Un journal satirique en alsacien dans lequel on parle de Valff ? Eh oui ! Notre commune est populaire, enfin l'était en 1936. C'est l'histoire d'un boucher au nez fin et long comme les lattes d'un hangar. Curieux ? Suivez-moi !
Il était une fois ...
« Der Metzjermeichter Speckchwart isch dumm, rich und awerglaiwich gsinn ». Pardon, je traduis. Le boucher Couennedeporc était bête, riche et superstitieux. Il a hérité de ces trois attributs, surtout de la richesse et n'a donc aucun mérite. Il parcourt la région toute les semaines pour acheter des veaux. A Valff, il est connu pour son nez en forme de latte de hangar (Latteschierenaz). Un jour, il décide de partager ses certitudes dans le Wirtzhüss de Valff. Pendant qu'il est occupé à épater ses copains piliers de bar avec des préceptes douteux, Couennedeporc laisse devant la porte, son veau dans le Karrele qu'il a attelé à son vélocipède. La discussion tourne autour de l'histoire de la forêt hantée de Valff.
C'est surtout le Mr Naz qui anime la discussion. Couennedelard est sceptique : « Des isch Bledsinn ! » (c'est des conneries) dit le boucher. Naz quitte discrètement l'auberge. Il prend son vélo et se rend en direction de la forêt proche. A l'entrée des bois, il enlève une chaussure et la dépose sur la route. Il remonte sur son vélo et dépose à environ un kilomètre de là, sa deuxième chaussure. Embusqué dans un taillis, il attend Couennedeporc. Le boucher ne voyant plus Mr Naz décide de rentrer chez lui. Il doit passer par la forêt.
Il aperçoit la première chaussure et se dit : « Une bonne chaussure ! mais qu'est-ce que je peux bien faire avec une seule chaussure ... » et poursuit son chemin. Mais alors qu'il arrive à la deuxième chaussure, il descend de son vélo, attache son Karrele à un arbre et retourne à pied chercher la première chaussure. C'est ce qu'attendait Naz ! Il sort de son buisson, met le veau sur son épaule, monte sur son vélo et pédale comme un dératé à la maison ! Couennedelard revient enfin et est baff de ne plus trouver son veau. Il courre à travers forêt comme un lièvre, appelle, siffle et appâte, mais rien n'y fait. Nix esch nix ! Il se dit : « Cette satanée bête a dû sauter de la carriole ou alors ... ne serait-ce pas la sorcière de la forêt qui me l'aurait chourrée ? Mais non ! c'est n'importe quoi ! »
Sans son veau, impossible de rentrer à la maison ! Demi-tour direction la Wirtschaft. Naz est déjà attablé et écoute sans mot rabacher les lamentations de Couennedelard. Il sort de l'auberge, récupère sa chaussure que Couennedelard a laissé dans la charrette et la met au pied. Pendant ce temps Couennedelard marchande avec l'aubergiste pour lui acheter un autre veau. Naz retourne dans la forêt de VALFF à l'endroit même où il avait laissé sa deuxième chaussure et se cache encore une fois dans son buisson. Couennedelard passe par là, lorsqu'il entend le meuglement d'un veau : Meueeeh, Meueeeeh !
« C'est mon veau ! » se dit-il. « Je vais l'attraper ! ». Ce qu'il ne sait pas, c'est que c'est Naz qui meugle à tout va. Alors que le boucher est profondément enfoncé dans la forêt, Naz retourne à la charrette, soulève le veau, le pose sur ses épaules et retourne dans sa maison. Couennedelard tourne à travers la forêt, tourne et retourne jusqu'à la tombée de la nuit. Finalement il atteint sa charrette où il ne retrouve ni chaussures, ni veau. Il croit maintenant dur comme fer à cette maudite histoire de forêt hantée. Il jure et prie. Trop honteux, il n'en parlera jamais à personne. Même avec le Naz, il n'abordera pas le sujet. Le Couennedelard sera trop heureux d'avoir son bon copain qui lui fera même un bon prix pour 2 veaux qu'il lui vendra. Ah ! Ce Naz ! Comme c'est bon d'avoir de vrais amis !
Quel est donc ce journal ? Dr Franc-tireur est un journal satirique bi-mensuel en langue alsacienne édité à Strasbourg. Sa parution débute en 1930 et s'arrête en 1935. Il est fort à penser que l'auteur de l'histoire humoristique citée plus-haut est, soit originaire, soit un citoyen de Valff ou de la région. Pourquoi avoir choisi une satire qui se déroulerait dans notre village ? Toute ressemblance avec des personnages et des évènements réels ne serait que pure ficti ... enfin réalité ? Des personnages ayant existé ? Purée s'ils se reconnaissent !
C'est le caricaturiste et satiriste Mulhousien Henri ZISLIN (1875-1958) qui en est à l'origine de la création du magazine. Le journal sera plus-tard, le précurseur d'autres bulletins clandestins en France occupée qui reprendront le même titre du Franc-tireur.
ZISLIN à droite, gare de l'Est en 1922
En-tête du n°1 distribué sous le coude en Alsace sous l'occupation allemande
Extrait du Franc-tireur clandestin
Source : Gallica