Le bombardement de Strasbourg

Depuis deux ans, le trône d'Espagne est vacant, la révolution espagnole de 1868 ayant détrôné la reine Isabelle. Successivement, plusieurs candidatures étaient avancées, mais finalement écartées. En dernier lieu, le Maréchal PRIM offrit la couronne d'Espagne au prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, membre éloigné de la famille du roi de Prusse. Paris apprit la nouvelle le 2 juillet 1870 et considéra qu'un tel dessein serait un outrage à la France ; qu'elle ne souffrirait jamais qu'un prince allemand soit placé sur le trône de Charles QUINT et puisse mettre en péril l'intérêt et l'honneur de l'empire français. La hantise de l'encerclement prussien enfiévra les esprits.

La dépêche d'Ems

Paris exige du roi de Prusse l'engagement que les Hohenzollern-Sigmaringen renoncent pour toujours au trône d'Espagne. L'ambassadeur BENDETTI, chargé par Paris d'exiger cet engagement, tente de joindre le roi de Prusse, parti aux eaux à Ems. Le roi de Prusse Guillaume considère cette démarche comme impertinente et fait répondre au diplomate français que pour lui l'incident est clos. Guillaume met au courant son chancelier VON BISMARK de l'insistance de Paris, laissant au chancelier le soin de publier un communiqué aux ambassades et aux journaux. BISMARK fait du télégramme reçu de Guillaume un condensé qui dénature le texte original. C'est la fameuse « dépêche d'Ems ».

Le roi Guillaume de Prusse à Bad Ems le 13 juillet 1870

Le 12 juillet, sur les conseils même du roi de Prusse Guillaume, le prince Léopold de Hohenzollern avait renoncé à l'offre qui lui avait été faite. Paris estime être provoqué par cette dépêche dénaturée et se déchaîne. A l'insolence de la Prusse, il n'y a qu'une réponse, la guerre ! La diplomatie s'est tue, la poudre parle maintenant. Il appartient désormais aux soldats de l'Empereur Napoléon III de sauvegarder les intérêts et l'honneur de la patrie. Le Maréchal LEBOEUF, ministre de la défense, déclare le 19 juillet. « Il ne manque à nos soldats pas un seul bouton de guêtre ». Depuis aujourd'hui, mardi 19 juillet 1870, la France est en guerre contre la Prusse et ses alliés. Depuis le 17 juillet, et en prévision des évènements inéluctables, les Badois ont coupé le pont routier sur bateaux qui reliait Strasbourg à Kehl. L'été 1870 était très chaud et il sévissait une sècheresse en Alsace. A la déclaration de la guerre une moisson d'une qualité exceptionnelle était devant la porte. Le recrutement des réservistes tombait au milieu de la moisson d'orge. Le lundi matin du 4 août 1870, la canon tonne dans le secteur de Wissembourg. Les hostilités sont engagées. Du côté français, l'avant garde Mac-Mahon se compose de 6663 hommes commandés par 302 officiers.

Du côté allemand, la IIIe armée allemande sous le commandement du Kronprinz Frédéric GUILLAUME compte environ 50 000 hommes. C'est une lutte à huit contre un. Le même jour, à 15h00 de l'après-midi, la réédition fut décidée pour Wissembourg. Une demi-heure plus tard les troupes de Mac-Mahon du plateau du Geisberg se replient. Le 7 août, la fière armée du Rhin sur laquelle on avait fondé tant d'espoir a subi en quelques heures de combat la plus brutale défaite à Woerth et à Froeschwiller. Les rescapés du 1er Corps d'armée de Mac-Mahon refluent en désordre par le col de Saverne vers le plateau lorrain, une débandade.

Bataille de Froeschwiller-Woerth, ou bataille de Reichshoffen, qui s'est déroulée le 6 août 1870

Panique à Valff

La nouvelle de la défaite de Mac-Mahon est connue ce dimanche soir même au village, mais personne ne peut y croire. Ce même soir, à la tombée de la nuit, on pouvait observer tout le long de la Forêt Noire d'immenses feux. Ce spectacle a semé la panique dans la population. Les gens crient dans la rue que les Prussiens traversent le Rhin à Rhinau. L'angoisse monte de telle sorte que des gens se réfugient dans la forêt en emmenant des provisions et des vêtements. Plus tard on apprenait qu'on avait allumé ces feux pour fêter la victoire de Woerth et Froeschwiller.

L'anxiété de la population ne s'est pas apaisée les jours suivants. Les gens continuent à chercher refuge dans la forêt, d'autres partent avec des attelages vers les villages de la montagne en espérant être plus en sécurité plus loin de la frontière franco-allemande. Le 8 août, les autorités demandent aux agriculteurs d'amener leurs récoltes au magasin près d'Entzheim contre paiement. Personne n'y a donné suite.

