La discipline et la rigueur allemande ne sont plus à démontrer. C'est donc naturellement que la région Alsace, après son annexion en 1870, dut apprendre à se conformer aux préceptes de l'ordre teuton.
Selon le proverbe allemand « Wer trübe Fenster hat, dem scheint alles Grau » (celui qui a des fenêtres sales, voit tout en gris), la commune de Valff, par le biais de son maire ANDRES sorti un arrêté municipal en 1875 basé ... sur d'anciennes lois françaises de 1790 et 1837 ! Il faut croire que le village s'était laissé aller. La commune piocha donc dans les réserves législatives françaises pour ... assainir les rues et les passages !
Il semblerait que le village se soit tout doucement transformé en dépotoir. Les rues s'étaient dénaturées en terrain vague par le passage des oies et bestiaux qui traversaient la commune deux fois par jour. Des charrettes et attelages à chevaux laissaient derrière elles de beaux tas de boue et de crottes et les habitants avaient pris l'habitude d'étendre leur propriété sur la voie publique. Certains avaient pris l'habitude de déverser leur pot de chambre remplis des affaires nocturnes entre leur maison et celle du voisin (Gangele). Cette ancienne habitude ne choquait personne, on le faisait depuis si longtemps ! Ce qui posait problème c'est que le monticule grossissait, merci les odeurs ! Et je ne vais quand même pas nettoyer les crottes de mon voisin quand même et dans ce mélange comment retrouver les miennes ! Trop c'est trop, il faut sévir !
Le maire débute son arrêté par mettre en avant la santé publique.
Les maisons
- Les passages et espaces entre les maisons servant à l'écoulement des eaux usagées et autres excréments doivent être impérativement nettoyés. Dans un délai de 14 jours tous gravats et saletés doivent être retirés.
- Tous les passages mitoyens doivent être, entre le 1er octobre et le 1er avril nettoyés tous les 3 mois et chaque mois en été. La commune se réserve l'injonction d'un nettoyage obligatoire supplémentaire. Une tournée faite par 2 agents communaux régira les injonctions ou sera nettoyé au frais des propriétaires.
Ramassage des ordures à la fin XIXe siècle
Les rues
En 1784, le maire s'énerve à nouveau. Les habitants ne respectent pas les consignes. Il ordonne :
- Toute implantation de barrières, arbres, broussailles et autres délimitations le long des voies communales est permis uniquement sur autorisation communale.
- Chaque propriétaire est tenu de nettoyer et balayer devant sa propriété chaque samedi, le trottoir jusqu'à la moitié de la rue. Il faut enlever les crottes, les cailloux et les détritus. En hiver en cas de chute de neige, il est tenu de déneiger. En cas de verglas il doit disperser de la cendre ou du sable. En été par grandes chaleurs, arroser le revêtement.
- Il est interdit de déverser sur les rues, les ruelles et les places publiques du fumier, de la terre, du sable, des pierres, des détritus, du bois, des feuilles mortes etc... ou déposer et laisser pourrir des machines agricoles ou des charrettes. Il est indispensable d'éclairer tout obstacle durant la nuit.
- Il est interdit de déposer des bottes de chanvre, de lin ou d'osier et de travailler ces matériaux sur la voie publique. Tout écoulement d'urine d'animaux comme celui des porcs peut être dirigée vers la rue à condition d'être bien délimité.
- Les remouleurs, gitans et vanniers ne sont pas autorisés à s'installer ailleurs que dans des maisons habitables.
- Le passage du village n'est autorisé qu'à la vitesse du trot. Il est interdit de laisser le passage d'animaux sans surveillance. L'utilisation des rennes est impérative. En cas du croisement de deux attelages il est décrété que l'on se croise par la droite. On se dépasse par la gauche.
Notons que :
- l'habitude du nettoyage, le samedi, des rues et des rigoles devant chaque propriété, était entré dans les mœurs et encore effectif il n'y a pas si longtemps encore.
- la circulation des véhicules à moteur qui sillonneront plus tard les routes et les rues garderont ce sens de circulation contrairement aux règles anglo-saxonnes.
C'est la campagne voyons ! On est habitué à se déplacer avec les chaussures crottées (même madame !) mais rien à voir avec l'hygiène des villes comme nous allons le voir pour Sélestat !
Jean Pierre BERNARD, historien, témoigne : « Les ruelles sont étroites. Le ruisseau qui court au milieu de la rue constitue le tout-à-l'égout. On y déverse les eaux ménagères, les détritus, les excréments écrasés au passage des charrettes et les urines que les gens déversent par les fenêtres. Les odeurs sont pestilentielles et les trottoirs des cloaques. Les autorités émettent régulièrement des lois de propreté qui ne sont que très rarement suivies. Vers le XVIIIe siècle, la ville fit construire des latrines publiques. En 1803 le Conseil municipal reconnaît que les latrines ne sont que très rarement nettoyées et qu'elles débordent et empestent. Il faut payer une personne qui sera attelée au nettoyage. Marguerite (dont le nom complet a été gratté sur le document) est engagée pour 48 francs par trimestre. A Sélestat en 1833 sur 951 maisons, 133 n'avaient pas de toilettes et 192 possédaient des "baquets de nuit" sortes de cuves en bois d'une contenance de 20 litres. Pour le vidage de ces cuves on mis en place un service d'évacuation. Elles furent évacuée par des entreprises d'évacuations dans un grand fût transporté sur une voiture ou tombereau à l'extérieur de la ville ».
Vive le tout-à-l'égout et les toilettes modernes finalement ! N'est-ce pas ?
Arrêté municipal sur les règles de propreté pour la ville de Strasbourg en 1915
« On ne cuit pas le riz dans de l'eau de vaisselle », proverbe géorgien
Sources :
- Fond Antoine MULLER
- Archives de la commune