Quiconque se croyait lésé dans ses droits ou ses espérances ne voyait qu'un moyen pour obtenir justice: la force. Les coups de main tordus étaient à l'ordre du jour dans le pays tout entier et surtout dans notre petit coin au pied des Vosges, la douceur de vivre était tout aussi inconnue qu'ailleurs.
En 1371, la fille d'Henri d'ANDLAU le vieux éleva des prétentions sur une prébende (1) de l'abbaye d'Andlau. L'abbesse, Catherine DE GEROLDSECK la lui refusa. De là, grande colère de son père et de ses six frères qui se mirent aussitôt en campagne. Ils pénétrèrent à main armée jusque dans l'abbaye et enlevèrent une nonne en plein jour puis se retirèrent. Peu de jours après, ils se rendirent à Valff où l'abbesse possédait une ferme au fond de la rue appelée aujourd'hui rue Meyer (de Meierei : métairie), et s'emparèrent de quatre chevaux et d'un poulain. En même temps, ils gagnèrent à leur cause HANNERMANN de Soulz qui envoya également une lettre de défit à l'abbesse.
En contrepartie, Ulric DE RIBAUPIERRE, parent de Catherine DE GEROLDSECK, prit fait et cause pour l'abbesse et releva un cartel en envoyant à son tour une déclaration de guerre aux chevaliers d'Andlau. Le différent risquait de devenir sérieux et meurtrier, quand Gauthier DE DICKA, Ulric DE RIBAUPIERRE, Frédéric et Henri le jeune d'ANDLAU, cousins des belligérants, Jean DE PLOBSHEIM et le magistrat de SCHLESTAILT réussirent à réunir tout ce beau monde pour mettre pacifiquement fin à la querelle. Henri le Vieux d'ANDLAU et ses fils, Walther, Pétermann, Rodolphe, Henri, George et Eberhard, s'engagèrent à faire reprendre le défit qu'avait lancé HANNENMANN de Soulz à l'abbesse. De son côté l'abbesse devait faire reprendre celui d'Ulric DE RIBAUPIERRE.
Noble chevalier au chateau d'Andlau
Les deux écuyers Petermann et Rodolphe devaient restituer les chevaux enlevés ou bien payer la somme de 15 livres, et cela dans un délai de quinze jours. En outre, ils se soumettaient à la réparation que leur imposerait l'abbesse pour les punir de l'enlèvement de la nonne et du vol des chevaux. Si la punition était trop forte, ils pouvaient en référer à Ulric DE RIBAUPIERRE, ou à défaut, à Gauthier DE DICKA. Quant aux autres frais et dommages causés par ces hostilités, ils sont remis à la charge de chaque partie.
Et la nonne dans l'histoire ? Elle est sûrement rentrée libre dans sa cellule à l'abbaye ! ( jeu de maux, pardon, de mots !) Quatre années seulement après leurs démêlés avec l'abbesse d'Andlau, les sires d'Andlau attirèrent sur eux à nouveau la colère mais des Strasbourgeois cette fois, avec de graves conséquences pour le coup. L'un des Andlau avait blessé un milicien de Strasbourg. Les bourgeois, très prompts à venger la moindre insulte, envahirent à main armée la vallée d'Andlau et la ravagèrent. Pour empêcher la guerre de s'étendre, on s'entremit entre belligérants pour parler trêve. Strasbourg obtint que deux sires d'Andlau se déplacent en ville pour donner toutes satisfactions souhaitables. Sans que nous connaissions exactement la part prise par Gauthier DE DICKA dans ces événements, nous savons qu'il y fut mêlé et entremit une paix passagère le 12 novembre 1378. Ouf !
Ca se passait comme cela à l'époque. Qui en faisait les frais, je vous demande ? Les pauvres serfs à qui on saccageait pour un oui ou pour un non leurs maigres possessions. Il ne fallait surtout pas froisser l'honneur des vaillants mais chatouilleux chevaliers dans leur belle et rutilante carrosserie de tôle. Pour quel motif ? Pour une misérable prébende à quatre sous (1) et les caprices acariâtres de femmes en mal de pouvoir !
(1) prébende : revenu rattaché à certains titres ecclésiastiques