Les plus âgés se souviennent des derniers passages du Tour de France. Le plus divertissant a été indéniablement la caravane publicitaire. Par contre, les cyclistes, eux, sont passés comme la fusée Ariane. Enfin, que de souvenirs ! Bien avant cette époque, Valff a vibré au passage de courses cyclistes, moins médiatiques cette fois-ci. Dans cet article, nous essayerons de vous faire revivre quelques-unes d'entre elles.
La course du brevet de spécialité cycliste militaire du 5 août 1928
Entre les deux guerres, l'armée française organisait des courses cyclistes et distribuait aux participants un brevet de préparation militaire. Cette discipline permettait de sélectionner de futurs candidats prometteurs pour les unités à vélo. L'infanterie cycliste désigne les soldats d'infanterie qui manœuvraient sur le champ de bataille en utilisant des bicyclettes. Son apparition remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque la bicyclette devint populaire. Déjà en 1887, le journal français « Le véloce sport » écrivait qu'à Strasbourg « les Allemands disposent d'un corps de cinquante soldats qui sont tous les jours entraînés à monter la bicyclette et exercés comme éclaireurs ».
Des soldats allemands en tricycles à Strasbourg (extrait du journal « Le véloce sport » du 7 juillet 1887)
Journal « Le sport alsacien » du lundi 9 juillet 1928
5 août 1928, la course de triathlon (vélo, course à pied et tir) était ouverte à tous les coureurs amateurs. Cette année-là, la course de 63 km a été lancée devant la porte de Schirmeck, sous le pont de chemin de fer à Strasbourg. Les sportifs traversèrent Lingolsheim, Entzheim, Innenheim, Niedernai, Goxwiller, puis sont passés par Valff en direction de Westhouse, Sand, Matzenheim, Fegersheim, Graffenstaden, et Illkirch pour finalement s'arrêter au cimetière St Urban de Neudorf. À Neudorf, ils ont laissé leur vélo pour rejoindre, au pas de course, une distance de 5 km jusqu'à atteindre le stand de tir de la caserne Desaix. Les rescapés devaient alors démontrer leur dextérité au tir sur cible distante de 200 mètres. S'en est ensuivi un interrogatoire théorique des différentes pièces mécaniques du cycle et l'aptitude à lire une carte d'État-Major.
La même année, le 10 juillet 1928, l'Alsace avait déjà été mis à l'honneur. Comme tous les ans depuis la guerre, l'arrivée à Strasbourg a passionné les spectateurs lors de la 17ᵉ étape du Tour de France 1928.
Arrivée à Strasbourg du Tour de France 1928 avec le coureur Van de CASTEELE
La course, organisée par le journal « L'Auto » qui deviendra ensuite le journal « L'Équipe », s'est arrêtée à Strasbourg dans une presque indifférence des médias alsaciens. Le journal « Der Elssässer" » ne relate même pas l'évènement. Le journal alsacien « Le sport alsacien » présenta, dans son édition du 14 juillet, un sentiment de grande désillusion. Son journaliste rapporta que de nombreux spectateurs sont restés sur leur faim. En effet, les sportifs s'étaient éclipsés immédiatement après leur arrivée. Même la jeune fille alsacienne, dite « officielle », qui avait pour mission de remettre le bouquet au gagnant, et au tenant du maillot jaune, FRANTZ, s'était prise un vent. L'organisateur Louis DESGRANGES présent, a-t-il apprécié ? demande le journaliste.
Extrait du journal L'auto du 18 novembre 1918. Une arrivée à Strasbourg est programmée seulement quelques jours après l'armistice !
L'histoire du Tour de France en Alsace
« Le prochain Tour de France (1919), le treizième du nom, va se disputer l'an prochain, en juin-juillet, avec, cela va sans dire, une étape à Strasbourg » Henri DEGRANDE. Même le nom de l'organisateur était mal orthographié et son prénom est Louis, la renommée médiatique était de loin de ce qu'elle est aujourd'hui. Il fallait mettre à l'honneur l'Alsace et la Lorraine qui étaient à nouveau françaises. À partir de 1919, il y eut régulièrement, à une où autre exception, chaque année, une arrivée à Strasbourg, et cela, jusqu'en 1940. Le Tour de 1919 fut le deuxième Tour de France le plus long de tous les temps avec une distance à parcourir de 5560 km ! Chapeau les cyclistes !