Strasbourg en feu

Depuis le 9 aout, Strasbourg est assiégé. Pendant 46 jours et 46 nuits la ville est soumise au bombardement de l'artillerie prussienne (à partir du 18 août jusqu'au 27 septembre). La bibliothèque brûle, l'aubette est en feu, et dans la nuit du 25 août c'est le tour de la cathédrale. Quatre-vingt mille Strasbourgeois vivent l'enfer. La garnison est décimée, la situation désespérée. Le 28 septembre à 2h00 du matin, la reddition de Strasbourg est signée. Strasbourg la ville forteresse a vécu à jamais. Le 12 août dans l'après-midi, les premiers prussiens se manifestent dans le village. A cheval, ils parcourent les rues du village, pistolets armés dans la main. Personne ne se montre, tout est calme, les cavaliers prussiens repartent comme ils étaient venus. Les dragons badois cantonnent dans le village le 13 août et demandent à la population de déposer à la Mairie les pelles, bêches, pics, haches etc ... ainsi que toutes les armes à feu et les munitions.

Depuis quelques jours les trains ne circulent plus, plus de courrier, plus de journaux. Dans la région de Barr, tout le long des Vosges et jusque dans le Haut-Rhin se constituent des unités de francs-tireurs. Ces troupes irrégulières harcèlent les allemands et attaquent des groupes de soldats allemands isolés, et surtout les éclaireurs à cheval des Uhlans et Dragons. Le 27 août, Mac-Mahon renonce à marcher sur Metz, replie les forces françaises sur Sedan où s'engage la bataille le 1er septembre en présence de l'Empereur Napoléon III. Après dix heures de combat, l'empereur sollicite l'armistice. Il est fait prisonnier par l'armée allemande, dirigé sur KASSEL et interné au château de Wihelmshöhe.

Le jour après la capitulation de Sedan, une délégation de militaires affiche d'énormes tracts annonçant que l'Empereur Napoléon III a été fait prisonnier à Sedan et interné en Allemagne, mais personne ne prend au sérieux cette information, croyant à une supercherie. Vers la fin novembre, la commune doit mettre à la disposition de l'armée allemande des attelages et les convoyeurs pour se rendre à Belfort pour approvisionner les troupes combattantes devant la forteresse qui n'avait pas encore capitulé. D'ailleurs, Belfort se rendit le 18 février 1871 sur les ordres de Paris.

Paris attaqué, Valff contaminé par la peste

Deux armées allemandes, 180 000 hommes montent à l'attaque de Paris le 19 septembre. Le roi de Prusse Guillaume, venu en France, commande personnellement les opérations. En octobre, le 27 de ce mois, BAZAINE capitule à Metz. Son armée intacte, 173 000 hommes, est faite prisonnière.

Fin 1870, début 1871, se déclara dans notre région une épidémie varioleuse, maladie très contagieuse qui a coûté la vie à plusieurs personnes. Les autorités ont mis en quarantaine toutes les maisons où elle s'est déclarée. Au printemps 1871, sévissait la peste à Valff et dans la région. Dans chaque commune où cette maladie s'est manifestée, les autorités militaires cantonnaient un détachement militaire qui avait pour mission d'appliquer strictement les mesures sanitaires pour éviter une propagation. Si dans une étable un seul bovin était touché, l'ensemble du bétail était conduit hors du village, abattu et enfoui profondément. Entre Barr et Heiligenstein le long de la voie ferrée tout un troupeau de plus de 200 moutons fut abattu et enterré sur place par un détachement militaire.

A partir du mois de janvier 1871, les allemands bombardent Paris et ceci pendant trois semaines. Dans Paris assiégé, le ravitaillement se désorganise. On tue les bêtes du parc zoologique, on mange les chiens, les chats et des rats. Le 18 mars, la révolution éclate à Paris ; c'est la commune. Le traité de paix signé à Francfort-sur-le-Main le 10 mai 1871, impose à la France vaincue des conditions très dures. La France cède à l'Empire allemand tous ses droits et titres sur le territoire Alsace et de la Lorraine. Mais dès le 18 janvier 1871 le roi de Prusse est proclamé Empereur dans la Galerie des Glaces du Château de Versailles. Le nouveau Kayser Guillaume 1er est le premier empereur du deuxième Reich allemand.

Traité de paix signé à Francfort-sur-le-Main le 10 mai 1871

Cette guerre de 1870 et 1871 aura coûté la vie à 162 000 français et 41 500 allemands, dont quelques habitants de Valff [en savoir plus : Les soldats Valffois de la guerre de 1870].

Sources :

  • Mémoires d'André VOEGEL
  • Ville de Paris
  • Wikipédia

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.