Cascade du Kreuzweg sur un affluent droit de l'Andlau au Hohwald (Wikipédia - Bernard CHENAL)
L'Andlau dit « Sehebach ou Scheraben » [en savoir plus sur Wikipédia] devait être au moyen-âge un cours d'eau important. Les premiers documents en relation avec Valff datent de 1312. Le 17 février de cette même année, devant l'officialité, Eberlin, fils de Koephelin EBERHARDT de Valff, promet de ne pas troubler l'abbaye de Saint Etienne dans la jouissance du Schiffgraben à Hindisheim. L'abbaye de Saint Etienne détenait en effet à Hindisheim un moulin sur ce cours d'eau. Le document ne donne aucune précision sur la nature de cette affaire (ABR - H 2650).
Un deuxième document de cette même année fait état d'un nommé Albert, batelier de Valff, qui renonce aux droits que peut lui compéter sur la jouissance du Schiffgraben. Les deux documents sont rédigés en latin (ABR - H 2649).
BARTH relate dans « Der Rebhau des Elsass » qu'en 1408, les villages de Barr, Mittelbergheim, Stotzheim, Zellwiller et Gertwiller utilisaient ce cours d'eau pour le transfert et l'exportation du vin sur Strasbourg et les pays nordiques, via l'Ill et le Rhin. Le port de chargement ou « Ladhof » se trouvait à Zellwiller. Les utilisateurs de ce moyen de transport devaient se soumettre au payement d'une taxe par Ohm de vin, qui servait à l'entretien du Ladhof et de l'Andlau. Or, il semblerait que Valff ait eu à sa disposition son propre «Ladhof » sur l'Andlau, situé dans le Bläsenfeld. Cette supposition justifie la présence de bateliers à Valff déjà en 1307. En effet, dans trois différents renouvellements de biens, on fait état de l'existence de parcelles situées près du Ladhof savoir :
- Renouvellement de biens de Bourgheim en 1665 (Archives de Strasbourg VII - 55) : « Ein Zweitel zieht auf den Ladhof »
- Renouvellement du ban de Valff en 1668 (ABR - 2E - 504) : « Bei dem Ladhof »
- Renouvellement des biens du Reichshoferrischen Guts en 1725 (fonds privés Marie-Anne MULLER) : « Bei dem Ladhof ». Le Schiffgraben servait également au flottage du bois. Les seigneurs d'Andlau jouissaient du droit de péage et de pontage en vertu des lettres de patente de Ferdinand, roi des romains des années 1442, 1472 et 1540, et confirmé par arrêt du Conseil d'État du 24 février 1728 et perçoivent 4 deniers par cordée de bois flotté sur la rivière de l'Andlau (ABR-FA-922). Il semblerait également que pour la construction de la citadelle de Strasbourg par Vauban, on ait flotté le bois et les pierres de taille à partir d'Andlau sur le Schiffbach
En 1421, le Heimburger de Valff demande au nom de la population du village l'autorisation de pouvoir curer le cours d'eau sur le ban de Valff, par suite de trop fréquentes inondations. La demande est adressée au « Comuent » de l'abbaye de Trutenhausen ainsi qu'au Heimburger de Barr et aux autres communes de la seigneurie de Barr. L'autorisation est accordée pour le curage, mais il est expressément spécifié que l'autorisation ne confère aucun droit aux habitants de Valff sur le Schiffbach (Archives ville de Strasbourg VI - 53).
Vers 1520, l'abbesse d'Andlau, Cunégonde de REINACH possédait déjà un barrage sur le Schiffbach dans le ban de Valff, qui servait à l'irrigation de ses prés et pâturages. Cette situation provoquait un différend entre les seigneurs de Barr qui revendiquaient l'utilisation exclusive de ce cours d'eau. Sur ordre de ces derniers, le barrage fut saccagé par des sujets de Barr. Après la mort de l'abbesse Cunégonde, la nouvelle abbesse Kordula de KROTZINGEN décida de reconstruire le barrage vers 1562. Cette initiative souleva à nouveau la colère des seigneurs Friedrich et Maximilien ZIEGLER de Barr dont la procédure juridique se prolongea sur plusieurs années (ABR - H 2320).