La seule course de l'Automobile Club de France disputée à Strasbourg ne se courra qu'en 1922
Extrait du journal l'Auto au sujet de l'arrivée à Strasbourg de la 12ᵉ étape de 1919
Pour plus de détails de l'accueil et l'arrivée en Alsace en 1919
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k46314831/f2.item.zoom
11 juillet 1928, départ de Strasbourg
Revenons à notre course de 1928. Un article consacré avec images à l'appui relate l'événement :
« Le lendemain, mercredi à 9 h 00, le départ de la 18ᵉ étape et ses 54 coureurs rescapés est donné par DESGRANGES direction Metz via Brumath. Les équipes sont lâchées par intervalles de 10 min à la hauteur de la Place de Pierre, tout près du vélodrome de Schiltigheim. Une escadrille de 10 biplans, en ordre de bataille, sillonne le ciel bleu azur, tandis qu'un autre, hardi pilote, exécute d'innombrables loopings. Des alsaciennes coiffées de leurs grandes coiffes noires sont tout sourire. L'ambiance est à la fête. »
Photos du journal « L'Auto »
Le coureur Antoine MAGNE qui a fait son service militaire en Alsace en 1924, y avait gagné de nombreuses courses. Il est fortement sollicité et encouragé par de vieilles connaissances locales comme Joseph MULLER. Une foule de cinq à six mille spectateurs applaudit fiévreusement. On apprend par l'article du journal « Le sport alsacien » que le Luxembourgeois FRANTZ est de bonne humeur, que BOUILLET est d'une stature imposante et que Marcel BIDOT a le visage crispé. Enfin, il est enfin possible d'admirer et d'approcher les coureurs qui sont occupés à bricoler leur machine à même le trottoir à l'ombre des arbres, contrairement à mardi.
Joseph MULLER (1895-1975) est originaire d'Orschwiller près de Sélestat. Vainqueur de la 12ᵉ étape en 1923 entre Genève et Strasbourg avec une avance de 20 min, il fut classé premier français au Tour de France 1924 avec une 6ᵉ place au classement général. Il courrait dans l'équipe Peugeot Wolber. Après sa carrière de cycliste, il a ouvert une brasserie à Strasbourg.
« Le pneu Dunlop est le pneu que le cycliste du Tour de France doit impérativement posséder pour gagner », publicité de 1928
Article du journal l'Auto Vélo suite :
« Les Français de l'équipe Alléluia Wolber appelés « les moineaux » à cause de leur coureur du même nom, équipier de MAGNE, sont particulièrement acclamés par la foule. Les Australiens ne sont plus que trois et OPPERMAN, le meilleur des trois, tire la tête des mauvais jours, les Belges « les perroquets » semblent déterminés, les « bleus » de l'équipe Armor Dunlop, même réduits à deux coureurs, semblent réjouis, normal, la victoire de MAUCLAIR à l'arrivée de Strasbourg y est sûrement pour quelque chose et ce dernier ne se lasse pas de signer des autographes. Leur coup de pédale au départ est fulgurant et en un clin d'œil, ils sont hors de vue des spectateurs. Les coureurs régionaux, les lorrains COLLEU, LANGE et FILLIAT ont le moral contrairement à DELBART qui a dégringolé dans le classement suite à une douleur musculaire. Les 12 derniers coureurs amateurs classés dans la rubrique « Touristes routiers » prennent le départ à 10 h 00. Après leur départ, le calme revient peu à peu ! »
Giusto CERRUTI
Les courses locales. La course du 15 septembre 1935
Le prix TERROT d'Obernai a été l'évènement sportif local de cette année. Une foule immense acclama les coureurs tout au long du circuit, de sorte qu'il a été de plus en plus difficile de canaliser un passage aux participants qui devaient traverser quatre fois le centre-ville. Particulièrement, le sprint final avec un groupe de neuf coureurs a été « sport » vu la densité de spectateurs à l'arrivée. « Le vainqueur Paolo RUBIANI de Nancy est un grand vainqueur, mais Henri HAAS ou son frère Marcel de Mulhouse ou encore Martin MAYER, Joseph HIRSCH, René ARNOLD, Charles KEHR de Dambach, Ernest KELLER ou Lucien HILD auraient pu avoir leur chance » écrit le rédacteur du journal « Le sport en Alsace ». Le vainqueur était équipé d'un vélo de la marque Génial Lucifer (à cause de sa fourche ?).
L'inscription avait eu lieu au restaurant « Au tonneau d'Or » d'Obernai. Alors que 23 coureurs étaient au départ, seuls 18 franchirent la ligne d'arrivée. De grandes pointures comme le Savernois KIEFFER et les frères KOEHLER sont comptés manquants. Gustave KOEHLER vit sa roue arrière l'abandonner dans la côte de Heiligenstein. À Obernai, le coureur OTT l'imitera. Dans la montée de Saint Nabor, BRENTEL, OHL, OTTAWA, ESSINGER, KELLER, HILD, WEBER, Marcel HAAS et KEHR seront décrochés. À Obernai, le premier sprint scratch est attribué à Martin MAYER, le coureur local possède un magasin de vélo dans cette ville. Puis les coureurs empruntèrent la « mauvaise route » entre Meistratzheim et Valff, ce qui les obligea à rouler en « file indienne » (sic). La prime à Bourgheim est raflée par ARNOLD. Vers la fin de la course, un groupe de neuf coureurs se regroupera et c'est le classement à Obernai cité plus haut qui délimitera, au sprint, le classement final.
Le rédacteur du journal « Le sport alsacien » a résumé cette course par cette pensée : « Tous les premiers coureurs ont fait la preuve de leur courage et de leur opiniâtreté et auraient mérité la victoire ».
Victor WEISGERBER, à droite
Source : Gallica