- Écrit par : Rémy VOEGEL
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L'ancien château de Valff avait survécu à des siècles de troubles jusqu'au jour où son dernier propriétaire décida ... de le démolir. Il ne reste aujourd'hui aucun dessin ni gravure du monument. Aujourd'hui, la rue du château est le témoignage muet de son existence. Mais à quoi ressemblait-il ?
Plan de 1731
D'après une description de 1876 nous savons que le château de style gothique tardif avec quelques influences de la Renaissance comprenait au Sud-Est une tour ronde abritant un bel escalier de pierre. La porte de la tour était surmontée des écussons d'Andlau et Bock et du millésime 1517-1552. Le linteau de la porte offert par un particulier est aujourd'hui exposé devant la mairie. Il est brisé car sommairement enterré, il fut écrasé par un char pendant la libération !
Linteau du château avec les blasons d'Andlau et de Von Bock, millésime 1517-1552
D'après les dires des maçons qui entreprirent la démolition la bâtisse aurait encore pu résister des siècles. Sur la façade côté église se trouvait l'escalier d'honneur, d'une largeur de cinq mètres, menant à un péristyle (galerie de colonnes faisant le tour extérieur d'un édifice en dehors de son mur d'enceinte) de trois mètres de large. Le sol était garni de grandes dalles de pierre. Sur la façade donnant vers de Nord et le pont levis siégeait un oriel (fenêtre en encorbellement faisant saillie sur une façade et formant ainsi une loggia s'ajoutant à la pièce) agrémenté d'un balcon.
Essai de reconstitution
Grâce au registre des taxes, nous savons que le bâtiment possédait 42 fenêtres (chaque fenêtre style Renaissance pouvant compter pour deux fenêtres). A l'intérieur trônait une cheminée d'agrément. La demeure de 14 mètres sur 24 (338 m²) sur 9,38 ares de terrain avec grange était protégée par une enceinte de 400 mètres de long atteignant par endroits un mètre de large, le tout posé tel un écrin au milieu d'un fossé inondé.
Exemple de péristyle
Après la Révolution, le château fut vendu Bien National. Un certain BARROIS en fit acquisition pour le revendre en parcelles et en retirer des bénéfices substantiels. Les propriétaires suivant furent Blaise KLEIBER, époux de Marie Odile LUTZ. Ce dernier envisagea d'y installer une régie de tabac. Son fils Guillaume marié à Anne Marie KLIPFEL ouvrit une auberge avec chambres en 1838. Une de ses filles, Marie Anne, épousa Joseph BUNTZ. A la mort de Guillaume, deux autres filles, Marie Odile mariée à Laurent SAAS et Marie Françoise, exploitèrent l'auberge conjointement. Les derniers héritiers furent la famille Laurent SAAS et Séraphin WIGENHAUSER dont la femme Anne était surnommée « s'Schloss-annel » (Anne du château).
En indivision et dans un état délabré les héritiers décidèrent de vendre le château au maire Joseph KLEIBER ... qui décida de le revendre connaissant la finalité, donc sa démolition. 1889 sonna l'hallali pour ce patrimoine irremplaçable. Trois maçon de Zellwiller l'achetèrent pour 4000 Francs. Ils utilisèrent les matériaux pour des constructions dans la région (4000 francs correspondraient à 16 000 euros actuels !).
Oriel du Château de Landsberg
Notons simplement la réponse du chanoine STRAUB, à l'époque Président de la Société pour la Conservation des Monuments Historiques, répondant à une lettre de l'abbé HUNSINGER, vicaire à Valff, alertant de la démolition imminente : « J'ai été bien frappé de cette nouvelle de démolition. Le petit château ne pourrait-il pas être conservé et utilisé par la commune ? [...] Ne pourrait-on pas trouver un amateur qui le restaurerait et y résiderait la saison d'été ? Tous ces anciens souvenirs tombent et disparaissent l'un après l'autre, que restera -t-il dans cent ans ? » (Extrait du « Bulletin de la Société pour la Conservation des monuments historiques » de 1889). Durant les dernières années de l'auberge, une tradition consistait à servir des « Fansenachtskiechle » (beignets de carnaval) par paniers pleins. De la vaisselle de l'auberge est encore en possession de particuliers. Le petit château a disparu victime de personnes flairant la bonne affaire ! Dommage. Quelle belle affaire !