Tout est dans le titre. Mais qu'a-t-il donc bien pu se passer cette année 1816 ? Analysons les chroniques. Imaginez : 

  • Juin : 25 jours de ciel très nuageux et couvert, 5 jours de beau temps !
  • Juillet : 10 jours de pluie, 18 jours de ciel couvert et nuageux, 3 jours de beau temps
  • Août : 6 jours de pluie, 20 jours ciel couvert et nuageux et seulement 5 jours de beau temps

Des moyennes de températures entre 13 et 23° l'après-midi et heureusement qu'il n'existait pas les congés payés. Mais pour les agriculteurs pas question de penser aux vacances. Ils ne connaissaient même pas l'existence de ce nom. C'est tout simplement leur existence qui était en jeu ainsi que toutes les bouches à nourrir du Royaume.

Nous avons la chance de posséder des chroniques locales. Le paysan Florent WUCHER a rédigé dans ses mémoires, les conséquences de ce dérèglement climatique. Il avait 18 ans à cette époque et ce qui l'a marqué au moment de sa rédaction est la prolifération des mauvaises herbes. D'ailleurs les Valffois garderont pour la postérité le surnom de Haderi. Nous y reviendrons à la fin de cet article.

Florent WUCHER a écrit : « Cette année débuta fort agréablement jusqu'au 15 avril. A partir de cette date, le temps changea en morose jusqu'en hiver. On a dû étaler la récolte des foins pendant 6 semaines. Le foin du Bruch s'est ramassé dans l'eau. Toute l'année les prés du Bruch étaient inondés ! Les autres terres n'ont produit que des mauvaises herbes. A cause des inondations on n'a rentré le seigle que le 8 septembre (jour de Mariageburt). Le total des récoltes a été de moitié de celui des années passées ... et pas une goutte de vin. A la Saint Martin le blé coûtait 60 francs, en octobre 80 et à Pâques jusqu'à 124 francs ! L'orge 30 puis 50 puis 80. Un hiver très chaud succédera à cet été sans chaleur ».

Explications 

Tout débute ... en Indonésie ! C'est le Mont Tambora qui fait des siennes. Ce volcan restera dans les annales pour avoir été l'auteur de l'éruption la plus violente des temps modernes. Une puissance 10 000 fois supérieure à celle de la bombe d'Hiroshima et Nagasaki réunis ! L'explosion s'est entendue à plus de 1400 km de distance. L'éruption et le tsunami qui s'en suivi ont causé la mort de plus de 92 000 personnes. On estime que les dérèglements climatiques suite aux cendres projetées jusqu'à 43 000 mètres dans la stratosphère ont entraîné la mort de 200 000 victimes supplémentaires. Les conséquences climatiques se feront sentir jusqu'en 1820. Ces années sont répertoriées parmi les plus froides des temps modernes.

Rendez-vous compte : on récolta les cerises sur les flans des Vosges seulement vers le 20 septembre, les pommes de terres étaient pourries, le raisin resta vert, les premières gelées arrivèrent début octobre. Famine, épidémies et pauvreté en furent la conséquence. On estime que 50 000 alsaciens émigrèrent vers l'Amérique. Fuir ou mourir ! Des historiens estiment que Napoléon aussi perdit en partie la bataille de Waterloo à cause du mauvais temps. Annus horribilis.

Revenons à ce fameux surnom des Valffois. Les Haderi ou Haderistidle (tiges de Gaillet ou communément appelé gratteron) est une plante connue pour ses caractéristiques accrochantes. Souvenez-vous la dernière fois où vous êtes rentrés d'une promenade avec des tiges et de petites boules collées aux habits : c'est elle ! Qui a collé pour la première fois aux Valffois ce sobriquet ? On n'en a cure, c'est accroché pour des générations.

Dans un recueil des surnoms aimables que s'attribuaient encore, il n'y a pas si longtemps, les habitants entre villages voisins, Hans Lienhart, l'auteur, a ajouté à Haderi, d'Fladermis (j'ai respecté l'accent régional, si déjà on doit se faire insulter que ce soit dans la langue locale ! Les chauve-souris ? Les valffois seraient-ils noctambules ou nyctalopes ? d'Gans (les oies), on peut encore comprendre avec l'histoire pérenne des oies dans l'ancien lit de la Kirneck, a Gunser ?

On parlerait plutôt de Ganser qui est un marchand d'oie, allez ! ça passe encore ... mais alors Küeh ! (la vache) ça c'est méchant ! Dire que nos filles seraient des vaches, ça c'est vachement vache. On a du mal a imaginer : y aurait-il un rapport avec des mamelles, la rondeur, l'intelligence ? Rien ne sert de ruminer ! on ne retrouvera pas le coupable qui a sorti pour la première fois cette vacherie, il n'y aurait pas de quartier !

Le réchauffement climatique ? Et pourquoi ne pas faire péter un petit volcan géant ? [lire : La reine des neiges n'a pas toujours été gentille !]. A méditer. Ah oui, j'oubliais, c'est pas possible ! Il y a les vacances ...

Sources :

  • Archives communales
  • Wikipédia
  • Météo France
  • Recueil des surnoms des villageois par Jean LIENHART (1835-1870)

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.