Dans le premier article de la saga de la famille ROSFELDER, dont l'ancêtre André était originaire de Valff, c'est un autre André qui nous intéresse maintenant. Il défrayera les chroniques ! 

15 août 1964, 15h45 au Mont Faron. Le Général DE GAULLE est sur la côte Varoise pour commémorer le XXème anniversaire du débarquement des Forces alliées en Provence. Une des jarres d'ornement située près du mémorial du débarquement explose. L'enquête conclut que l'engin explosif composé de pain de TNT avait été endommagé par le système d'arrosage. L'enquête désignera 15 conspirateurs. En février 1966 quinze accusés sont convoqués au tribunal. Seulement dix seront présent. Quatre sont en fuite, un dernier est absent pour cause de maladie. André ROSFELDER, né à Oran le 26 mai 1925. L'arrière petit fils de notre André de Valff s'est expatrié aux Etats-Unis. Il est condamné à mort par contumace. Mais qui est donc André ROSFELDER ?

André Rosfelder

André

Novembre 1942. A 20 ans, il s'engage dans la résistance algérienne et manque de peu d'être fusillé par les soldats aux ordres de Vichy. Alors que la majorité des Algérois restent attachés au Maréchal PETAIN, il se rapproche à 17 ans de la résistance. Quand se déclenche le débarquement allié du 8 novembre 1942 en Afrique du Nord, il participe à la neutralisation des forces restées fidèles à Vichy. Il est arrêté. On le soupçonne d'être juif. On l'accuse d'être gaulliste ou communiste. Il est confondu avec un certain lieutenant juif COHEN et emmené au poteau d'exécution. André attend la salve ... qui ne viendra pas. Le débarquement a réussi, fin de l'épisode !

André s'engage dans la première unité de parachutistes qui va participer à la libération de la France. Le colonel Leclerc qui sera nommé plus-tard général fait le serment de Koufra en 1941 : " ne pas déposer les armes avant que le drapeau français ne flotte sur le sommet de la cathédrale de Strasbourg" . Pour André c'est le début de la progression en direction de la terre de son arrière gran-père: l'Alsace !

 

 

Carte de progression du 1er Régiment de parachutiste d'André en 1944

Durant la bataille de Rossfeld il perdra 2 doigts et sera réformé. Curieusement l'Etat-Major français s'était installé à l'arrière à Valff au court de cette bataille ! Les soldats français tombés à Rossfeld sont inscrits dans le registre de décès de l'Etat-Civil de la commune.

Annotation pour mémoire

Patriote convaincu, il s'engage (voir plan ci-dessus) dans le 1er Régiment de parachutistes en compagnie de ses camarades d'Afrique du Nord et participe à la libération de la France. Il se retrouve engagé dans les Vosges et en Alsace. Quel paradoxe pour ce descendant d'Alsacien ! Décoré et mutilé, il regagne l'Algérie. A 22 ans, il fonde une exploitation pétrolière. Ses amis s'appellent Albert CAMUS et Jean BRUNE. Il participe à la révolte d'avril 1961 dont l'échec le conduit à la clandestinité. Puis c'est l'épisode de l'attentat manqué. André aura été condamné à mort trois fois : par les partisans de Vichy, par le F.L.N. et par les Gaulistes. Belle carrière !

Les années ont passé : exilé , spécialiste dans la géologie sous-marine et la recherche scientifique, on le retrouve dans la Pacifique.  En parallèle, il poursuit ses activités littéraires. Dans son livre « Le onzième commandement », il s'attaque pour ce qu'il tient pour un déni de vérité et de justice. Il s'engage par solidarité pour les victimes pieds-noirs et musulmans doublement assassinés dans la réalité et dans l'Histoire.

Roger

André a un frère : son prénom est Roger.