Entre 1500 et 1550, le Schiffbach causait de fréquentes inondations. Sur proposition de l'évêque de Strasbourg, Landgrave d'Alsace, un curage et un élargissement furent entrepris entre les Vosges et l'Ill. En 1542, une partie des travaux était déjà effectuée, la partie incombant aux seigneurs d'Andlau n'étant pas encore commencée. Les d'Andlau étaient plutôt hostiles à ces travaux craignant des problèmes d'irrigation des pâturages. L'évêque a dû intervenir par lettre et de les sommer de commencer ces travaux dans les plus brefs délais (Archives ville d'Obernai).
En 1556, Friedrich et Maximilien ZIEGLER, baillis de Barr, se plaignent des habitants de Valff qui pêchent en violation du règle-ment dans le Schiffbach. Les contrevenants sont passibles d'une amende de 5 schillings. Cette somme ne dissuade pas les pêcheurs contrevenants (Archives ville de Strasbourg VI - 16).
Bien que les sujets de Valff n'aient aucun droit sur le Schiffbach, il leur incombait toutefois de curer ce cours d'eau. La période de curage a été fixée en 1593 pour la Saint Jacques, période à laquelle il fait très chaud et où le niveau d'eau est le plus bas (Archives de la ville d'Obernai).
C'est ainsi qu'en 1684, les seigneurs de Barr se plaignent à nouveau que les sujets de Valff se permettent de pêcher bien qu'ils n'aient aucun droit. Les archives nous rapportent une anecdote amusante de cette même année 1684. Des sujets de Barr ayant pêché dans le Schiffbach, se sont vu confisquer toutes leurs prises ainsi que le matériel, par des gens de Valff, d'où protestation énergique de l'Amtmann de Barr (Archives ville de Strasbourg VI - 46). S'agissait-il d'un acte de représailles contre ceux de Barr ? Le 28 juin 1707, l'Amtmann de Barr proteste énergiquement auprès des seigneurs d'Andlau contre les habitants de Valff qui se sont permis de faire un barrage sur le Schiffbach pour irriguer leurs prés et pâturages. Le barrage était en place du samedi soir jusqu'au lundi matin, de sorte que même les pâturages de Bourgheim et Goxwiller étaient complètement inondés. L'Amtmann insiste sur le fait que depuis des temps immémoriaux ceux de Valff devaient solliciter pour la moindre intervention sur le Schiffbach, un accord préalable, ce qui n'a pas été fait. L'inondation commise par les sujets de Valff avait pour conséquence que « le Schultz de Kertzfelden » s'est noyé dans le Schiffbach. SCHULTZ était parti le dimanche matin à cheval de Kertzfel pour se rendre à Goxwiller pour acheter du bois. Au retour, il s'est malencontreusement noyé (Archives ville de Strasbourg VI - 426).
Dans une description des cours d'eau du XVIII' siècle (vers 1750) nous pouvons lire qu'après Zellwiller, l'Andlau n'est ni flottable ni navigable et ne produit aucun poisson, mais sert uniquement pour faire « aller » les moulins et arroser les prairies à un quart de lieu du village de Zellwiller, à la rive gauche il y a un moulin à farine et un fouloir à chanvre, appelé communément « Bruchmühl ». Le 10 mars 1770, le meunier de la Bruchmühle, Jean-Jacob SCHREIBER, adresse au directeur des Ponts et Chaussées d'Alsace une requête dans laquelle il accuse les communautés de Valff et Zellwiller, que la rivière dite Andlau inonde ses installations, ce qui l'empêche de moudre et lui cause de ce fait un grand préjudice. La commission chargée de l'enquête constate le bien fondé de la requête et demande à la commune de Valff d'enlever les arbres tombés dans le cours d'eau et de curer l'Andlau à partir du moulin jusqu'au petit pont en bois qui donne accès au ban de Westhouse. La même consigne est donnée à la commune de Zellwiller pour la moitié du cours d'eau la concernant.
