il télégraphie que les canots sont éparpillés sur la mer dans le froid et le vent glacial.

Mercredi déjà, le paquebot français Niagara avait heurté un iceberg à l'heure du repas. Les passagers à bord ont été jetés à terre, la vaisselle a été fracturée. Le capitaine a télégraphié qu'il pourrait, néanmoins, rejoindre par ses propres moyens, New-York. 

On perd tout espoir de retrouver des survivants dans l'eau, on les retrouverait de toute façon, morts gelés. Le Kaiser et le Kronprinz ont transmis à la White Star leurs sincères condoléances. A Londres, le parlement a lu un communiqué de la White Star et les parlementaires ont compati avec la douleur des familles. La White Star communique, entre-autres à l'état allemand, la liste des disparus du Reich. Les compagnies maritimes optent de rejoindre les États-Unis par la route sud. 

Les premiers témoignages poignants

Après les premières nouvelles, les journaux locaux communiques à leurs lecteurs encore sous le choc, de révélations de plus en plus émouvantes. Alors que les navires qui ont recueilli les survivants ne sont pas encore arrivés à port, on recueille déjà les premiers témoignages.

Le Strasburger Post publie l'histoire de ce jeune ingénieur américain de 19 ans, D.W. MARVIN, qui avait entrepris son voyage de noces avec sa jeune épouse de 18 ans pour trois semaines en Angleterre. Au programme : visite de théâtres et des restaurants dans la capitale anglaise. Le voyage devait se clôturer avec l'expérience inoubliable de retour sur le Titanic. La jeune épouse est sauve, son jeune époux repose maintenant au fond de l'océan.

Daniel Warner MARVIN et son épouse Mary GRAHAM CARMICHAEL FARQUHARSON  a pris place dans un canot à moitié vide alors qu'on a refusé à Daniel de l'accompagner

Le journal Strasburger Post déplore aussi le sort des membres de l'équipage qui, pour la plupart, sont originaires de Southampton et dont il semble il n'y avoir aucun survivant. On parle également de l'abnégation de ces millionnaires qui auraient laissé leur place dans les barques « aux femmes et aux enfants ». 

Il poursuit que quelques journaux à sensation ont publié des scoops non avérés comme cette information que le télégraphiste PHILIPPS aurait envoyé à ses parents le télégramme suivant : « Nous naviguons tranquillement vers Halifax, le navire est presque indemne, ne vous faites pas de soucis ». Il s'avérera que ce télégramme avait été envoyé de Londres par leur autre fils pour rassurer les parents. Après l'amarrage du Carpathia, on découvrira que beaucoup de rescapés sont dans un état sérieux. 250 sont gravement blessés suite aux gelures ou sont malades nerveusement. Une collecte a recueilli 20 000 dollars.

Quelques rescapés après leur arrivée à New-York

Les nouvelles s'enchaînent

Toujours le Strasburger Post, informe que le télégraphiste en second BRIDE a témoigné devant la commission d'enquête, rapidemment mise en place, que 10 min avant que le navire n'ait sombré, son collègue PHILIPPS avait envoyé un dernier SOS, toujours sans réponses. Un dernier canot vide était encore à bord et a coulé avec le paquebot. Les passagers courraient dans tous les sens pour trouver des gilets de sauvetage. Lorsqu'il s'est jeté à l'eau avant que le navire coule totalement, il a vu le capitaine SMITH se jeter également dans les flots du haut de la passerelle de commandement. Lui-même a pu rejoindre à la nage un canot après avoir été rejeté au loin sous l'effet du remous du navire qui sombrait. Il s'est accroché au bord d'un canot rempli d'une quarantaine d'hommes. Tout comme lui, une douzaine d'autres naufragés se sont cramponnés au canot. Peu de ces hommes ont pu être hissés à bord.

Harold Sydney BRIDE

George « Jack » PHILIPPS

Le navire Mac Ran Benett qui s'est rendu sur les lieux du naufrage informe qu'il a recueilli de nombreux cadavres qui flottaient sur la surface. Tous les navires circulent avec leur drapeau en berne.  

Les contradictions

Toujours relayées par les journaux locaux, les rumeurs se multiplient. Certains affirment qu'avant de sombrer, le capitaine SMITH se serait suicidé, d'autre, qu'il est resté sur la passerelle de commandement jusqu'au moment où il a coulé. Le colonel John ASTOR, l'homme le plus riche à bord, se serait comporté avec grandeur en organisant le remplissage des canots, d'autres allèguent par contre, qu'il n'a cessé de courir sans but de droite à gauche. Ceux qui veulent croire à la discipline exemplaire du personnel s'opposent aux détracteurs qui révèlent quelques scènes de révolte et de violence.

Le colonel John Jacob ASTOR a été vu en train de libérer les chiens du chenil avant le naufrage puis il a fumé une dernière cigarette sur le pont en compagnie de l'écrivain Jacques FUTRELLE. Auparavant, il avait encore aidé son épouse à monter dans une embarcation. Il meurt ainsi que son valet Victor ROBINS. Sa dépouille sera repêchée dans l'amas de débris flottants.

L'enquête

Les journalistes commencent à enquêter sur les responsables  et les responsabilités. Premiers constats, le navire naviguait bien trop vite. Le capitaine avait-il reçu les messages de présence d'icebergs ? Durant les deux heures qui se sont écoulées entre le choc et le naufrage, il semble qu'un précieux temps d'inactivité ait été perdu. Des canots de sauvetages ont été mis à la mer alors qu'ils n'étaient que partiellement remplis et accompagnés par aucun membre compétent alors que d'autres étaient pleins de stewards et de serveurs. Par contre, le fait que l'évacuation se soit déroulée de nuit plaide pour des circonstances atténuantes.

On aborde à nouveau le nombre insuffisant de canot. Il fallait gagner de la place pour assurer le confort des passagers. De toute façon, le Titanic était considéré, insubmersible. La White star avance la certitude que si un navire est percuté par le côté, une quantité non négligeable de barques serait de toute façon inutilisable. Les jounalistes concluent que les intérêts financiers ont poussé à délaisser la partie sécurité par une construction la plus rapide possible. Le Titanic avait déjà appareillé que l'on s'afferait encore à terminer des travaux à bord. Le second télégraphiste de la société Marconi, BRIDE, accuse certains navires comme le Frankfurt de ne pas avoir répondu à son appel au secours. La compagnie allemande Blond du navire Frankfort réfute cette accusation.

La salle de radio du Titanic avec, de dos, le télégraphiste BRIDE

Le navire Carpathia, qui se trouvait au plus près du Titanic, est aussi accusé d'être resté silencieux. Plus tard, on apprendra que le directeur de la société Marconi, GAMMIS, dont la société avait équipé les navires de télégraphes, aurait promis au télégraphiste du Carpathia une grande récompense, s'il lui réservait les informations en exclusivité. GAMMIS aurait eu l'intention de revendre à prix d'or, les information au New-York Journal. L'inventeur MARCONI, affirme, quant-à-lui, ne pas avoir été mis au courant de cet arrangement.

Les lecteurs de l'époque ont du attendre avec impatience les nouvelles révélations. Les lecteurs d'aujourd'hui devront, eux, pour connaitre la suite, se rapporter au deuxième volet de cette série consacrée à l'histoire du naufrage du Titanic. Un peu de patience... 😢🙂

Sources :

  • Archives en ligne
  • Gallica

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.