Les deux frères ont une vision opposée sur l'Algérie. Les tensions sont récurrentes. Peu avant le putsch manqué du mont Faron, Georges FLEURY mentionne un épisode dans son livre Histoire de l'O.A.S : « Au soir du 24 février, André reçoit la visite de son frère aîné Roger. Il vient de Tunis à la demande de leur mère avec la mission de "le tirer de la merde dans lequel les militaires l'ont entraîné" . Roger a, tout comme son frère, participé aux préparatifs de débarquement alliés du 8 novembre 1942 à Alger.  Peu avant en 1941, il est arrêté en essayant de rejoindre le Général de Gaulle à Londres. Il sera aussi impliqué dans l'exécution de l'amiral pétainiste François DARLAN. Alors que le frère cadet André combattait avec le grade d'aspirant au 1er R.C.P en Italie puis en France, son frère Roger faisait de même en tant que sergent au 1er régiment de marche du Tchad puis dans la 2ème D.B du Général Leclerc. Il débarqua en Normandie en août 1944, gagna trois citations ce qui lui valu de recevoir plus tard la Légion d'Honneur.

Valérie, fille de Roger (au premier plan). De gauche à droite Jean-Paul ROSFELDER (fils d'André), Roger, enfant Rémy (fils de Jean-Paul) et Jacqueline, épouse de Roger (médecin à l'hôpital d'Apt), « une femme extraordinaire partie trop vite ! » (Jean-Paul ROSFELDER). Photo vers 1980

Roger s'engagera après la guerre comme journaliste indépendant. Persuadé que l'Algérie française est condamnée, il se heurtera à l'âpreté de son frère qui avait une toute autre vision. Roger ROSFELDER est  le 29 mai 1923 à Saïda en Algérie. Nous avons déjà évoqué sa biographie militaire. Après la guerre il est nommé pensionnaire au Musée de l'homme à Paris, assistant de l'ethnologue et cinéaste Jean ROUCH avec lequel il réalisera 4 films en Afrique occidentale. Cinéaste et journaliste il couvrira la fin de la guerre d'Algérie et le début de l'indépendance. Peu avant, il est engagé en tant qu'assistant du metteur en scène Albert LAMORISSE en 1953 dans le film Crin Blanc, puis scénariste dans le film Traitement de choc (1973) avec Alain DELON et Annie GIRARDOT. Auteur de vingt romans et récits, il n'a pas une très bonne opinion de l'espèce humaine. Il publie sous le nom d'emprunt Roger CUREL, patronyme de son grand-père, ancien notaire. Après le divorce d'Eugène, son père, il rompra définitivement toute relation avec sa famille. 

Il parcourt le monde et filme. Il se souvient : « En 1951, mon ami ROUCH et moi, avions filmé dans le fleuve  Niger. ROUCH par inadvertance laissa tomber le matériel de tournage dans l'eau. 35 bobines couleurs en 13 mm en sortirent inexploitables ». Un jour, il écrit à un ami : « Un sanglier du Lubéron ! C'est ainsi que je me vois entre chêne et garrigue, solitaire et méditatif. N'oubliez pas, si vous passez dans le coin, la table est mise, le vin chambré, il suffit de me le dire la veille ». Roger ROSFELDER, alias Roger CUREL, s'éteint le 28 mai 2016. Destins croisés.

Leur ancêtre est parti de Valff, leur descendant Jean-Paul renoue avec le passé. Grace à sa collaboration active il nous a été permis de découvrir cette saga exceptionnelle et hors normes. Merci pour ce témoignage !

« La mémoire est toujours aux ordres du coeur », Antoine DE RIVAROL

Sources :

  • Témoignages et fonds de famille
  • Remerciement particuliers à Jean-Paul ROSFELDER
  • Jean Fleury : Histoire de l'O.A.S
  • Encres vagabondes de Claude DARRAS

Un peu d'histoire

De Valva à Valff, c’est tout d’abord un livre. A la fin des années 80, André VOEGEL et Rémy VOEGEL, Valffois et passionnés d'histoire, écrivent « De Valva à Valff » qui raconte l'histoire de la commune, petit village alsacien à proximité d'Obernai. L'ouvrage reprend, chapitre après chapitre, son histoire et celles de ses habitants. Dans les années 2010, Rémy VOEGEL complète la connaissance du village par divers textes édités dans le bulletin communal. 

Suite au décès d’André VOEGEL en février 2017, Rémy et Frédéric, son fils, se lance le défi de partager via le présent site les archives dématérialisées du livre, les vidéos de Charles SCHULTZ, sans oublier la publication des 40 classeurs historiques d’Antoine MULLER. Ces classeurs sont une mine d'or incroyable, car ils retracent en images toute l'histoire du village, de ses associations et de ses habitants.

Depuis, le devoir de mémoire de notre village alsacien se poursuit semaine après semaine.