École de la commune
Cette rubrique vous présente toutes les archives liées à l'école de la commune. Retrouvez également les anciennes photos de classe (ICI).
- Écrit par : Antoine MULLER
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Ecole des filles (1942)
1940, l'Alsace est occupée par l'Allemagne nazie. Après les combats, le temps est à la germanisation jusque dans les écoles. Souvenirs d'enfance d'Antoine MULLER.
La reprise des cours a lieu le 1er octobre 1940. L'ouverture des écoles était proclamée après les avoir adaptées au système scolaire allemand. Il y aura des « Volksschulen » et un lent travail d'endoctrinement commence. Un profond changement parmi le personnel enseignant était envisagé. Au début, Louis GUGUMUS continuait à enseigner. Par la suite, il devait se recycler pendant trois mois dans le pays de Bade à Heidelberg et en Forêt Noire où les instituteurs formés dans le système français effectuaient des stages afin de se familiariser avec le système allemand. Puis il revint à Valff et restait maître d'école pendant toute la durée de l'occupation. Charles GRUBER subissait le même sort et était en « Umschulung » à Mergen avant d'être incorporé pour faire la guerre sur plusieurs fronts.
Les religieuses congréganistes n'étaient plus autorisées à enseigner, à moins d'abandonner leur condition de religieuse. Quant à nos soeurs enseignantes Edouarda et Nicodéma, elles ont été mises hors fonctions à partir du 1er août 1940. Soeur Edouarda se retire, vu son âge, au couvent de Ribeauvillé et soeur Nicodéma part le 18 août 1941 à Westhouse, son village natal. Les soeurs étaient privées du droit à la pension. Le logement des soeurs était alors occupé par la famille GRUBER. Le remplacement des instituteurs en stage et des soeurs était assuré par des enseignants allemands venant du pays de Bade, notamment Messieurs KRETZ, WOLFF et LAULE. Monsieur KRETZ habitait chez Antoine STAUB, Monsieur WOLFF logeait chez Auguste LUTZ et Monsieur LAULE habitait d'abord, seul, dans le petit logement de l'école des filles. Au moment où sa femme et son enfant handicapé l'ont rejoint, il s'installe au n°65 de la rue Thomas.
L'ordonnance sur l'obligation scolaire parait le 11 juin 1941. L'Alsace est soumise à l'obligation générale scolaire. Pour nous, écoliers de 10 ans, ce changement était difficile. La prière avant et après la classe est remplacée par un chant patriotique. Deux fois par semaine, Monsieur le Curé Bernard venait assurer des cours de religion, pour nous apprendre les prières, les chants, le catéchisme et l'histoire sainte en allemand. Nous devions le saluer par un « Gelobt sei Jesus Christus », même dans la rue quand nous passions à coté de lui. Avec la rentrée des classes en octobre 1940, celles-ci sont devenues mixtes. Il fallait apprendre à écrire en caractères gothiques « Sütterlin ». Cette écriture fut remplacée par l'écriture ordinaire en avril 1942. Pas facile !
Exemple d'écriture gothique
Pendant la période de 1940 à 1944, les horaires scolaires étaient souvent modifiés et réduits. Les matinées étaient consacrées aux études. Le programme était le suivant :
- salutation à main levée « Heil Hitler »
- une heure d'information et de concertation sur la politique allemande et la situation statégique de l'armée. On nous incitait à lire quotidiennement le journal pour pouvoir répondre aux questions que nous posait notre enseignant allemand
- une demi-heure de chant en allemand
- exercice d'écriture, de calcul et de rédaction
- l'après-midi était réservé au sport, travail manuel et la cueillette de plantes médicinales telles que millefeuilles (Schaafgarbe), plantain (Spitzen-Uegerich), prêle (Katzenwadel), glands de chêne (Eichel), ortie blanche (weisse Taubnessel), des os (Knochen) et de la ferraille
Les plantes devaient servir, soi disant, à faire des tisanes pour les troupes allemandes. Les plantes récoltées ont été étalées au grenier de l'école des garçons pour les faire sécher, ou déposées dans le séchoir chez Paul VOEGEL au n°200a. Mais la besogne la plus désagréable était le ramassage des doryphores dans les champs de pomme de terre. D'après les enseignants, il paraissait que ces insectes ont été importés par un fret de pommes de terre venu d'Amérique du Nord. A Valff, le doryphore faisait sa première apparition en 1939, sur un champ de pomme de terre situé dans le « Langfeld », route de Meistratzheim. Pour pouvoir manger à sa faim, malgré les rigueurs de rationnement, tout le monde plantait des pommes de terre et les doryphores proliféraient. Nous étions chargés d'en débarrasser chaque plant, rangée par rangée. Nous mettions les doryphores dans des boîtes métalliques.
A la fin, tous les doryphores étaient mis en tas, on les arrosait avec de l'alcool à brêler et on y mettait le feu. Les instituteurs nous accompagnaient souvent dans ces activités. En dehors des classes, on pouvait choisir une activité mentionnée ci-dessus en compensation des devoirs à domicile. Mes cahiers d'écriture, de calcul, de rédaction font ressortir l'endoctrinement par les enseignants allemands. Par exemple les titres de rédaction de l'année 1944 (5. Kriegsjahr) étaient les suivants :
- Generalleutnant Grasser
- Schwerer Schlag der Luftwaffe gegen den Brückenkopf von Nettuno
- Vergebliche Durchbruchversuche des Sowjets bei Krivoi Rog
- Regierungsumbildung in Ungarn
- Deutschland ist ni. die Stunde der Entscheidung bereit
- London versturkt seinen Druck auf Schweden
- Die Bolschewisten im Suden der Ostfront erneut angetreten
- Die Invasion
Les congés scolaires étaient de six semaines du 1er juillet au 15 août, complétés de congés exceptionnels de quelques jours pour aider nos parents dans la récolte des pommes de terre, vendanges et autres.
Depuis longtemps, pendant l'hiver, le chauffage des salles de classe était assuré par les écoliers. Ils furent désignés à tour de rôle par les maîtres. Nous étions chaque fois à deux pour assumer ce service. Dans notre langage « nous avons la semaine » il fallait allumer les poules le matin à 7 heures pour avoir une température acceptable pour le début des cours à 8 heures. Cette corvée nous dispensait d'aller à la messe le matin. Chacun des désignés apportait le petit bois de chez soi pour allumer le feu. Mais il fallait aussi nettoyer les poëles et enlever les cendres. Le gros bois était stocké au grenier de l'école des garçons et le charbon dans la cave sous le hall d'entrée. Le résultat du chauffage n'était pas toujours apprécié par le maître d'école (salle de classe enfumée), mais souvent voulu par les écoliers. Ainsi se passait mes années scolaires pendant l'occupation allemande.