Dans les registres de la commune de Valff figure un impôt sous le nom de Salz Accis. Nous connaissons mieux cet impôt sous sa dénomination française : la gabelle. Quelle influence avait-il sur les habitants ? Pour le savoir, fouillons un peu les archives.

Qu'est-ce que la gabelle ?

Pour les hommes, de tout temps, le sel était un condiment indispensable. Il servait à assaisonner, à conserver… et à se faire de l'argent. 

Le commerce du sel, essentiellement en provenance de Lorraine, ne profitait qu'à certains privilégiés. L'Alsace ne possède pas de saline, hormis à Soultz-sous-Forêts dont la production est relancée en 1764. L'idée d'un impôt organisé, date principalement du rattachement de l'Alsace au Royaume de France. Au début du XVIIIe siècle, des magasins royaux, fournis par le fermier des salines de Lorraine, sont à Altkirch, Ammerschwihr, Belfort, Haguenau, Strasbourg et Thann. Un septième magasin est bientôt créé à Colmar. Le Roi encaisse ainsi une belle quantité d'argent. Le monopole sur la vente de sel rapporta à la couronne environ 6% des revenus royaux.

Dans chacun de ces « greniers à sel », il y a un « magasineur » ou saunier : nommé par le fermier, le receveur principal, le seigneur ou la communauté qui prélevait du stock, la quantité de sel qui lui semblait nécessaire. Il la transportait et la distribuait aux villages où il avait signé un contrat : « Il payait le quintal au magasin 10 liv. 16 sols, 2 deniers, mais il a la liberté de le revendre 2 sols, 8 deniers, la livre, au moyen de quoi il se fait un bénéfice de 2 livres, 10 sols par quintal » (Dupin 1745). Ce prix était égal dans toutes les terres de l’ancienne domination. 

Tableau de conversation de mesures de volumes XVIIe siècle

Le fief des contes d'Andlau comprenaient : Andlau, Valff, Diebolsheim, Itterswiller, Reischsfeld et Bernardsvillé. La concession de vente tombait à échéance le jour de la St-Jean.

En 1718, une nouvelle concession est conclue entre Johann Conrad d'Andlau, François Joseph d'Andlau et un mandataire représentant le reste de la famille d'Andlau et le « magasineur » Johann Christophe REICHART de la ville de Strasbourg où se trouvait le centre de stockage. Le contrat stipule :

  • Le Sieur REICHART aura le droit de fournir pour les trois années à venir entre le 24 juin et la Saint-Jean-Baptiste 1721 dans les villages cités. Nul autre n'est autorisé à vendre du sel dans le territoire concédé. Seule l'abbaye d'Andlau est autorisée à s'approvisionner où elle le désire. Les juifs sont aussi soumis à ce règlement
  • la distribution dans les villages se fait aux caisses à sel aménagées dans les communes
  • les contrevenants payeront une amende de 10 Thaler ou 15 florins
  • une réunion est organisée dans chaque commune pour informer la population des clauses
  • Monsieur REICHART s'engage à livrer un sel de qualité et en quantité suffisante. La distribution se fait à l'aide d'un setier de la mesure de Strasbourg
  • le sel est vendu aux habitants au prix de 7 Gulden ou 20 Schillings, valeur de Strasbourg
  • à chaque disponibilité d'une nouvelle livraison dans la commune, les habitants sont avisés par son de cloche
  • la vente se fera avec la présence du Schultheis et du Hamburger du lieu
  • la vente et l'acceptation du marché entre l'acheteur et le vendeur se fera par un geste symbolique : 4 poignées de sel d'une seule main pour l'acheteur puis une poignée des 2 mains par le vendeur
  • si à la fin de la vente, il reste moins d'un demi-setier, il sera offert au Schultheis, s'il en reste plus, il sera entreposé dans la caisse à sel. (le setier ou Sester en allemand correspondait à un peu plus de 18 litres)

Le setier

  • si le sel venait à manquer ou si la réserve dans les différents villages s'avérait insuffisante, si la qualité ou la quantité était fraudée, le magasineur devra payer une amende de 10 Thaler ou 15 Gulden

Le présent contrat oblige le sieur REICHART à payer tous les ans aux seigneurs d'Andlau, la somme de 750 florins, le florin à 15 Batzen ou 60 Creutzer, somme redevable chaque trimestre :

  • le sieur REICHART est également tenu à livrer gratuitement à la famille d'Andlau, 8 quarterons de sel par an
  • pour ce qui est des notables, employés par les seigneurs d'Andlau le setier ne sera vendu qu'au prix de 4 Thaler ou 15 Schillings. (pour rappel, les habitants devaient payer 20 schillings)

Le contrat de 1744

En 1744, le contrat de vente de sel rapportait encore aux nobles d'Andlau 700 schillings. Il était attribué au sieur SADEL de Strasbourg pour une durée de six ans. Cette somme garantissait annuellement des intérêts se montant à 157 florins et 5 Schillings. 

L'impôt de la gabelle a disparu avec le vent de la révolution. Après avoir lu cet article, avez-vous toujours l'impression que vos impôts sont salés ? 😆

Sources :

  • Archives départementales du Bas-Rhin
  • Fond d'Andlau

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.