Au temps de la Restauration, vers 1812, on songea dans le Bas-Rhin à défricher les landes du Ried de l'Andlau. Le projet se heurta toutefois à l'hostilité des communes intéressées, le parcours étant « la plus précieuse ressource des habitants », aux dires du conseil municipal de Zellwiller, Krautergersheim, Valff et Niedemai (L'Alsace au XIX' siècle - P. LEULLOT).
A l'extrême pointe du Ban de Valff, au lieu dit « Herrestall », nous trouvons encore de nos jours des vestiges d'importants ouvrages exécutés en 1856. Tout un ensemble d'écluses, de barrages de fossés, de canaux couvrant une importante surface d'un terrain actuellement boisé. A en juger l'ampleur des matériaux mis en oeuvre et de la technique employée, il ne peut que s'agir d'ouvrages à caractère militaire, en prévision de la guerre de 1870 ? Les gens de Valff n'avaient aucun intérêt à implanter un système d'irrigation à l'extrême pointe du ban.
En 1889, Fr. EICKHOFF (Heimatskunde des Kreises Erstein) relate que le Ried ou le Bruch de l'Andlau est une région qui par son niveau très bas, est une zone marécageuse par suite des inondations fréquentes provoquées par l'Andlau. Les prés sont d'un rendement très médiocre, son sol n'est pas fertile. Il est envisagé de rendre cette surface de 5000 ha plus fertile par d'importants travaux de curage, de rectification et d'approfondissement des cours d'eau (Andlau, Ehn, Engels, Kiinigsgrabe, Landgraben, Nargrabcn et les canaux), la mise en place de tout un système de barrages, d'écluses permettant l'irrigation et rendant par ces travaux toute cette région plus productive. Le coût global de l'opération est estimé à 900 000 Marks.
La rectification de l'Andlau a été entreprise en 1896. Dans les archives communales, nous trouvons les plans d'alignement sur toute la longueur du ban de Valff. Ces importants travaux devaient être exécutés à bras d'homme, aussi les gens de Valff étaient-ils largement partie prenante dans cette entreprise. La rectification entraînait inévitablement des changements de limite du ban. Le 11 avril 1896, un accord a été conclu entre la commune de Valff et le syndicat Ehn et Andlau où nous relevons les points suivants :
- La commune de Valff cède 24,84 ares de terrain à 60 Marks l'are, ces terrains sont situés en amont de la route de Valff à Westhouse
- La commune de Valff cède 28,17 ares de terrain à 60 Marks l'are, ces terrains sont situés en aval de la route de Valff
- En ce qui concerne les autres surfaces à céder de 23 et 19 ares, il sera procédé à un échange entre la commune de Valff et Westhouse, où Valff obtient 58,41 ares, qui par suite de l'alignement de l'Andlau, seront situés du côté du ban de Valff
- La commune obtient un dédommagement global pour les surfaces à céder pour 2100 Marcks ; est exclus le trop perçu de terrain (58,61 ares - 23,19 ares = 35,42 ares) (Archives communales)
Le dernier curage de l'Andlau date de 1958, les travaux ont été exécutés par le syndicat de l'Ehn et de l'Andlau (Archives communale).
Les eaux de l'Andlau faisaient mouvoir un moulin au lieu dit « Bruchmiille ». De ce moulin, complètement en ruine depuis une trentaine d'années, ne subsistent plus que quelques vestiges de nos jours. Une partie d'une croix rurale frappée de l'emblème de la corporation des meuniers nous rappelle l'emplacement de ce moulin, cité une seule fois dans les archives en 1770.